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mardi 22 janvier 2013

Disperser la pauvreté...



Disperser la pauvreté ?
Les quartiers sensibles, en concentrant la pauvreté, concentrent aussi insécurité, chômage et échec scolaire. Les politiques de la ville ont tenté de répondre à ces problèmes sociaux en créant un empilement de zones à statut spécial tel que lescontrats urbains de cohésion sociale (Cucs), les zones urbaines sensibles (ZUS), les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU). A cela s’ajoutent les ZEP ou zones d’éducation prioritaire, dont j’ai moi-même fait l’expérience en tant que collégienne. Pourtant, malgré tous ces efforts, la Cour des comptes constate, dans un rapport de juillet, que ces zones n’ont pas rattrapé leur retard par rapport au reste du territoire.
L’objectif des politiques de la ville est souvent d’améliorer les conditions dans les quartiers sensibles sans pour autant tenter d’en changer la composition sociale. Au vu de leur échec, ne faudrait-il pas plutôt déconcentrer la pauvreté ? C’est cette idée qui a été évaluée aux Etats-Unis avec le programme «Moving to Opportunity» (MTO), qu’on peut traduire par «déménager vers les opportunités».
Le MTO permet aux habitants des logements sociaux dans les quartiers les plus pauvres de déménager vers des quartiers plus aisés. Parmi les habitants des quartiers qui se sont portés volontaires pour le programme, on a tiré au sort. Les heureux gagnants ont reçu des bons pour payer leur loyer dans l’immobilier privé ainsi qu’un conseiller pour les assister dans leur déménagement. En comparant les gagnants et les perdants de ce tirage, on peut mesurer l’impact du quartier sur la vie des habitants. Si, quelques années plus tard, les gagnants s’en sortaientmieux que les perdants, cela montrerait que habiter un quartier plus aisé peut améliorer le statut social des anciens habitants des quartiers sensibles.
L’un des objectifs principaux du MTO était d’améliorer l’emploi de ces populations défavorisées. Les participants au programme sont presque tous des familles monoparentales issues des minorités noires ou hispaniques. Avant l’introduction du MTO, moins d’un tiers des femmes adultes avaient un emploi. Pourtant, les femmes qui ont déménagé vers des quartiers plus aisés grâce au MTO n’ont pas vu une amélioration de leur situation sur le plan de l’emploi.
Mais qu’en est-il des enfants ? Si le MTO n’a pas aidé les mères à trouver un emploi, peut-être les enfants ont-ils bénéficié de meilleures écoles et ont donc pu sortir de l’échec scolaire. Hélas, il n’en est rien. Les nouvelles écoles des enfants qui ont déménagé avaient des résultats à peine meilleurs que les écoles des quartiers sensibles qu’ils avaient quittés. Les résultats scolaires des enfants ne se sont pas améliorés. Ainsi, déménager vers des quartiers moins sensibles n’améliore pas les résultats scolaires des enfants.
A ce stade, on est tenté de se demander si le MTO a vraiment permis aux familles de déménager vers des quartiers meilleurs. Il se trouve que ce programme a en effet permis à ces familles de déménager vers des quartiers avec une pauvreté bien moindre et surtout avec un niveau d’insécurité moins élevé. La diminution de l’insécurité a conduit à une amélioration marquée de la santé mentale des femmes, des petites filles et des adolescentes, avec en particulier une diminution de la détresse psychologique.
Si les femmes et leurs filles ont bénéficié de la vie plus paisible des quartiers où elles ont pu déménager grâce au MTO, les petits garçons et les adolescents ont été perturbés par le déménagement. Les garçons ont été confrontés à un choc culturel : leur attitude «ghetto» a attiré l’attention de la police dans leurs nouveaux quartiers, ce qui les a menés à se sentir exclus et persécutés. Ils ont alors adopté des comportements déviants (1). De plus, le déménagement a fait perdre à beaucoup de ces garçons le contact avec des figures paternelles qui auraient pu les aider à rester à l’abri des activités à risque. Déménager vers un quartier meilleur a donc un effet négatif sur le comportement des garçons.
Alors que l’idée de déconcentrer la pauvreté semble séduisante a priori, les résultats de l’expérience américaine ne sont pas très prometteurs. La politique française de la ville visant à améliorer les conditions de vie dans les quartiers sensibles n’est donc pas nécessairement un mauvais choix. En même temps, le manque de succès de cette politique doit nous faire réfléchir. En particulier, il serait utile de créer les conditions d’une évaluation rigoureuse des différentes politiques mises en place afin qu’on puisse apprendre de l’expérience passée et développer de meilleures solutions pour le futur.
(1) Les données montrent que les garçons sont plus souvent blessés dans des incidents sans explication, qu’ils fument davantage et qu’ils ont plus d’amis délinquants. Il n’y a pas, pour autant, d’indication claire d’une délinquance à proprement parler.
Ioana Marinescu est professeure d’économie à la Harris School of Public Policy de l’université de Chicago.

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