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lundi 30 décembre 2013

Livron : Le carton recyclé rejoint le financement participatif...


Piégros la Clastre : Formations

Centre de l’Aube : Lettre d’information 05
Évènements à venir
Mercredi 8 janvier 2014 à 20h au Centre de l’Aube 
« SOIRÉE CONTROVERSE »
Le plaisir de la femme est l’avenir du plaisir de l’homme...
d’accord! - pas d’accord!
Cette soirée s’adresse aux professionnels et aux particuliers
entrée libre
Renseignements : 04 75 40 03 24 (du lundi au vendredi de 12h30 à 14h)
Cette conférence sera suivie d’un cycle de 3 week-ends en 2014
animés par le Dr Hugues Reynes et Chantal Baranger les :
25 et 26 janvier - 29 et 30 mars - 14 et 15 juin 2014. Lire la suite...
LES SOIRÉES DE L’AUBE
Jeudi 23 janvier à 20h00
« Faire de l’humanitaire un chemin de vie »
Aider l’autre n’est pas si simple!
Face à la détresse, dans un grand élan de générosité nous devenons parfois bénévoles. Mais avouons-le, rencontrer les plus démunis pour tenter de répondre à leurs réels besoins nous met parfois dans des situations compliquées.
Florence Chauvin nous présentera RÉFLEXE PARTAGE, l’association humanitaire qu’elle a fondée. Entrée : 3 €  Lire la suite...
Jeudi 13 février 2014
« Gitta Mallasz raconté par Bernard Montaud »

« L’histoire d’un amour spirituel » Film documentaire de Jean-Claude Duret. Gitta Mallasz est connue pour avoir été le scribe du célèbre livre « Dialogues avec l’ange » paru aux Éditions Aubier en 1976 et pour avoir réussi à faire parvenir dans de nombreux pays l’enseignement spirituel qu’il contient.
Le film sera suivi d’une discussion avec Hugues Reynes. Entrée : 5 €.
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Les week-ends à thème
11 et 12 janvier 2014
« Le couple dans tous ses états! »

Stages "Couple"
Week-ends à deux dans la Drôme animé par le Dr Hugues REYNES
Vivre durablement en couple est une expérience d’autant plus complexe, que nous n’avons pas été préparé à traverser les difficultés que tout couple rencontre naturellement un jour.
Et si nous prenions un temps pour faire le point et redonner du souffle à la vie à deux ?
Ces week-ends s’adressent :
Aux couples de tous âges qui souhaitent s’offrir un week-end d’intimité pour renforcer leur relation, qu’ils aient ou non des difficultés de couple.
Les buts :
-Comprendre les enjeux de la vie à deux.
-Découvrir et vivre les différentes dimensions de couple qui se succèdent dans le temps.
-Devant des difficultés, comprendre les mécanismes en jeu pour apprendre à les dépasser. Lire la suite...
Week-end du 26 et 27 avril 2014
« Les enjeux de la cinquantaine »
Par le Dr Hugues Reynes

Le début d’une nouvelle étape de l’existence
La période de la ménopause et de l’andropause : Comment bien vivre cette nouvelle étape de l’existence et trouver le nouvel élan qu’elle contient ? Lire la suite...
Les cycles en week-ends
les 25 et 26 janvier - 29 et 30 mars - 14 et 15 juin 2014
Nous renouvelons le cycle SEXUALITÉ sur 3 WE
« La sexualité - ce que l’on ne vous a jamais dit! »
Par le docteur Hugues Reynes
-Connaître les mystères du plaisir
-S’épanouir avec le sien
-Améliorer et enrichir sa vie sexuelle. Lire la suite...
22 et 23 mars - 12 et 13 juillet 2014
« Séjours d’étude et recherche sur l’apparition et l’évolution de la vie »
Astrophysique, Phylogenèse, Anthropologie, Embryologie
-Mieux comprendre comment la vie évolue depuis 15 Milliards d’années.
-Mieux saisir ce qui s’est joué à travers les règnes précédents, (minéral, végétal et animal), et ce qui se joue dans le règne actuel, (humain).
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Les séjours
Du 17 au 21 mars 2014
« Séjours Recul à l’Aube avec Bernard Montaud »
Faire un bilan de sa vie, accompagné par Bernard Montaud
Vivre pleinement sa vie!
Chaque session va permettre de faire un point complet sur sa vie affective, professionnelle et spirituelle pour reprendre le bon cap et ré-enchanter son existence. Vous pourrez côtoyer Bernard Montaud pendant votre séjour, fréquenter un autre rythme et un certain silence, tenter l’expérience du meilleur de soi et de ses propres dialogues inspirés. Lire la suite...
« Séjours libres autour de Hugues Reynes »
Des « séjours libres » sont proposés à l’Aube accompagnés par Hugues Reynes.

Ces séjours s’adressent aux personnes :
-Désirant prendre un temps de recul pour faire le point sur leur vie, résoudre une difficulté particulière ou aborder une question personnelle.
-Ayant des questions sur la sexualité, le désir d’enfant, l’infertilité, la parentalité (quelque soit l’âge des enfants) ou la ménopause.
-Souhaitant s’offrir simplement quelques jours dans un lieu calme et propice à la réflexion
Les prochaines dates ne sont pas encore définies. A suivre sur le site de l’Aube. Lire la suite...
Et encore!
Posez une question sur la sexualité au Dr Hugues Reynes
Dans le respect de la tolérance et de l’anonymat, une page du site est ouverte où vous pouvez poser une question relative à la sexualité au Dr Hugues Reynes. Vos questions et leurs réponses peuvent servir à d’autres personnes qui ont les mêmes interrogations et n’osent pas poser de question.
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Le Dr Hugues Reynes est invité régulièrement sur RMC à l’émission de Brigitte Lahaie.  "Lahaie, l’amour et vous"
L’équipe communication
www.aube-association.com
Permanence de l’Aube : 04 75 40 03 24 (de 12h30 à 14h du lundi au vendredi)
Contact par courrier électronique : Ici
Centre de l’Aube - association Accueil & Échanges les Combeaux 26400 Piégros-la-Clastre - France


La social~démocratie en crise...

