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lundi 14 janvier 2013

La journée des femmes c' est tous les jours....



Une femme tuée tous les trois jours en Italie
VIOLENCES DOMESTIQUES : En 2012, on compte 117 cas connus de femmes victimes de crimes domestiques. Le pays n’a pas signé la Convention sur la prévention et la lutte contre les violences domestiques.
Marina est une grande brune mince au sourire triste. Avec sa fille de 15 mois, elle habite dans un deux-pièces modeste à Intra, une petite ville bordant le lac Maggiore, dans le nord de l’Italie. Son compagnon l’a quittée lorsqu’elle était enceinte de huit mois. «Ce n’est pas plus mal», confie la trentenaire, serrant sa fillette contre elle. «Il me dénigrait constamment et pendant ma grossesse, il a commencé à me frapper; j’ai failli en perdre mon bébé.»
Le cas de Marina est banal, personne n’en parle; elle a survécu. En revanche, en 2012, 117 de ses concitoyennes ont eu droit à l’attention des médias. Toutes ont en commun d’avoir été étranglée, abattue par balle, poignardée, brûlée, étouffée ou battue à mort par leur compagnon, un ex-conjoint ou, dans un moindre nombre, un fils.
Si l’on sait que 117 hommes ont enlevé la vie à autant de femmes l’an dernier, et qu’entre 2005 et octobre 2012 877 Italiennes ont été tuées par un amoureux ou un ex-compagnon, c’est seulement grâce à la Casa delle Donne de Bologne. Depuis quelques années, le centre d’accueil pour femmes victimes de violences domestiques décompte les «fémicides», les traquant vaillamment dans les sections «faits divers» des journaux nationaux.
Partie visible de l’iceberg
«Les féministes italiennes réclament depuis longtemps des autorités qu’elles ventilent en fonction du sexe les meurtres survenant sur le territoire et que soit recensé le contexte dans lequel les victimes sont mortes», explique Marcella Pirone, une avocate qui offre des consultations légales gratuites aux victimes de violences conjugales à Bolzano, dans le nord du pays.
Jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a jugé pertinent de satisfaire cette requête. Ces tristes statistiques, une femme tuée tous les trois jours en Italie, sont uniquement la partie visible de l’iceberg. Les meurtres de travailleuses du sexe, de femmes sans papiers et d’autres non déclarés s’ajoutent vraisemblablement aux cas connus, fait valoir l’avocate.
Et outre les malheureuses qui perdent la vie, combien sont-elles à être maltraitées, comme Marina, mais sans en mourir? Combien d’Italiennes souffrent-elles en silence, sont-elles brisées psychologiquement et rendues malades ou invalides à cause des mauvais traitements? Combien d’enfants sont-ils eux-mêmes violentés et traumatisés de voir leur mère subir des coups, des injures et des menaces?
«De toutes les couleurs»
Beaucoup! Marcella Pirone en témoigne: «En vingt-cinq ans de service, je vous assure que j’en ai vu de toutes les couleurs.» Par ailleurs, selon l’Istat, l’Institut national italien de statistiques, 93% des violences infligées par un partenaire actuel ou ancien ne seraient pas dénoncées, restant inconnues, invisibles, inexistantes.
L’expérience a montré à l’avocate qu’il est certes extrêmement difficile de se sortir d’une situation de violence domestique, mais que ce qui attend les femmes a posteriori l’est presque autant. «La plupart des femmes qui décident de mettre un terme à une vie de violences ont été dévalorisées pendant des années et se retrouvent devant rien, avec une faible estime d’elles-mêmes et isolées émotionnellement», rapporte-t-elle.
De surcroît, le plus souvent, elles ont peu ou pas de source de revenus; ce sont elles qui doivent quitter le domicile conjugal, et elles craignent de perdre la garde de leurs enfants. Une crainte légitime, confirme Marcella Pirone, surtout si les enfants ne sont plus tout petits. «Souvent, les hommes sont bien intégrés socialement et économiquement, semblant plus «stables» aux yeux des juges, et aucune plainte n’a jamais été portée contre eux, la femme ayant toujours tout caché.»
L’omertà
Riccardo Iacona a voulu jeter la lumière sur cette violence cachée qui gruge l’Italie. Choqué par la soixantaine de fémicides survenus dans les six premiers mois de 2012, le journaliste, depuis plus de vingt ans à la Rai, le service public audiovisuel, a parcouru son pays pendant trois mois du sud au nord pour reconstituer quelques-unes des histoires des femmes décédées à cause d’un conjoint entre janvier et juin 2012.
Au cours de son périple, Riccardo Iacona a rencontré l’entourage des victimes et de leurs meurtriers. Ce qui frappe dans son récit, c’est que dans pratiquement tous les cas, tout le monde savait. Les voisins entendaient les coups et les cris; les familles et les amis en voyaient les séquelles; le personnel médical avait soigné des blessures; souvent, les services sociaux avaient déjà été interpellés, et parfois les policiers étaient déjà intervenus, dans certains cas l’accusé étant même un récidiviste...
Ces femmes sont mortes malgré tous les signes avant-coureurs! Un autre élément qu’on découvre au fil des enquêtes de Riccardo Iacona, c’est que la défunte n’est pas une exception dans son milieu. Mais qu’à divers degrés, presque toute la population féminine semble être touchée par la violence. Et qu’en plus, celle-ci est plutôt tolérée, voire banalisée, parfois jugée acceptable par les femmes elles-mêmes.
Par exemple, Vanessa Scialfa, une Sicilienne de 20 ans, a été étranglée à l’aide d’un câble électrique par Francesco Lo Presti, son petit ami de 34 ans, «trop jaloux». Les anciennes copines d’école de Vanessa, interviewées par le journaliste, semblent toutes trouver normal qu’une fois qu’elles ont une relation amoureuse, elles doivent s’isoler socialement, et parfois même couper les liens avec leur propre famille.
Cinquante ans de coups
Ou encore, en allant trouver les proches de Massimo LaTerra, qui a étranglé de ses mains Rosetta Trovato, 38 ans, son épouse avec qui il a une fille de 15 ans, on apprend que la violence faisait partie de la vie quotidienne. La mère de celui-ci admettait elle-même avoir subi des coups (ainsi que ses six enfants) pendant cinquante ans. D’ailleurs, un de ses yeux ne s’ouvre plus à la suite d’un coup de poing. Quant à l’auteur de ce défigurement, jamais il n’a eu à rendre de comptes, comme les autres 93% d’hommes violents non dénoncés.