EUROPE : RADIOGRAPHIE D’UNE SOCIAL-DÉMOCRATIE À LA DÉRIVE


Dans un ouvrage ambitieux, trois universitaires cartographient le « désarroi » de ces partis de gouvernement à travers l’Europe : chute de l’électorat, effritement du nombre d’adhérents, relation difficile avec la société civile… Ils insistent sur les effets de la crise, mais aussi sur le « pacte » conclu avec Bruxelles.
14 décembre 2013 | Mediapart.fr
Ce sont trois visages d’une social-démocratie mise à mal par la crise financière, qui cherche à se réinventer partout en Europe. En Allemagne, plus de 369.000 militants du SPD ont donné leur feu vert à la formation d’une grande coalition avec la CDU-CSU de la conservatrice Angela Merkel, d’après les résultats de la consultation publiés ce samedi : il devrait y avoir six ministres SPD, sur un total de 14 postes ministériels. En Italie, Matteo Renzi, le maire de Florence, est le grand vainqueur des primaires de la gauche italienne organisées en fin de semaine dernière, avec un programme encore flou, mais qui semble miser sur un nouveau rapprochement du parti démocrate (PD) avec le centre.
Quant à l’Espagne, l’ex-patron du PSOE, José Luis Rodriguez Zapatero, vient de publier un livre dans lequel il regrette, EUROPE le tournant vers l’austérité qu’il a engagé, à partir de mai 2010 : « Le dilemme a été de faire ce que jamais je ne pensais devoir faire : prendre des décisions, pour le bien du pays, qui allaient à l’encontre de mes convictions idéologiques. » À l’heure des politiques d’austérité anti-keynésiennes, tandis que la « troisième voie » vantée par Tony Blair a pris un sérieux coup de vieux, y a-t-il encore un avenir pour la social-démocratie sur le continent ?
Dans un épais manuel, rédigé en anglais, qu’ils co-dirigent aux éditions Palgrave Macmillan, trois universitaires auscultent les évolutions – et les errances – de la social-démocratie au cours des années 2000, dans 27 des 28 États membres de l’Union. Jean-Michel De Waele, professeur de science politique à l’université libre de Bruxelles (ULB), Fabien Escalona, chercheur en science politique à l’IEP de Grenoble et Mathieu Vieira, chercheur en science politique à l’IEP de Lille et à l’ULB, constatent en particulier le « désarroi idéologique » et le « vide stratégique » de ces partis de gouvernement, en Europe de l’Ouest, que la crise de 2008 a encore approfondi. La social-démocratie n’aurait plus « de modèle, d’originalité idéologique ou (…) d’électorat spécifique aisément identifiable », pour reprendre les termes d’un autre chercheur, Stefan Berger. Assumant un parti pris comparatif et exhaustif (chaque pays a droit à son chapitre), à l’aide de nombreux tableaux compilant des données souvent inédites, les trois auteurs en arrivent à soutenir, notamment, une thèse stimulante, qui n’est pas sans écho avec l’hypothèse formulée dans le pamphlet dirigé par l’économiste Cédric Durand en début d’année (En finir avec l’Europe, La Fabrique) : la social-démocratie aurait été piégée en acceptant de jouer le jeu de l’Europe « ordo-libérale ». Les sociaux-démocrates paieraient aujourd’hui le prix de leur ralliement trop enthousiaste au projet européen. « Le mot d’ordre formulé par François Mitterrand en 1973, “L’Europe sera socialiste ou ne sera pas”, n’a pas résisté à l’épreuve des faits », écrivent-ils.
Afin de rendre compte d’une partie de ces travaux massifs, Fabien Escalona et Mathieu Vieira ont accepté de publier, dans les pages qui suivent, certains des tableaux qui accompagnent leurs recherches et de les commenter. Retour en cinq temps sur une entreprise qui peut servir de boussole, à l’approche des élections européennes.   1 - L’effet dévastateur de la crise
Tableau de l’évolution des résultats électoraux des partis sociaux-démocrates sur les périodes 2000-2006 et 2007-2013 :
Grèce:Pour 2012, la moyenne des scores de mai et juin a été prise en compte.Italie:Scores de l’Olivier et du Parti Démocrate, des formations de centre-gauche en dehors de toute véritable tradition sociale-démocrate.
Le commentaire de Fabien Escalona et Mathieu Vieira : « En comparant deux périodes équivalentes avant et après l’éclatement de la grande crise économique contemporaine, on observe un recul assez net de la social-démocratie ouest-européenne. Impossible d’incriminer la seule crise, mais au moins on peut constater qu’elle n’a pas créé de sursaut global. On a certes assisté à plusieurs retours dans les exécutifs nationaux, mais dans des conditions souvent médiocres, à la tête de coalitions hétérogènes ou en tant que partenaire minoritaire.
Dans les pays où les sociaux-démocrates étaient au gouvernement au moment de l’éclatement de la crise financière et des dettes souveraines, comme en Grande-Bretagne et en Europe du Sud, les reculs ont été massifs. Cela n’est pas étonnant : dans les années 1930, les rares sociaux-démocrates qui « profitèrent » de la crise et furent innovants eurent en fait du temps pour s’adapter. Ce qui est préoccupant, c’est que six ans après la crise, on ne distingue guère de réponses originales produites et circulant dans les milieux sociaux-démocrates. Les propositions d’eurobonds (mise en commun d’une partie des dettes publiques à l’échelle de la zone euro – ndlr) et de taxe sur les transactions financières ne font pas un nouveau modèle, si tant est que la social-démocratie les défende encore en 2014.
Seuls les socialistes français et les travaillistes irlandais ont su progresser significativement, mais cela risque de n’être que provisoire. Dans les pays dits « du Nord » où la crise a été moins brutale, les sociaux-démocrates sont aussi en recul. Dans ces cas, d’autres facteurs que la crise ont sûrement joué, qui sont à l’œuvre depuis une trentaine d’années, autrement dit depuis le moment où la taille du continent social-démocrate a commencé à s’éroder, à l’instar de celle des grands partis de pouvoir en général.
Cette évolution pose la question de la stratégie d’alliance de la social-démocratie. Si jamais celle-ci veut vraiment s’opposer aux blocs conservateurs qui dominent en Europe, il lui faudra mieux connaître et dialoguer avec ses partenaires à gauche, y compris la famille de gauche radicale, qui a légèrement progressé depuis la crise. »
2 - Les adhérents : moins nombreux, plus vieux
Les adhérents sociaux-démocrates en Europe de l’Ouest. ©JMDW, FE, MV. Le commentaire de Fabien Escalona et Mathieu Vieira : « Un examen des effectifs des partis sociaux-démocrates ouest-européens confirme un constat établi depuis plusieurs années : ils ne sont plus des partis de masse. Seuls les partis allemand, espagnol et italien ont des effectifs supérieurs à 400 000 membres. Les adhérents des principaux partis de la famille sociale-démocrate (à savoir le SPD allemand, le PS français et le Labour britannique) ne représentent même pas 1 % de leurs électorats.
L’un des autres enseignements majeurs de notre ouvrage est que les partis sociaux-démocrates ont dû faire face à une véritable hémorragie militante depuis le début des années 2000. Hormis les partis ayant opté pour l’ouverture aux sympathisants via des primaires (France, Italie, Grèce), la grande majorité des autres formations a perdu près d’un tiers de ses effectifs : -34 % en Suède, -32 % au Portugal, -28 % en Allemagne, -26 % en Autriche…
Outre ce déclin du militantisme, la plupart des études de cas répertoriés dans notre livre indique que la pyramide des âges est déséquilibrée, dans la mesure où le corps militant est majoritairement âgé de plus de 50 ans. À titre d’exemple, 61 % des militants du PS wallon et 47 % des militants du SPD allemand ont plus de 60 ans. Seul le PS portugais peut s’enorgueillir de compter parmi ses membres près de 24 % de moins de 30 ans.
Tous ces phénomènes s’accompagnent de l’approfondissement d’une autre tendance engagée dans la décennie 1990, à savoir la professionnalisation des appareils partisans. »
3 - Vers une rupture avec les classes populaires ?
Fabien Escalona et Mathieu Vieira : « La “rupture” dont il est souvent question entre classes populaires et sociaux-démocrates doit être nuancée. Dans plusieurs cas à l’Est, leur électorat est largement composé de secteurs désavantagés de la société. À l’Ouest, des fractions encore importantes des couches populaires votent tout de même encore pour eux. Elles sont parfois nouvelles et en ascension démographique, comme les milieux populaires issus de l’immigration : on le remarque en France, mais aussi en Grande-Bretagne.
Cela dit, il est clair que les grands partis sociaux-démocrates ont perdu beaucoup d’électeurs ouvriers ou employés. En France, le désalignement des ouvriers est achevé. Cela fait plusieurs scrutins présidentiels qu’ils ne votent pas plus pour le candidat PS que le reste des votants. En Allemagne, le soutien des employés et ouvriers pour le SPD a décliné parallèlement à son niveau général, et les pertes se calculent en centaines de milliers de voix. En Angleterre, pour chaque électeur de type CSP+ perdu par le Labour entre 1997 et 2010, il en perdait trois parmi les catégories les plus déshéritées.
Il est donc logique d’attendre de ces partis qu’ils performent davantage auprès des milieux populaires. En même temps, il n’est pas anormal que leur électorat se renouvelle. Le capitalisme change, la structure sociale avec, et les forces politiques doivent s’y adapter. Historiquement, le dynamisme des gauches a d’ailleurs reposé sur leur association avec les couches ascendantes de la société. Il aurait été absurde après les années 1970 de camper sur un discours ouvriériste.
Le vrai enjeu consiste en fait à intégrer une large part des classes populaires dans un bloc sociologique majoritaire, partageant un “sens commun” alternatif à celui des droites. C’est tout le sens de la “bataille culturelle” à laquelle appellent des chercheurs comme Gaël Brustier, et qui n’a rien à voir avec les tentations tactiques de “gauchir” les discours, ou au contraire de les conformer à un air du temps jugé conservateur. Ce combat serait vain s’il ne s’accompagnait pas de la refonte d’un projet social-démocrate capable de restaurer la primauté du politique, et d’offrir un progrès humain non dépendant de forts taux de croissance. Une autre condition cruciale serait de renouveler les réseaux partisans au sein de la société, car ils se sont atrophiés et n’incluent pas de nouvelles formes de solidarités et de modes de vie qui se développent à la base. Il s’agit dans ce cas de redessiner une “géographie militante”. »
4 - Le pacte faustien de l’intégration européenne
Fabien Escalona et Mathieu Vieira : « Pour renouveler sa doctrine et mobiliser davantage les milieux populaires, la social-démocratie doit aussi régler le dilemme que lui pose l’UE, à savoir comment mener une politique sociale-démocrate dans un système conservateur. La métaphore que nous utilisons, celle du “pacte faustien”, ne vise pas à condamner mais à comprendre pourquoi les sociaux-démocrates ont embrassé et promu une intégration européenne dont ils s’étaient historiquement plutôt méfiés. Nous suggérons qu’il s’agissait selon eux du prix à payer pour recréer les conditions favorables à un “compromis de classe positif” pour le salariat.
Après l’échec de la dernière expérience de keynésianisme national et le “tournant de la rigueur” français de 1982-83, les sociaux-démocrates jugent que le réformisme passe désormais par le niveau européen. Toutefois, un véritable “euro-keynésianisme” aurait impliqué une véritable stratégie, avec un objectif global et de long terme, en l’occurrence une Europe sociale-démocrate. Or, sans une réflexion a priori sur la faisabilité d’une politique sociale-démocrate dans un cadre institutionnellement conservateur et économiquement néo-libéral, les socialistes ont eux-mêmes participé à légitimer puis à encourager l’approfondissement de ce cadre. D’une part, ce “pacte faustien” avec l’intégration européenne s’est décliné sur le terrain institutionnel. « Les forces d’opposition à un nouveau régime commencent par refuser mais finissent par l’accepter avec l’espoir de l’utiliser » : ces trois étapes théorisées par Olivier Duhamel pour qualifier le rapport de la gauche française à la Cinquième République s’appliquent parfaitement au ralliement des sociaux-démocrates à l’esprit et aux pratiques des institutions européennes. Si les sociaux-démocrates ont espéré utiliser le niveau européen pour défendre leur projet, le système institutionnel conservateur de l’UE, peu propice à une logique partisane, les en a empêchés. De plus, les sociaux-démocrates n’ont jamais véritablement remis en cause une logique consensuelle taillée sur mesure par les libéraux et les démocrates-chrétiens, et qui ne permet pas une réelle politisation des enjeux européens.
D’autre part, le “pacte faustien” s’est décliné sur le terrain de la politique économique. Loin d’avoir été les spectateurs de l’édification du projet ordo-libéral qui guide aujourd’hui la politique économique de l’UE (avec comme piliers la libre circulation des capitaux, l’indépendance de la BCE et la stabilité des prix), les sociaux-démocrates ont joué le rôle de co-bâtisseurs. Or, la compatibilité d’un programme social-démocrate axé sur la demande avec l’édifice ordo-libéral européen est douteuse. L’adoption d’un “traité social”, promis depuis le milieu des années 1980, n’arrangerait les choses qu’à la marge s’il venait à s’ajouter et à dépendre de des règles existantes qui le contredisent. Ce ne sont pas les dispositifs du TSCG qui risquent de démentir ce diagnostic !
En bref, on se retrouve dans une situation où cette famille politique n’a pas les moyens de changer le système existant, mais n’a pas non plus l’intention de le subvertir. On est donc dans un vide stratégique. »
5 - Une famille social-démocrate fracturée
Les partis sociaux-démocrates en Europe de l’Est. ©JMDW, FE, MV. Le commentaire de Fabien Escalona et Mathieu Vieira : « Notre manuel offre un panorama exhaustif du paysage social-démocrate dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Il nous confirme qu’à l’échelle de l’UE, on a plutôt affaire à une famille recomposée, voire artificielle. Certains chercheurs et responsables politiques attendaient beaucoup de transferts d’idées et de pratiques de l’Ouest à l’Est, mais il s’agissait d’une vision naïve et peut-être un peu paternaliste. Le poids de l’histoire ne s’efface pas si vite, et les scènes politiques des PECO sont très différentes de celles des vieilles démocraties consolidées. On peut même se demander si ce n’est pas la destructuration amorcée des systèmes partisans occidentaux qui risque de les rapprocher !
Contrairement au processus d’homogénéisation qui se poursuit à l’Ouest, la branche orientale est caractérisée par sa grande hétérogénéité. Les partis ont des tailles électorales très diverses, allant de plus des 2/5e de l’électorat à la quasi-inexistence. Ces disparités dans l’espace se doublent de disparités dans le temps : en une décennie, les formations polonaise et slovaque sont respectivement passées de plus de 40 à moins de 10 %, et de 13 à 44 % des suffrages. On observe une même hétérogénéité en ce qui concerne la sociologie de ces partis.
En termes programmatiques, les nouveaux enjeux démocratiques dits « post-matérialistes » (libération des femmes, autonomie des styles de vie, écologie politique…) sont largement ignorés par les sociaux-démocrates des PECO, qui sont aussi très orthodoxes sur le plan socio-économique, et doivent gérer d’autres problèmes, comme le rapport aux minorités ethniques ou linguistiques (Roms, russophones…).

Au final, la perspective d’une stratégie européenne commune à tous les sociaux-démocrates, qui irait plus loin qu’une ode aux droits de l’homme et à la justice sociale, apparaît encore lointaine. »
Ludovic Lamant

dimanche 29 décembre 2013

Revisiter les visions maxistes sur l'environnement...

« Une révolution écologique est nécessaire ». Entretien avec John Bellamy Foster


John Bellamy Foster, éditeur de la revue socialiste étatsunienne « Monthly Review » est économiste et enseigne la sociologie à l’Université de l’Oregon. Il est l’auteur d’une série d’ouvrages consacrés à l’écologie et au marxisme, dont « Marx écologiste » (éditions Amsterdam, Paris, 2011) et « The Ecological Revolution » (Monthly Review Press, New York, 2009). Cet entretien a été réalisé par Aleix Bombilà en juin 2010 pour le journal anticapitaliste espagnol « En Lucha ». (Avanti4.be) Dans ton livre « Marx écologiste », tu affirmes que le marxisme a beaucoup de choses à offrir au mouvement écologiste. Quel type de travail commun doit s’établir entre marxistes et écologistes ?
Je crois qu’il est important de reconnaître que les marxistes et les écologistes ne constituent pas totalement deux groupes différents. Bien sûr, il est vrai qu’il y a eu des « rouges » qui ont été anti-écologistes et des « verts » anti-marxistes. Mais il n’est pas surprenant que les deux se superposent et qu’ils convergent sans cesse plus. De nombreux socialistes sont écologistes et de nombreux écologistes sont socialistes. De fait, dans un sens, le marxisme et l’écologie, tant classiques qu’actuels, portent la même conclusion. Pour Marx, l’objectif était la création d’une société dans laquelle la relation métabolique (c’est-à-dire la production) entre l’humanité et la nature est rationnellement régulée par les producteurs associés. Le titre original de mon livre auquel tu fais référence aurait du être « Marx et l’Ecologie », mais je l’ai changé pour « Marx écologiste » vu la profondeur des conceptions écologiques de Marx.
Je pense qu’une approche marxiste critique, particulièrement à notre époque, requiert une cosmovision écologique, tandis qu’une écologie humaine critique requiert en dernière instance une orientation anticapitaliste et socialiste (c’est-à-dire marxiste). Quand au travail commun que les marxistes et les écologistes peuvent partager, je dirai que c’est la justice sociale et le respect des équilibres environnementaux : sauver l’humanité et sauver la planète. On ne peut pas attendre pour obtenir l’un sans l’autre et il n’est pas possible de le faire dans le système actuel. (...)
La lutte contre le changement climatique semble un peu abstraite à première vue. Comment pouvons-nous organiser des campagnes contre le changement climatique ayant un impact réel ? Qui doit les promouvoir ?
Le changement climatique et la crise écologique planétaire dans son ensemble, qui est plus vaste encore, représente la plus grave menace que la civilisation matérielle et, de fait, l’humanité, aient dû affronter. Si nous ne changeons pas de cap, nous risquons de voir la disparition de la Terre en tant que planète habitable pour la majorité des espèces vivantes d’aujourd’hui. Mais, comme tu le dis, cela semble un peu abstrait.
Les gens ne peuvent pas le sentir, vu que cela ne se reflète pas de manière constante dans les conditions climatiques à court terme, au quotidien ou même sur une saison. En outre, ce n’est pas un problème qui grandit peu à peu et doucement, il s’accélère au contraire avec toute une série de points d’inflexion et provoque des changements irréversibles. Ainsi donc, la marge de temps pour l’action est très courte et requiert un certain niveau d’entendement sur ce qui est en train de se passer.
Il existe aujourd’hui parmi les scientifiques une certaine unanimité sur la menace, bien que ce ne soit pas dans tous les détails. Il y a très peu de ces gens faisant autorité qui nient la véracité du réchauffement global et leur « science » a été réfutée à plusieurs reprises. Mais l’opinion qui nie ce changement apparaît constamment amplifiée dans les médias, à cause du pouvoir de la classe capitaliste qui considère toute action destinée à affronter le problème comme une menace pour ses intérêts immédiats.
Les gens sont donc plongés dans la confusion et ne savent que penser. En outre, ils sont frappés par d’autres problèmes matériels qui semblent plus immédiats : la stagnation économique, la récession extrême actuelle et les effets destructeurs de la politique néolibérale. Les travailleurs voient comment leur niveau de vie économique décline et ils sont préoccupés par leur emploi, avec un nombre croissant de chômeurs et de pauvres. Il est difficile par conséquent de se concentrer sur quelque chose d’apparemment aussi nébuleux que le changement climatique.
S’il faut chercher une révolte massive d’en base sur ce terrain, je crois qu’elle émergera en premier lieu non du centre mais bien de la périphérie du monde capitaliste. Arnold Toynbee, dans ses études sur l’Histoire, parle d’un prolétariat interne et d’un autre externe. Sur le changement climatique, ainsi que dans les révoltes contre le capitalisme en général, c’est le prolétariat externe qui jouera le rôle principal.
J’ai signalé dans mes derniers écrits la possibilité de ce que j’ai appelé un « prolétariat de l’environnement ». Les personnes les plus opprimées dans le monde, qui n’ont rien à perdre, se trouvent sans cesse plus dans certaines régions du Tiers-Monde qui sont et seront les plus affectées par les effets du changement climatique. C’est particulièrement évident avec la conséquence de la montée du niveau de la mer dans le delta du Gange et du Brahmapoutre au Bangladesh et en Inde ainsi que dans les terres basses fertiles situées le long de l’Océan Indien et de la Mer de Chine, dans l’état du Kérala en Inde, en Thaïlande, au Vietnam et en Indonésie.
Certaines régions, comme le delta des terres basses du fleuve de la Perle en Chine, correspondent aux zones qui connaissent le développement le plus rapide (dans ce cas-ci, la région industrielle de Guangdong, de Shenzhen à Guangzhou) et aussi les contradictions de classe les plus aigües. Ainsi, les épicentres mondiaux de la lutte environnementale et de la lutte des classes pourraient coïncider et fusionner.
Il y a deux types de signaux qui indiquent que les bases matérielles de la lutte sociale sont en train de se transformer. Cela est démontré par les guerres de l’eau, des hydrocarbures et de la coca en Bolivie, qui ont contribué à l’arrivée au pouvoir d’un mouvement politique socialiste et indigène.
Même dans les centres du système, les écologistes sont en train de mener à bien une grande quantité de luttes, en particulier le jeune mouvement pour la justice climatique. Bien qu’il n’y ait pas actuellement d’indices d’une révolte d’en bas des travailleurs, et malgré le fait que le mouvement syndical semble être totalement inactif aux Etats-Unis – en particulier dans le contexte de détérioration de l’économie (et de l’environnement) -, il y a quelques espoirs que les luttes reposant sur la communauté, le travail et l’environnement génèrent un nouveau contexte pour le changement. Il faut espérer que quelque chose comme le prolétariat environnemental émergera éventuellement dans le centre également. Si tu lis des œuvres classiques comme « La condition de la classe laborieuse en Angleterre » d’Engels, cela te donne une idée de l’importance fondamentale des luttes environnementales dans la formation de la classe ouvrière anglaise à cette époque classique et dans des formes qui contredisent l’étroite vision productiviste.
La vérité, c’est que, quand il s’agit des contradictions duales représentées par les échecs économiques et environnementaux du système, seuls les socialistes sont capables d’intégrer efficacement ces deux problèmes. Seuls les matérialistes historiques peuvent pleinement incorporer une théorie et une pratique qui reconnaissent qu’il ne s’agit pas de questions séparées, qu’elles ont au contraire une base commune dans le mode de production capitaliste. De fait, je crois que nous assistons à une convergence croissante des visions d’avenir socialistes et écologistes, dans une voie qui nous conduit dans une direction beaucoup plus révolutionnaire que dans le passé.
Mais nous ne devons pas verser dans un optimisme aveugle. Car tout cela requiert aussi une organisation. Et il y a de grands dangers, comme la croissance de l’écofascisme ou des tactiques dilatoires des gouvernements, qui pourraient signifier « la ruine conjointe des classes belligérantes ».
Comment pouvons-nous promouvoir la justice environnementale sans affecter la classe travailleuse ?
On pourrait aussi se demander « comment ne pas fomenter la justice environnementale sans affecter la classe travailleuse » ? Une des premières œuvres sur la justice environnementale est, comme je l’ai déjà signalé, celle d’Engels sur la condition de la classe laborieuse en Angleterre, qui s’est centré sur la manière dont la classe travailleuse était soumise à des conditions de vie toxiques, avec ses conséquences en termes de santé, et en cherchant la forme sous laquelle ceci avait affecté les divisions de classe et la structure urbaine.
Ces préoccupations faisaient partie de la lutte de la classe travailleuse dès ses débuts. La justice environnementale inclut aussi la santé et la sécurité dans les entreprises – et dans un sens plus large de ce qu’on entend généralement par là, en incluant des questions comme la durée du temps de travail, l’intensité des cadences, etc. C’est le développement d’un mouvement syndical de « services » et sa segmentation abandonnant d’autres aspects qui concernent pourtant eux aussi la classe travailleuse qui a fait qu’on imagine que le mouvement ouvrier ne peut se centrer que sur des questions très restrictives et séparées de la justice environnementale. En réalité, cette dernière mesure l’inégalité subie par les gens dans les multiples domaines matériels de la vie.
Bien entendu, l’injustice environnementale aux Etats-Unis est vue, de manière compréhensible, comme étant liée à une question de « race », et peut être d’une manière plus forte que comme une question de classe, vu que son impact majeur repose principalement sur les personnes et les communautés qui sont l’objet d’un « racisme environnemental ». Comme on le sait, les résidus toxiques sont plus souvent l’objet d’un dumping dans les communautés de couleur. On est ainsi souvent confrontés à l’idée erronée qu’il s’agit strictement d’un problème de « race » et non de classe. Ce qui est souvent implicite ici aussi, c’est la notion fausse selon laquelle la classe ouvrière est blanche et que, s’il s’agit d’un problème qui affecte principalement les Indiens, les Noirs, les Latinos et les Asiatiques, cela signifie alors que ce n’est pas un problème de classe. Pourtant, la classe travailleuse aux Etats-Unis est précisément majoritairement composée par les dénommées « minorités raciales ».
Cela n’a donc aucun sens de dire que la classe travailleuse est blanche, comme certains le supposent. La justice environnementale est donc bien à la fois une question de « race » et de classe (et aussi de genre). Elle pose des questions que le mouvement ouvrier contemporain, avec sa position limitée de « négociateur » et avec les divisions « raciales » qu’il a souvent contribué à perpétuer, n’est pas très bien équipé pour affronter. C’est un mouvement socialiste de la classe travailleuse qui pourra aborder la question avec plus de facilité.
Est-ce que l’imposition des industries polluantes constitue une solution ?
Si tu te réfères à une solution définitive, la réponse est non. L’unique solution réelle est de se débarrasser du capitalisme et de créer une société égalitaire et soutenable à charge des producteurs associés. Mais nous devons affronter le fait que le problème de l’environnement, y compris le changement climatique, est en train de s’accélérer. Il s’agit d’une question de survie pour l’humanité et pour la majorité des espèces qui peuplent la Terre.