L’accueil des femmes violentées menacé
Depuis 2008, l’Italie possède un réseau national, Donne in Rete (DiRe), d’une soixantaine de centres d’accueil pour femmes victimes de violences domestiques, inégalement répartis à travers la Péninsule. Selon Titti Carrano, présidente de l’association, en 2011, elles étaient 13 127 femmes à avoir utilisé les services d’un des centres du réseau. Plus de 70% des usagères faisaient appel à de l’aide pour la première fois, 64% se sentaient menacées par un partenaire et 21% par un ex-partenaire.
Les centres d’accueil offrent des services légaux, de psychologue, d’orientation pour le travail, des groupes de soutien et des services particuliers pour les enfants et les étrangères. Environ la moitié d’entre eux fournissent un hébergement d’urgence. Certains aident parfois à organiser la fuite d’une femme avec ses enfants vers un lieu sûr. En 2011, 464 femmes ont été hébergées avec 404 mineurs dans un centre de DiRe.
Certains centres d’accueil possèdent un numéro vert, certains sont ouverts 24 heures sur 24, d’autres ouvrent leurs portes à des heures spécifiques. Comme ce centre du sud de l’Italie qui accueille les femmes les lundis après-midi et les jeudis matins, lors des heures de marché. Parce que, selon Maria Grasso, la responsable, «il y a des femmes qui peuvent sortir de la maison seulement pour aller faire les courses, l’unique moment où elles ne sont pas contrôlées par leur mari».
Selon Titti Carrano, ces centres sont très importants parce qu’ils permettent aux femmes de s’y présenter de façon anonyme. Elles y trouvent d’autres femmes qui les aident tout en les respectant, sans exercer de pressions, comme pourraient le faire des services publics, par exemple, les contraignant à dénoncer l’agresseur ou à divorcer. Un des défis majeurs auxquels sont confrontés les centres d’accueil est le financement, qui demande beaucoup d’énergie et de temps.
Certains sont autofinancés. Selon les tendances politiques des régions, les gouvernements locaux allouent plus ou moins d’argent, mais sans jamais donner la garantie de les maintenir ouverts. Ils ne sont pas considérés comme un service public, au même titre qu’un hôpital par exemple, comme c’est le cas en Suisse, où une loi assure leur existence. Du coup, certains sont constamment menacés de fermeture.
amd
Mouton noir européen
Il est désormais admis qu’un contexte d’inégalités sociales entre les genres constitue un terrain favorable à la violence domestique. En 2012, l’index Global Gender Gap du Forum économique mondial, qui mesure l’ampleur des disparités de genre, positionnait l’Italie en 80e place, derrière des pays comme le Ghana, la Colombie et le Vietnam. L’Italie n’a toujours pas ratifié ni signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et les violences domestiques.
La Péninsule est d’ailleurs le seul pays de l’Union européenne à qui la rapporteuse spéciale de l’ONU a demandé en 2011 de prendre des «mesures spécifiques» contre les fémicides, notamment en matière de prévention. A titre d’exemple, selon les directives du Conseil de l’Europe, chaque pays membre devrait disposer, pour chaque 10 000 personnes, d’un lit pour une femme craignant pour sa sécurité.
Avec ses 57 millions d’habitants, l’Italie devrait en compter 5700. Or elle en possède 500, soit un lit pour 114 000 personnes. Quant à la Suisse, elle compte 227 lits pour ses 8 millions d’habitants (environ 1 lit pour 35 250 habitants) et 18 centres d’accueil pour les femmes victimes de violences conjugales. amd

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