La marge de temps pour agir si nous voulons éviter une détérioration environnementale irréversible est incroyable courte, c’est une question d’une génération plus ou moins pour mettre en route un changement de cap drastique. C’est du moins ce que la science nous dit aujourd’hui. Dans ces circonstances, nous avons besoin de réponses radicales à court terme et d’une révolution écologique à long terme. Les premières doivent aider à promouvoir les conditions pour la seconde.
A court terme, nous avons besoin, et j’en suis convaincu, d’un impôt sur le carbone comme celui proposé par James Hansen : un impôt progressif mensuel sur les puits de pétrole, les mines, etc., et avec un taux de 100% des revenus ainsi collectés qui soient dirigés vers la satisfaction des besoins des populations. Comme le dit Hansen, l’objectif est de garantir dans la mesure du possible que cet impôt sur le carbone s’impose dans la production et qu’il retombe sur ceux qui ont l’empreinte carbone la plus importante (surtout les riches). Pour sa part, la majorité de la population sortirait gagnante avec la distribution de ces fonds, vu que son empreinte est inférieure à la moyenne par habitant.
Ni le capital ni les gouvernements contrôlés par le capital n’auraient le contrôle de ces revenus, qui reviendraient directement à la population. L’application de cette mesure dans le type de société que nous connaissons serait évidemment difficile. Mais si elle est comprise comme étant à la fois nécessaire pour la protection de la Terre (en augmentant le prix du carbone) et comme une forme de redistribution des richesses favorable à ceux d’en bas, elle pourrait bénéficier d’une grand soutien populaire.
Le fait est que, tant que nous sommes dans une société capitaliste, la voie fondamentale pour le contrôle d’un produit polluant – et, malheureusement, le dioxyde de carbone est devenu cela – sera l’augmentation de son prix. Des formes politiques de régulation plus directes doivent également être utilisées, bien entendu. Il faut, par exemple, interdire la construction de centrales à charbon tant qu’on ne dispose pas d’une technologie permettant de « séquestrer » leurs émanations (et il y a actuellement toutes sortes d’obstacles à cela), et celles existantes doivent être éliminées. Mais pour parvenir à cela à l’échelle nécessaire, il faut une révolution écologique générale qui bouleverse à la fois la manière avec laquelle nous produisons et nous consommons ainsi que la forme d’organisation de notre société.
Existe-t-il une solution collective possible à la crise écologique au sein de ce système (énergies renouvelables, amélioration des transports publics, fin des grandes infrastructures…) ?
Encore une fois, il n’existe aucune solution définitive à l’intérieur de ce système. Mais nous pouvons promouvoir des réformes collectives de l’intérieur du système, ce qui va à l’encontre de sa logique et jouera un rôle important dans la transition vers un autre système contrôlé par les gens. La nouvelle société surgira de l’intérieur de l’ancienne. Fred Magdoff et moi avons discuté en détail du problème du capitalisme et de l’environnement dans un article de mars 2010 de la « Monthly Review », intitulé « What Every Environmentalist Should Know About Capitalism » (« Ce que tout écologiste doit savoir sur le capitalisme »).
Le point essentiel, qui requiert évidement une élaboration, c’est le fait que le régime du capital repose sur la création de valeur de manière auto-expansible. Pour son existence même, le capitalisme requiert une croissance économique constante et, de manière plus explicite, une accumulation de capital constante. Ce système peut être jusqu’à un certain point très clairement efficace dans la stimulation de la production et dans le développement économique. Mais il est également très exploiteur et, en dernière instance, il conduit à la destruction des conditions environnementales nécessaires à l’existence. L’unique solution réelle, sociale et écologique, est une société non centrée sur la croissance économique en soi, mais bien sur le développement humain soutenable.
Quelles que soient les mesures introduites pour moderniser le capitalisme et le rendre « écologique », le système requiert une croissance constante de la production. Si on remplace le transport privé par des transports publics, si on introduit les énergies renouvelables et adoptons d’autres mesures collectives, tout cela peut aider. Mais ces mesures tendent à être limitées vu l’objectif global d’accumulation du système. Le passage aux ressources renouvelables, par exemple, est important. Mais, pour cela, on a précisément besoin d’un système qui permette leur renouvellement. Ce qui n’est pas le cas du capital qui repousse sans cesse toutes ces frontières et limites.
Cela ne signifie pas qu’il faudrait renoncer à la promotion de solutions plus sociales, collectives et publiques. Mais nous devons reconnaître qu’en allant toujours dans cette direction-là, cela signifie aller toujours à l’encontre de la logique du système et que cela nécessite une organisation radicale. Nous parlons donc de créer, en partie à l’intérieur du capitalisme, l’infrastructure pour un type de société différent.
Avec une pression constante d’en bas, on peut conquérir certaines choses, tant que cela n’affecte pas substantiellement l’objectif d’accumulation du système. Mais si ce dernier est mis en péril, c’est l’accumulation du capital qui va l’emporter et il est probable que les petites victoires nous seront arrachées. L’unique réponse – et pas simplement posée comme une question de justice, mais aussi de survie – est de pousser les choses au-delà de ce que le capital est disposé à accepter ; autrement dit, promouvoir les besoins humains et collectifs au-delà de ce qu’on appelle le système de « marché ». Dans ce cas, si nous allons suffisamment loin que pour marquer une différence réelle, il s’agit alors d’une révolution écologique et sociale et d’une transition vers un autre type de société.
Certains mouvements sociaux croient qu’il est possible de vivre en marge du capitalisme. Crois-tu que c‘est possible ou bien que cela ne conduit qu’à une atomisation de l’opposition ?
Le socialiste nord-américain Scott Nearing, qui a écrit pendant de nombreuses années une rubrique dans la « Monthly Review », a été l’un des penseurs les plus influents de l’autosuffisance et du soutien au mouvement paysan. Il ne fait aucun doute que ce type de séparation individuelle vis-à-vis de la logique principale du système et ses effets (un mode de vie en dehors du système) constitue une sorte de résistance passive – mais une résistance tout de même.
Tout au long de l’histoire de l’humanité, face à des systèmes répressifs, des êtres humains ont décidé de « retourner à la terre » et de cultiver leurs propres potagers, pour ainsi dire. Cela peut représenter une forme de cure ou de regroupement. Bon nombre de ceux qui ont été dans cette direction générale ont été des pionniers dans les alternatives d’agriculture, y compris l’agriculture écologique, pour une agriculture ayant un soutien communautaire.
Nous ne devons pas sous-estimer l’impact que ces actions peuvent parfois avoir en créant des alternatives fondamentales pour le développement d’une nouvelle société qui se niche d’abord dans les interstices du système. Mais la véritable lutte pour créer une nouvelle société requiert, en outre, la résistance active et l’organisation politique : une révolte directe contre les rapports sociaux de production existants. Aussi, les forces accumulées pendant une période de « retraite » doivent faire partie elles aussi d’une telle résistance active.
Se retirer complètement d’un système capitaliste globalisé est en grande partie une illusion. Il est intéressant de noter comment Nearing combine sa vie en autarcie avec une résistance continue et active. Il a travaillé à partir des deux extrêmes. Nous avons aujourd’hui besoin de personnes qui sont actives dans leur résistance. Si elles peuvent combiner cela avec diverses formes visant à se libérer du système, c’est encore mieux.
Le mouvement pour la décroissance promeut des initiatives individuelles et collectives dans la recherche d’alternatives au capitalisme. Quelle est ton opinion sur lui ? Comment pouvons-nous décroitre globalement à l’intérieur du système capitaliste ?
On ne peut pas. Le capitalisme repose sur l’accumulation ; il s’agit d’un système où l’alternative se résume à « croître ou mourir », et cela à une échelle sans cesse plus globale. Quand il n’y a pas de croissance économique, et en particulier de croissance du taux de profit, les choses déraillent et le système entre en crise, comme aujourd’hui. Et cela se traduit par un chômage massif.
Il y a tout un tas de bonnes choses à dire sur le mouvement pour la décroissance. Cependant, il repose sur le présupposé irréel selon lequel un état stationnaire serait possible, autrement dit une économie de croissance zéro. Il s’agit là tout simplement d’un malentendu quant à la nature réelle du capitalisme. Comme l’a écrit l’économiste Joseph Schumpeter, le capitalisme sans croissance est une contradiction en acte. Il est exact que nous avons besoin d’une nouvelle structure économique centrée sur l’autosuffisance. Une réduction générale de la production économique au niveau mondial et en particulier dans les pays riches pourrait s’accompagner de progrès dans le développement humain soutenable, dans l’amélioration des conditions de vie réelles de l’humanité, en passant d’un individualisme possessif au collectivisme. Mais pour qu’une telle chose soit possible, il faut une économie socialiste.
Si l’alternative au capitalisme est une économie démocratiquement planifiée, comment devrait-elle fonctionner pour inclure les questions écologiques ?
Je crois que nous devons rappeler l’avertissement de Marx dans « Le Capital » sur le fait « d’écrire des recettes de cuisine pour les marmites du futur ». Ce serait une erreur que de tenter de décrire le plan détaillé d’une société socialiste et la manière dont elle intègrera les questions écologiques.
Cependant, je crois que Paul Burkett a brillamment démontré dans un article intitulé « Marx’s Vision of Sustainable Human Development » (« La vision de Marx sur le développement humain soutenable »), en octobre 2005 dans la « Monthly Review », que la notion de Marx du communisme reposait sur un développement humain soutenable et que c’est uniquement en ces termes que nous pouvons comprendre comment devrait fonctionner une société de producteurs librement associés qui régulent leur métabolisme avec la nature.
Hugo Chávez avait définit la lutte pour le socialisme du 21e siècle en termes de « triangle élémentaire du socialisme ». En accord avec cette conception, dérivée de Marx, le socialisme consiste alors en : 1) la propriété sociale des moyens de production, 2) la production sociale organisée par les travailleurs et 3) la satisfaction des besoins sociaux.
D’après moi, on peut aussi parler d’un « triangle élémentaire de l’écologie », découlant directement de Marx et qui mène la lutte à un niveau plus profond. Il peut être défini comme ; 1) l’usage social – et non la propriété – de la nature, 2) la régulation rationnelle par les producteurs associés du métabolisme entre les êtres humains et la nature et 3) la satisfaction des besoins sociaux, non seulement des générations actuelles, mais aussi de celles du futur.
Source : http://www.enlucha.org/site/?q=node/2190 
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

Nos amiEs les chamois de la Vanoise...

Chamois dans des avalanches…
Bonsoir à toutes et tous,
Juste une petite vidéo prise en Savoie - Pralognan la Vanoise - pour le plaisir.
Si vous aller "à la neige" faites attention, vous n'aurez pas le même souffle que ces chamois.
Le chamois a, proportionnellement, un cœur 2 fois plus gros que le notre et une concentration double également en globules rouges (donc un transport d'oxygène vers les muscles beaucoup plus efficace). Un chamois peut ainsi faire une dénivelée de 1000m en 15minutes ... qui dit mieux ?
Cependant on voit chaque printemps des chamois morts à la fonte des neiges, ils n'en réchappent pas tous.
Bonnes fêtes et prudence, la neige est instable en ce moment, même en Diois, aujourd'hui, j'en ai vu une au "Paradis" au dessus de Valcroissant,
j'ai pris la photo en fin de glissement.  
 lien : http://m.koreus.com/video/chamois-avalanche.html
A bientôt pour de nouvelles aventures informatiques !!!!
Gilbert Gilbert DAVID
Président LPO Drôme
Tel:06.52.63.91.55

Nos AmiEs de Crest s' engagent...

L'arrêt public en janvier 2014
Le bureau du Collège ainsi que Caroline (la service civique) vous souhaite une heureuse année 2014.
Le café est ouvert le vendredi de 10h à 14h30.
Le samedi de 9h à 13h, toute personne adhérent-e voulant aider est la bienvenu-e.
Un panneau est à votre disposition pour s'inscrire aux permanences du samedi matin préciser votre téléphone au cas où.
Et toujours le repas partagé à 13h.
Petit retour sur le 23 novembre 2013,
Philippe Gasparini est venu présenter son nouveau livre « La tentation autobiographique de l'Antiquité à la Renaissance » Cette conférence/débat pour partager ses résultats de recherche sur l'histoire des écritures du moi à connue une belle réussite. Son livre est disponible à la Balançoire à Crest. Pour plus d’information : www.philippegasparinin.tk
L'association Tallégale nous quitte mais reste toujours active.
Vous pouvez allez voir leur site www.talegalle.org ou les contacter : talégalle@gmail.com – 07.77.05.37.67 - 06.95.85.93.98 - TALEGALLE, le village, 26120 La Baume Cornillane
Nous souhaitons par la même occasion la bienvenue au Brasseurs de Cages qui s'installe dans les locaux de l’Arrêt public au 1 rue de la République 26400 Crest 04.75.83.08.16
Toujours d'actualité...
- Projet de ressourcerie à CREST ressourceriecrest@gmail.com
La recherche d'un local se poursuit avec d'autres associations...
- La NEF, société de finance éthique, sera une banque en 2014 (enfin !)
Vous avez un projet à financer ou vous souhaitez participer à un projet local : la nouvelle et plate-forme de financement local, est pour vous : http://www.pret-de-chez-moi.coop/
Un cadeau à l’Arrêt public...
Nous sommes à la recherche de personnes souhaitant nous offrir leur magazine Passerelle éco, ou leur journal l'Age de fer ou d'autre.
Pour les collectifs et associations partenaires
Un panneau et un classeur seront à votre disposition début janvier pour mettre vous actualités (dans le classeur) et vos événements au format A5 sur le panneau. Vous pouvez venir les afficher vous même ou me les faire passer sous la porte ou par mail.
A G E N D A
A l'Arrêt Public ...
Les réunions du bureau de l’Arrêt public sont ouvertes aux adhérents.
Si vous souhaitez venir elles ont lieu deux fois par mois : le 1er et le 3eme mardi du mois de 18h30 à 20h30.
Mardi 7 Janvier à 18h30 Réunion mensuelle du Collectif Transition Val de Drôme
jeudi 9 janvier 2014 à 19h00 Le SEL de Crest vous invite à une rencontre-repas partagé-discussion autour du fonctionnement du SEL. L'occasion de faire connaissance et de construire ensemble le SEL de Crest.

Vendredi 10 Janvier à 18h00 Permanence Colibris
Lundi 13 Janvier à 20h30 Réunion mensuelle du Collectif NON au Gaz de Schiste
Samedi 25 Janvier à 12h Inauguration des Rencontres de l’Écologie avec un buffet partagé
Les Mercredis de 19h à 20h30, Chants de Lutte et de résistance avec Jean-Michel Gaude, pour savoir le lieu de rendez-vous contacter le au 07.81.04.29.05.
Ateliers et activités permanents à l’Arrêt Public
Mardi de 13h00 à 14h30
Conversation en Anglais
En pose hivernale
Atelier de tricot
1er vendredi du mois de 14h30 à 16h30
Atelier de médiation artistique
1er vendredi à 18h (hors vacances scolaires)
Permanence des Colibris
Samedi de 10h00 à 11h00
Conversation en Espagnol
Samedi de 12h à 13h
Permanence du SEL
Événements locaux en lien avec l'écologie, la citoyenneté et la solidarité
Au Tour du Cycle sera en congé jusqu'au 2 janvier 2014 inclus. Ils seront là le vendredi 3 janvier pour vous accueillir aux horaires habituelles. Horaire d'Au Tour du Cycle :
Mercredi: 17h - 20h
Vendredi: 17h - 20h
Samedi: 10h - 16h
Le Grand Carnaval de Livron qui aura lieu le samedi 22 mars 2014.
Le service culturel de Livron s'associe à Dominique Violet de la Compagnie S pour mettre en place. Pour cela, il faut se préparer pour animer la déambulation sous forme de "bouffonnerie clownesque". Dominique, comédien, va préparer la troupe de volontaires à : occuper la rue, animer le public, danser, chanter inciter les participants au défilé à "se lâcher" pour faire la fête entraîner ainsi le petit monde des carnavaliers pour une déambulation délirante. La préparation à cette grande fête va se construire sous forme d'ateliers les jeudis 16 janvier et 20 février à la maison Pignal de LIVRON de 18h00 à 22h30. Si l'envie de vous amuser vous chatouille, surtout n'hésitez pas, inscrivez vous au service culturel 04 75 40 41 37 à partir du 6 Janvier 2014.
Dimanche 19 Janvier à 17h30
Livron sur Drôme – Mairie de Livron, Salle Aragon,
Pour les rencontres de l’Écologie
Film/Débat : Welcome to Fukushima, d’Alain de Halleux
Prolongation des réacteurs nucléaires français jusqu’à 50 ans : un projet inconscient et irresponsable !
Entre octobre 2011 et Août 2012, la vie des habitants de Minamisoma, une ville au bord de la zone d'exclusion, à 20 KM de Fukushima. Pas assez contaminée pour être évacuée, elle est cependant trop proche de la centrale éventrée...Depuis 2 ans, les habitants vivent avec l'invisible et l'incertitude. Ils s'interrogent sur le futur de leurs enfants et celui de leur ville au passé millénaire...
FRAPNA-StopTricastin-SDN26/07-Ensemble Livron-CRIIRAD
Participation libre.
Jeudi 23 janvier 2014 à 20h
Le collectif Transition Val de Drôme, en partenariat avec les Rencontres Ecologie au Quotidien et le café associatif l'Arrêt Public, présente :
Projection-échange : "Les monnaies locales : transition économique ?"
Les différents types de monnaies d'échange. Qu'est-ce qu'une monnaie locale complémentaire ? Quels en sont les périmètres d'utilisation, les limites, les contraintes ? Le rôle des monnaies locales et leurs finalités. Prospectives...Films courts suivi d'un échange avec les intervenants : Fabien FERT, auteur du livre : "Et si on osait ? vivre mieux de façon plus équitable" ; Lionel TORRES, adhérent au S.E.L de Crest et à l'Accorderie du Diois ; Laure VUINÉE du groupe local NEF. Prix libre
Mercredi 29 Janvier à 14h
Les Amanins, La Roche sur Grâne
Pour les rencontres de l’Écologie
Ciné-rencontre autour du film « Quels enfants laisserons-nous à la planète » d’Anne Barth. En tant que parent on voudrait tous que nos enfants aillent dans une école où ils puissent s'épanouir pleinement, grandir dans le respect, développer des valeurs, ... Certains sont chanceux, les enfants des Amanins dans la Drôme, scolarisés à l'école élémentaire du colibri, avec Isabelle Peloux comme institutrice. On les découvre dans le film d'Anne Barth, produit par Michel Valentin : "Quels enfants laisseront nous à la planète ?". Au delà d'un projet pédagogique il s'agit bien là des enjeux de l'éducation : apprendre à être, à faire ensemble, à agir en citoyen responsable et solidaire. "Éduquer c'est définir le mode de vivre ensemble et en même temps ouvrir l'esprit". J'aime bien l'idée du laboratoire de la paix !. Ce film pourra inspirer les instituteurs, professeurs, animateurs, éducateurs...mais aussi les parents et grands parents !
Dimanche 2 février à partir de 11h à la Ferme de Baume Rousse
Biodiversité vitale
11h-12h30 Visite et échanges autour de la biodiversité sur un domaine en biodynamie
12h30 Pique-nique partagé, salle hors-sac chauffée. Repas partagé tiré des sacs
14h30-17h Table ronde La biodiversité en tous lieux, au jardin, à la ferme, en ville… avec la participation d'une personne des jardins de Valence: biodivers « cité », de jardiniers et agriculteurs
Pour plus d'information :Stéphane Cozon et Marion Haas, La Ferme de Baume Rousse 26400 Cobonne
tel: 04.75.25.08.68
lafermedebaumerousse@gmail.com
Et les copains
Les brasseurs de Cages
L’association Talégalle
Plus d'informations : www.talegalle.org
Les amanins
Information sur www.lesamanins.com
Radio Saint Ferréol 94.2
Trois émissions à ne pas manquer:
- Biotop ; Tous les derniers jeudi du mois de 18h à 19h. Rediffusion le dimanche à 12h produite par RSF avec le soutien du CCVD et de la Biovallée.
- Soleil vert : Tous les 4ème mercredi du mois à 21h. Rediffusion le dimanche à 21h ; Coproduit par Les Amis de la terre Antenne Drôme.
- Libertaria : Tous les 1er mercredi du mois à 21h. Rediffusion le dimanche suivant à 19h.
Plus d'informations ici.
Les autres cafés associatifs et culturels de Crest
Archijeux : ici !
Sur les Quais : par !

jeudi 26 décembre 2013

La maladie des méga-entreprises de déforestation...

Morvan : La méga-scierie « durable » a-t-elle un avenir ?
Une scierie couplée à une centrale électrique alimentée par de la biomasse ? A priori, le projet a tout pour séduire les défenseurs de l'environnement et de l'emploi. Pourtant, associations et habitants s'y opposent. Explications.
Victoire pour les opposants. Le 9 octobre, le Conseil d’Etat a rejeté les pourvois déposés par Escia, le ministère de l’Ecologie et Nièvre Aménagement (chargé des travaux de défrichement), a annoncé l’association Adret Morvan. Le Conseil d’Etat confirme ainsi la décision du tribunal administratif de Dijon et interdit le déplacement d’espèces protégées sur le site de la future scierie. En attendant le jugement sur le fond, qui ne sera sans doute pas rendu avant la mi-2014, le dossier est au point mort et les travaux suspendus. Dans un communiqué, Adret Morvan a appelé les élus à la « sagesse » et à l’ « abandon définitif » du projet.
Dans la lumière des premiers jours d’automne, le petit bois du Tronçay, à Sardy-lès-Epiry (Nièvre), jaunit placidement en attendant que son sort soit scellé. Le Conseil d’Etat doit en effet, d’un jour à l’autre, valider ou non une dérogation permettant de déplacer plusieurs espèces protégées afin de déboiser cette zone de 60 hectares, en bordure du massif du Morvan. A l’issue de cette coupe en règle débuteraient les travaux du projet Erscia, une méga-scierie que les élus de la Nièvre appellent de leurs vœux.
Arbres, batraciens et humains sont suspendus à cette décision qui devrait conclure plus d’un an et demi d’affrontement entre pro et anti-Erscia. Ce mercredi, Pascal Jacob, le directeur d’Erscia France qui menait le projet a annoncé sa démission. Pas encore assez pour que les antis y voient une victoire. « C’est fatigant d’attendre : on ne sait pas si on va devoir passer notre hiver dans les bois et, à vrai dire, on n’en a pas vraiment envie », lance Muriel André, porte-parole de l’association Adret Morvan qui milite pour l’arrêt du projet. En février dernier, un groupe de riverains a investi un champ adjacent pour faire barrage aux tronçonneuses, avant qu’un énième recours ne suspende les opérations. Les téléphones portables sont de nouveau prêts et le réseau d’alerte rôdé : pas question aujourd’hui d’abandonner la partie. Dans ce petit Notre-Dames-des-Bois, on parle de guerre d’usure. Car, aux yeux des défenseurs du bois du Tronçay, derrière les grenouilles se cache l’avenir de la forêt morvandelle.
Des loups dans le dossier
Le projet a pourtant de séduisants atours. Sur les contreforts du massif, un pôle bois doit naître dont la pièce maîtresse sera l’usine du Belgo-luxembourgeois Wood & Energy : une scierie couplée à une centrale électrique alimentée par de la biomasse. L’ensemble a prévu d’engloutir 500 000 mètres cubes de grumes par an en 2020, et de produire du bois d’oeuvre, assez d’électricité « verte » pour alimenter l’équivalent de 25 000 foyers et 250 000 tonnes de pellets (des granulés de bois) à destination de chaudières industrielles. « Produire du bois et utiliser les déchets pour faire de l’énergie, c’est une réponse aux objectifs du Grenelle de l’environnement », argumente Jean-Paul Magnon, président de la communauté de communes du pays corbigeois qui chapeaute le territoire.
En plein débat sur la transition énergétique, ce médecin de profession défend sa future usine, vertueuse et pourvoyeuse de travail. A la clé du complexe de 150 millions d’euros, il espère quelque 120 emplois directs et cinq fois plus par ricochets. « Ici, c’est un pays d’où les gens partent, nous sommes de moins en moins nombreux, de plus en plus âgés, les services publics se retirent : une occasion pareille ne se représentera peut-être plus », plaide Jean-Paul Magnon.
Mais pour les opposants morvandiaux, il y a des loups dans le dossier. Dans le village de Marcilly, en bordure du terrain, on ne parle plus de co-générateur, mais d’incinérateur. C’est dans les conclusions de l’enquête publique que les habitants ont découvert que l’électricité vendue à EDF à prix subventionné pourrait être produite en grande partie grâce à un approvisionnement en bois usé récupéré dans les décharges des départements limitrophes. Les opposants craignent des infiltrations des produits de traitement dans les eaux des rivières et des retombées aériennes sur les terrains adjacents.
« Croqueurs de subventions »
Une vive polémique entoure également les pellets de bois. Le projet initial les destinait au marché belge. Ce produit issu de forêts hexagonales et transporté en camion sur plusieurs centaines de kilomètres aurait permis au groupe industriel de toucher des certificats verts de l’autre côté de la frontière. « Croqueurs de subventions », grince-t-on vers le bois de Tronçay. « Ce point a été amendé : les pellets resteront en France », argue Jean-Paul Magnon. L’industriel, lui, sollicité sur plusieurs points par Terra Eco, reste muet. Impossible de savoir si un bilan carbone a livré une quelconque information sur l’intérêt environnemental de l’opération. « Ils se sont toujours réfugiés derrière le secret industriel, explique Jérôme Bognard, éleveur d’escargot militant de Marcilly. Finalement, on a vraiment l’impression de s’être fait balader. »
Mais plus encore, c’est le gigantisme de l’usine qui laisse désormais songeur. Les 128 000 hectares du massif du Morvan sont pour moitié plantés de résineux, la famille d’arbres qui intéresse Erscia. Ceux-ci arriveront à maturité d’ici quelques années à peine. En 2018, il y aura 1,4 million de mètres cubes de résineux à couper, puis la production s’effondrera. La méga-scierie est prévue pour absorber à elle seule un tiers de ce volume, alors que de plus petites structures consomment déjà ce qui est disponible. « Ce sera la guerre sur la matière première et au final il y aura des morts : quand il n’y a plus rien pour alimenter votre boutique, vous tirez le rideau », explique Rémy Petitrenaud, scieur de feuillus, représentant de la Fédération National du Bois.
Des usines criquets
Le groupe Wood & Energy a annoncé qu’il irait, si besoin, se servir plus loin : Jura, Vosges, Limousin….. Mais les scieurs bourguignons n’y croient pas. Ils ne sont pas les seuls. « Ces grosses usines, nous les appelons les criquets : il leur faut entre 8 et 15 ans pour amortir leur outil de production et ensuite ils partent dévorer ailleurs, en abandonnant un massif appauvri », lance Philippe Canal, délégué du Snupfen, le syndicat majoritaire de l’Office National des Forêts. D’ici là, le forestier redoute un scénario catastrophe où l’équilibre entre les humains et la forêt s’inverserait. « Les propriétaires forestiers seront tentés de vendre leurs arbres et c’est la forêt qui devra s’adapter à l’industrie », lance-t-il. A l’horizon de ce sombre avenir, des coupes rases d’arbres trop jeunes et la possibilité de produire vite grâce à des outils déjà expérimentés en agriculture : fertilisants et, pourquoi pas un jour, OGM. Les paysages en seraient bouleversés et les services rendus par la forêt - protection de la biodiversité, de l’eau, de l’air - probablement anéantis. De quoi réfléchir à deux fois avant de faire entrer le Morvan dans l’ère industrielle.
Cécile Cazenave

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Malinformation, Sédentarisme culturel et Obésité intellectuelle

Médias et Information : il est temps de tourner la page.

«  La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » David Bohm, 1977

Préambule

Si un boucher nous empoisonnait en nous vendant de la viande avariée, les consommateurs que nous sommes n’accepteraient jamais l’idée que «  les choses sont comme ça » et qu’il ne nous resterait plus qu’à trouver un autre fournisseur. Mais lorsqu’une journaliste du New York Times ment sciemment sur les armes de destruction massive en Irak - et participe à l’extermination d’un million et demi d’Irakiens innocents - elle se voit simplement «  remerciée » et l’affaire est classée dans le casier «  déontologie ». Ici, l’impunité est quasi-totale et même revendiquée par la profession journalistique au nom d’une «  liberté » qu’elle se garde bien de définir avec précision.
Pourtant, l’idée que «  l’information est devenue un produit de consommation comme un autre » n’est pas nouvelle. Mais ce serait alors le seul produit de consommation pour lequel il n’existe aucune date de péremption, aucun suivi ni traçabilité imposés par des textes, aucune association de consommateurs représentative ni aucune réglementation sur la qualité ou sur les normes.
Comment ont-ils réussi à nous faire admettre pour notre esprit ce que nous n’accepterions jamais pour notre corps ?

Etat des lieux : vite fait = mal fait

Un jour, j’ai reçu un coup de fil d’une journaliste de France-Info, une certaine Sophie Parmentier, «  grand reporter » est-il précisé sur le site de la radio, qui voulait m’interviewer sur un sujet précis concernant Cuba. Je me suis rapidement aperçu qu’elle ne connaissait pas le sujet et qu’elle cherchait à obtenir des réponses «  attendues ». Lorsque je lui ai demandé depuis quand elle était sur le sujet et proposé quelques sources à consulter et de me rappeler plus tard, elle m’a répondu qu’elle avait commencé à étudier son sujet à 9h00 et qu’elle devait le rendre à 16h00. En clair : elle n’avait pas le temps.
Faisons une expérience. Prenez au hasard un parterre d’inconnus. Examinez-les à tour de rôle et essayez d’énoncer une vérité sur chacun d’entre eux. A part de décrire quelques éléments physiques apparents, vous n’irez pas loin. Pour faire mieux, il faudrait poser des questions, éventuellement recouper des informations, etc. Bref, il vous faudra un élément essentiel à la recherche de la vérité : le temps. A présent, recommencez et, cette fois-ci, énoncez un mensonge. Facile : untel a marché sur la lune, un autre a traversé le Pacifique à la nage.
Cette simple, évidente et incontournable contrainte du temps, contrainte physique, mécanique, induit le truisme suivant : «  La vérité exige du temps alors que le mensonge s’accommode parfaitement avec la vitesse. »
Demandez à un garagiste de faire la révision de votre voiture en une heure. Maintenant demandez-lui de la faire en 5 minutes. Demandez à un médecin de vous ausculter en une demi-heure. Maintenant demandez-lui de le faire en 2 minutes. Par quelle magie les journalistes échapperaient-ils à la dégradation générale et inéluctable du résultat de leur travail induite par la réduction du facteur «  temps » ?
Obnubilés par la technologie qui permet la circulation quasi-instantanée de « données », on en oublie d’analyser le délai, pourtant essentiel, entre un fait et la transmission quasi-instantanée de données présentées comme des informations. Et plus ce délai est court, plus l’écart entre l’information et la réalité risque d’être - et même sera - grand. C’est mécanique, c’est physique, c’est incontournable. L’absence du facteur temps dans un métier où la vitesse est de plus en plus un «  critère » conduit inéluctablement à une dégradation continue de la qualité de l’information. Ceci est vrai même dans le cas de ce que nous appellerons un bon journaliste.
Ce qui nous permet de compléter le truisme : «  La vérité exige du temps alors que le mensonge s’accommode parfaitement avec la vitesse. Il s’ensuit que plus l’information va vite et plus elle est fausse. » Le contraire n’étant pas forcément vrai.
Ce phénomène de dégradation s’amplifie avec la complexité du sujet. En effet, annoncer qu’un train a eu une panne à tel endroit à telle heure peut se faire avec une certaine fiabilité. Après tout, la quantité d’information à traiter est limitée. Pour annoncer les résultats d’un matche de foot, c’est encore plus simple. Ici, la vitesse de traitement n’a qu’un effet mineur sur la vérité. A l’inverse, dans le cas d’un événement complexe (comme la Syrie par exemple), la vitesse de traitement produit inévitablement une dégradation de la qualité de l’information. Puisqu’il faut aller vite, et parce que l’événement est complexe, le résultat est prévisible : ce n’est pas la vitesse de traitement qui sera ralentie, mais l’événement qui sera simplifié pour pouvoir être traité dans les délais impartis. Et parce que la vitesse de traitement est relativement constante, tous les événements se verront donc compressés jusqu’à un niveau de «  compatibilité » avec les formats de transmission. Plus un sujet est complexe et plus la dégradation du significatif sera forte. A vitesse constante, la dégradation de la qualité de l’information est donc proportionnelle à la complexité du sujet traité.

Enjeu, complexité et vitesse : le trio perdant

Nous avons vu que le vitesse de traitement était relativement constante. Relativement, parce qu’il lui arrive de s’accélérer encore plus, notamment dans le cas d’événements exceptionnellement spectaculaires. Alors que la vitesse habituelle ne permet pratiquement aucun recul, aucune analyse sérieuse, il s’avère que dans les cas d’événements exceptionnels, la notion même de recul, de réserves, disparaît, pour céder la place à une débauche de «  savoir-faire » de pure forme.
Or, dans le cas du train en panne, l’enjeu politique est faible pour ne pas dire inexistant. Après tout, ça arrive. Dans le cas de la Syrie, pour garder cet exemple, l’enjeu politique est extrêmement élevé.
Si l’enjeu politique d’un événement est faible, la volonté de le manipuler sera faible. A l’inverse, plus un événement présentera un enjeu politique et plus une manipulation par les parties intéressées (notion plus large que les « parties concernées ») sera tentée - et plus la prudence et la réserve des grands médias devraient être de rigueur. C’est pourtant le contraire qui se produit.
Ainsi, la probabilité d’une manipulation d’un événement est directement proportionnelle à l’importance des enjeux politiques qui l’entourent alors que dans le même temps, la prudence des médias est inversement proportionnelle aux enjeux politiques. Leur prudence est donc - paradoxalement - inversement proportionnelle à la probabilité de manipulation. Conclusion : plus le risque de manipulation est grand, moins les médias jouent leur rôle. Moins les médias jouent leur rôle, plus la manipulation sera facilitée et par conséquence tentée, augmentant ainsi sa probabilité de manière exponentielle jusqu’à devenir «  quasi certaine ».
Notons au passage que l’attitude standard d’un «  consommateur de l’information » est de considérer que plus un événement est couvert par les médias, plus les risques de manipulation sont faibles et mieux nous sommes informés. Erreur classique et aux conséquences tragiques, ne serait-ce que parce que la multiplicité des médias n’a aucun rapport avec la multiplicité des sources et des opinions.
En résumé :
  • Le niveau de couverture médiatique d’un événement ne garantit aucunement la fiabilité des informations.
  • La mal-information (la partie «  involontaire ») est proportionnelle à la complexité d’un événement multipliée par sa vitesse de traitement. Plus un événement est complexe et plus son traitement est rapide, plus nous serons mal informés.
  • La manipulation (la partie «  volontaire ») est proportionnelle aux enjeux politiques multipliés par l’absence de réserve des médias. Plus les enjeux politiques d’un événement sont grands, moins les médias feront leur travail, et plus nous serons désinformés.
  • Lorsqu’un événement présente à la fois une complexité et un enjeu, la probabilité que nous soyons à la fois mal informés et désinformés est quasi certaine. Nos chances de connaître la vérité s’inversent donc et deviennent quasi nulles.
Ramené en une seule phrase : Plus un événement est complexe et présente un enjeu politique, moins nous sommes réellement informés - et ce, quel que soit son niveau de couverture médiatique.



La Mal-information

A l’instar de la malbouffe qui désigne à la fois les productions d’une industrie agroalimentaire et nos propres habitudes alimentaires, la mal-information désigne à la fois les produits de l’industrie de l’information et aussi nos propres habitudes de consommation.
Ce n’est pas le hamburger consommé de temps à autre qui nous bouche les artères pas plus que le sandwich occasionnel avalé à la hâte au coin d’une table de bistrot qui nous déglingue... C’est le train-train quotidien, ce petit morceau de sucre après l’autre, ce fruit chargé de pesticides ou signé Monsanto, le lent empoisonnement via nos assiettes et/ou nos propres habitudes qui se conjuguent pour nous tirer inexorablement vers le mal-être.
De même, ce n’est pas le film américain consommé de temps à autre qui nous bouche les neurones, ce n’est pas une désinformation occasionnelle avalée au coin d’une table du salon qui déglingue notre capacité d’analyse... C’est le train-train quotidien, ce petit mensonge après l’autre, cette information chargée de contre-vérités ou signée TF1, le lent empoisonnement via nos média et/ou nos propres habitudes qui se conjuguent pour nous tirer inexorablement vers le mal-savoir.
Et comme la malbouffe, la mal-information est le résultat de conditions imposées par les forces économiques mais aussi le résultat de nos propres habitudes de consommation.

La confusion entre «  ingurgiter des informations » et s’informer.

«  Moi, ça va, je passe beaucoup de temps à m’informer ». Souvent entendue, cette phrase ne fait qu’exprimer la même confusion qu’entre manger et se nourrir. Dire «  je suis informé parce que je m’informe » équivaut à dire «  je me nourris parce que je mange ». Et si cette dernière expression vous paraît cohérente, relisez la en rajoutant à la fin «  ...parce que je mange des cailloux ». Absurde, n’est-ce pas ?
La confusion entre, d’une part, le temps passé à ingurgiter des informations et, d’autre part, le temps consacré à la recherche de l’information est très répandue. L’action brute (comme rester planté toute la journée devant une chaîne d’information en continue ou même l’Internet) remplace, et généralement annule, l’objectif recherché.
La mal-information est la lente et permanente distillation de «  Amadinejad a dit qu’il voulait rayer Israël de la carte », de «  Chavez, populiste - et antisémite », de «  Kadhafi a fait bombarder sa population », de «  l’OTAN est une ONG humanitaire », de «  les 2 tours sont tombées toutes seules... Pardon ? Il y en avait trois ? », ainsi que toutes les variations de «  il n’y a pas d’alternative ».

Le «  sédentarisme culturel »

La mal-information est à la fois le résultat d’une information «  institutionnelle » médiocre et de notre propre passivité - par manque de temps, de moyens ou de savoir-faire, peu importe. Mais pour produire un résultat optimum, la mal-information doit se conjuguer avec un autre élément indispensable : le sédentarisme culturel.
Un des aspects les plus agaçants lorsqu’il m’arrive de débattre avec des connaissances, c’est leur évidente et totale incapacité à projeter leur pensée (ou imagination). On peut pourtant ne pas apprécier les Taliban et considérer que les enfants afghans n’ont pas à être massacrés par des cowboys surarmés. On peut ne pas apprécier feu-Kadhafi et penser, ne serait-ce que penser, que le bombardement d’un pays ne fait pas avancer la cause de la «  démocratie ». On devrait pouvoir conceptualiser que la vision de l’occident vue de l’extérieur n’est peut-être pas la même que celle de l’intérieur.
Le sédentarisme culturel annihile la capacité de se «  projeter dans l’autre », d’avoir un authentique recul sur soi et son environnement, d’éprouver une empathie réelle pour quelqu’un qui ne fait pas partie de son environnement immédiat. Par contre, le sédentarisme culturel renforce la capacité d’asséner des formules toutes faites comme des vérités premières et prétendument universelles. Après tout, comme disait l’autre, «  Rien n’est plus dangereux qu’une idée lorsqu’on n’en a qu’une ».
Se forger une vision du monde et de l’histoire à partir de son canapé et devant la télévision (ou Internet...), ou en lisant toujours le même journal, est une opération intellectuellement risquée. Le sédentarisme culturel induit une vision où son auteur se perçoit au «  centre » de quelque chose et par conséquence le reste du monde et des peuples se voient relégués vers une «  périphérie ».
Demandez à n’importe qui comment s’appelle le président des Etats-Unis et vous obtiendrez probablement plus de 99% de bonnes réponses. Demandez qui est le président de la Chine et si vous obtenez plus de 1% de bonnes réponses (et je suis optimiste), je vous offre le champagne. Combien de noms de villes connaissez-vous en Chine à part les deux que tout le monde connaît ? Il ne s’agit pas ici d’un problème de mal-information stricto sensu car vous pourriez le savoir, si vous vouliez le savoir. Mais d’un autre côté, d’où nous vient cette absence de curiosité, cette absence de «  sentiment d’ignorance » ? Le sédentarisme culturel est donc à la fois le produit de la mal-information et son moteur.
Notons au passage qu’être cultivé - au sens «  accumulation de savoir » - n’empêche nullement le sédentarisme culturel. Le passage par la machine à formater du système éducatif - notamment le système éducatif occidental, totalement orienté centre/périphérie - est souvent l’un des meilleurs moyens d’y sombrer. Je ne suis pas le premier - Chomsky l’a bien expliqué et nombreux sommes-nous à l’avoir constaté - à dire que ce sont généralement les catégories les plus «  éduquées » de la population en Occident qui sont les meilleurs piliers du système. Probablement parce que leur éducation a fortement produit une vision «  centrée » du monde et que leur attitude peut se résumer à ceci : «  Pourquoi diable chercher à savoir (ou comprendre) puisque je sais (ou comprend) déjà ? ».
Tous ceux qui ont déjà essayé d’expliquer quelque chose - n’importe quoi - à un enseignant, un journaliste, un diplômé d’une grande école ou un lecteur assidu du Monde savent de quoi je parle.

Obésité intellectuelle.

A l’instar de la malbouffe qui, associée au sédentarisme physique, produit l’obésité physique, on peut prolonger le parallèle et énoncer un nouveau truisme : «  La mal-information associée au sédentarisme culturel produit l’obésité intellectuelle. ».
L’obésité intellectuelle, c’est l’incapacité à suivre une explication de plus de trois phrases ou à lire un long article en entier. C’est l’incapacité à suivre un raisonnement de plus d’un niveau - essoufflé dès les premières marches. C’est lire toujours le même journal. C’est regarder en boucle les chaînes dites d’information. C’est consulter toujours les mêmes sites sur Internet. C’est s’enfoncer dans l’univers ouaté de ses certitudes. C’est ne plus réagir au, et même accepter, le concept infâme de «  guerre humanitaire ». C’est ne plus réagir, ni même réfléchir, aux guerres menées en notre nom. Et enfin, l’obésité intellectuelle est la propension à ne vouloir lire que ce que l’on a (déjà ) envie d’entendre et son corollaire : éviter l’effort de mettre ses certitudes à l’épreuve en les confrontant à des avis divergents.



Journalistes : complices et acteurs, ou victimes ?

Un jour, je discutais avec un journaliste de TF1 qui devait se rendre à Cuba. Nous avons discuté un peu du pays et je ne sais plus exactement comment j’en suis arrivé à reprocher «  le manque de sérieux des journalistes ». Il s’en est défendu, évidemment, en rétorquant que lui ferait son travail en (devinez...) «  toute objectivité ». Je lui ai dit que non. Il m’a dit que si. Non. Si.
«  Faisons une expérience » que je lui dis. «  Imaginez, vous êtes à La Havane, micro à la main, la caméra tourne. Vous commencez votre reportage par la phrase «  à La Havane, le régime communiste de Castro a déclaré...  », etc. Votre reportage passera à la télé ? » Il me répond «  oui, bien sûr ». J’ai continué : «  Et maintenant, imaginez, vous êtes devant la Maison Blanche, micro à la main, la caméra tourne. Vous commencez votre reportage par la phrase «  à Washington, le régime capitaliste d’Obama a déclaré... », etc. Et là , votre reportage, il passera à la télé ? ». Il a admis que non, mais il a aussitôt rajouté «  Mais c’est pas pareil  ».
Et parce qu’il n’y pas de meilleur porte-parole d’un mensonge que celui qui y croit, énonçons le truisme suivant : «  Les journalistes sont à la fois les premières victimes et les principaux vecteurs de la malinformation ».
Car aussi étonnant que cela puisse paraître, la plupart des journalistes croient aux conneries qu’ils racontent. Comment s’en étonner puisqu’ils sont les premiers producteurs et consommateurs de la mal-information, l’expression-même du sédentarisme culturel et donc logiquement les plus gros obèses intellectuels ?

La tâche ardue de l’auto-diagnostic.

«  Il est plus facile de tromper les gens que de les convaincre qu’ils ont été trompés. » - Mark Twain
Annoncer que la terre est ronde ou qu’elle tourne autour du soleil a failli mener plus d’un au bûcher. Aujourd’hui, ces anciennes croyances nous font sourire. Lesquelles de nos croyances modernes feront sourire les générations futures ?
Si le résultat de la malbouffe est relativement simple à mesurer, celui de la malinformation présente un véritable casse-tête. Dans le premier cas, une balance et un diagnostic suffisent. Dans le deuxième, le seul outil à notre disposition est notre propre intellect, celui qui est justement la victime et la cible de la malinformation... Ce qui reviendrait à tenter de mesurer la précision d’un outil en ayant recours à l’outil même que l’on veut mesurer. Opération compliquée, mais réalisable.
Donc, comment savoir que l’on est victime de la mal-information ? Comment savoir que l’on ne sait pas ? Mieux encore : comment arriver à admettre qu’on s’est - ou qu’on a été - trompé ? Ce qui est certain, c’est que le réveil peut se révéler une expérience douloureuse car la victime de la mal-information est comme le cocu du village : le dernier à le savoir et le dernier à l’admettre. Mais le fait d’avoir constaté de visu une ou plusieurs manipulations médiatiques facilite le réveil - et provoque aussi une certaine habitude de «  réserve » lorsque les médias aboient à l’unisson.

Choses vues qu’il est impossible de -voir

En 1982 j’ai décidé de me rendre au Nicaragua qui avait connu trois ans auparavant une révolution. En juillet 1979, le Front de Sandiniste de Libération Nationale avait renversé la dictature de Somoza. Entre 1979 et 1982, la presse est passée (comme toujours) d’une attitude de «  sympathie compréhensive » envers ces «  poètes révolutionnaires, marxistes et chrétiens » à une franche hostilité. De la guerre menée par l’armée mercenaire des Etats-Unis, il était rarement question. En 1982, le magazine français l’Express publiait un article qualifiant le pouvoir en place de «  dictature marxiste-léniniste ». Brrr… De quoi annuler son voyage et demander le remboursement du billet. Toujours est-il qu’en arrivant à Managua, la capitale, ma première surprise fut de recevoir à la sortie de l’aéroport (de la capitale donc) un tract de... l’opposition. Ma deuxième surprise fut d’apercevoir tout le long de la route qui menait au centre-ville une série de panneaux publicitaires vantant les partis de … l’opposition. Ma troisième surprise fut de tenter d’acheter des journaux et de ne pouvoir trouver que La Prensa, un journal de... l’opposition. Ma quatrième surprise fut d’allumer la radio de ma chambre d’hôtel et de n’entendre que des voix de... l’opposition. Il m’aura fallu en tout et pour tout quatre heures environ pour m’apercevoir que la presse de chez moi me décrivait un pays où le ciel était vert et l’herbe bleue alors que c’était exactement le contraire. Alors, soit le journaliste de l’Express n’avait jamais mis les pieds au Nicaragua, soit il s’y est rendu mais n’est pas descendu de l’avion. Ou soit il est descendu de l’avion mais n’est pas sorti de l’aéroport. Et s’il est effectivement sorti de l’aéroport, alors il mentait.
(ceux qui connaissent déjà cette histoire peuvent sauter ce qui suit)
En février 1990, je suis retourné au Nicaragua pour suivre la campagne de l’élection présidentielle (car oui, il y avait des élections) qui opposait Daniel Ortega (FSLN au pouvoir) à Violeta Chamorro, candidate de la UNO, une coalition de 14 partis d’opposition créée ex-nihilo sous les auspices des Etats-Unis et où se côtoyaient à la fois l’extrême-droite et l’extrême-gauche (version trotskisme local). J’ai constaté que les journalistes «  envoyés spéciaux » avaient un rayon d’action d’environ 300m autour de l’Hôtel Intercontinental, c’est-à -dire la distance des dernières boutiques de souvenirs qui entouraient le bâtiment. J’ai croisé une équipe de FR3 Guadeloupe qui était venue en reportage et qui ne savait pas que le pays était en guerre depuis 11 ans. J’ai fait connaissance avec le correspondant «  Amérique centrale » de la chaîne états-unienne CBS qui m’a expliqué que l’invasion du Panama par l’armée américaine qui s’était produite quelques mois auparavant «  n’avait pas fait beaucoup de victimes » (Comment le savait-il ? Eh bien, il s’y était rendu quelques semaines plus tard et « Les gens dans la rue avaient l’air normaux » (sic). J’ai constaté comment leurs articles avaient comme «  sources » («  sûres », «  bien informées », «  ayant requis l’anonymat », etc.) un chauffeur de taxi, le barman de l’hôtel ou un obscur «  chargé de presse » d’une ambassade occidentale.
J’ai assisté aussi au dernier meeting de la candidate pro-US qui se tenait sur la Plaza de la Revolucion (ou Plaza de la Republica, selon votre humeur). La Place de la Révolution est située sur la Primera Avenida et elle a une forme presque carrée. Après vérification via Google Maps (la mémoire peut se révéler défaillante), cette place a des dimensions d’environ 70x80 mètres. Arrondissons à 100x100 et disons qu’elle a donc une superficie de 10.000m2. Retenez bien ce chiffre et notez que la place est par ailleurs en partie occupée par la vieille cathédrale (abîmée et désaffectée depuis un tremblement de terre à la fin des années 70).
Arrivés sur place, nous avons été bousculés et traités de «  hijos de putas sandinistas », probablement parce que j’avais eu la mauvaise idée - un geste involontaire - de suspendre mon appareil photo à une bride aux couleurs rouge et noir, les couleurs du Front Sandiniste. Toujours est-il que nous avons préféré nous éloigner et nous poser à l’ombre en attendant l’arrivée de la candidate, comptant sur une certaine retenue de la part de la foule une fois les médias présents.
Alors que nous étions encore en train de profiter de l’ombre, un haut-parleur a soudain annoncé que le meeting allait finalement se tenir dans le parc Carlos Fonseca (un grand terrain vague à l’époque), qui se trouvait juste en face de nous, de l’autre côté de l’avenue, et invitait donc la foule à s’y rendre. Une fois dans le parc, et au bout de quelques minutes, la foule a été invitée à retourner sur la place de la Révolution. Sur le moment, nous nous sommes demandés « que pasa ? ». La candidate est finalement arrivée et pendant son discours, je me suis mêlé à la foule qui n’avait d’yeux que pour elle et ne faisait plus attention à moi et à mes couleurs. Je suis monté en haut de la cathédrale et j’ai pris des photos de la foule présente au moment du discours. La place était loin d’être pleine. Mon estimation à l’époque me disait qu’il y avait environ 5000 personnes. La population totale du Nicaragua à l’époque était d’environ 4 millions, dont un million dans la capitale.
Le lendemain, dans le quotidien de l’opposition, La Prensa, un titre barrait la une en annonçant «  100.000 personnes au meeting de Violeta Chamorro ». En appui, le titre était accompagné de trois photos où l’on voyait des gens sur la place de la Révolution, des gens sur l’avenue et des gens dans le parc en face, le tout destiné évidemment à faire croire que la place de la Révolution avait littéralement «  débordé » à travers l’avenue et jusqu’au parc. Evidemment, nous avons bien rigolé en voyant cette manipulation maladroite, au vu et au su de tous, notamment de la presse internationale qui était présente. Nous avons par contre moins rigolé en constatant que Le Monde annonçait le même chiffre. Et c’est ainsi que j’ai assisté à une manipulation en bonne et due forme - et plutôt artisanale. Une manipulation à laquelle le Monde (et toute la presse en fait), a participé apparemment sans le moindre état d’âme.
Auparavant, Le Monde avait déjà lancé, via son «  spécialiste de l’Amérique latine » de l’époque, Bertrand de la Grange, une campagne sur - retenez votre souffle - «  Le génocide des indiens Miskitos » par le gouvernement sandiniste, sous la forme d’un article occupant pas moins de quatre pages entières du quotidien.
Et enfin, ce fut le Figaro Magazine qui enfonça le clou en publiant une photo d’un tas de «  cadavres d’indiens Miskitos » qu’on faisait brûler et qui avait été supposément massacrés par les sandinistes. La supercherie du magazine fut révélée un peu par hasard lorsque l’auteur reconnut sa photo et porta plainte pour violation du droit d’auteur. En réalité, la photo avait été prise après le tremblement de terre susmentionné. Sur la photo originale, on voyait à l’arrière-plan des gens portant des brassards de la Croix-Rouge. Sur la photo publiée, ces derniers avaient disparu grâce à des retouches photos effectuées par le Figaro Magazine.
C’est pourtant ce magazine-là et cette photo-là qui furent brandis aux Nations-Unies par la représentante des Etats-Unis, Jeanne Kirkpatrick, comme «  preuve » des «  crimes commis » par le gouvernement sandiniste . Et toute ressemblance avec une scène similaire devant les mêmes Nations Unies peu avant l’invasion de l’Irak n’est probablement pas fortuite. Il y a des méthodes éprouvées et tellement simples qu’il faudrait être fou pour ne pas les réutiliser.
Le Figaro Magazine fut condamné à 3500 frs d’amende et le Nicaragua à une «  guerre de libération » sanglante menée par une armée de mercenaires - les «  combattants de la liberté », selon Ronald Reagan. Et nous, nous fûmes condamnés à la désinformation, la propagande et à l’ignorance, du moins pour la grande majorité d’entre nous.
Reste que Bertrand de la Grange a pris sa retraite et le Figaro Magazine a survécu à l’amende. Restent aussi les innombrables croix bleues plantées le long des routes au Nicaragua pour marquer l’emplacement des camarades tombés. Restent encore et toujours la sempiternelle arrogance, incompétence et malhonnêteté de la profession.
La morale de cette histoire : ce n’est pas une sympathie a priori (et très hypothétique) envers le gouvernement syrien - par exemple - qui provoque le doute sur les événements décrits là -bas par les grands médias, mais l’expérience vécue (et un certain entraînement par la suite) qui permet de reconnaître les signes de la malinformation en général et de la désinformation en particulier.
C’est donc fort de ces expériences-là , et de bien d’autres - réelles et concrètes, pas virtuelles - et cet air de «  déjà vu » que nous évitons de crier au loup lorsque les médias chassent en meute.



Nous sommes tous des Truman Burbank

Dans le film «  The Truman Show », le jeune Truman Burbank mène une vie tranquille et pépère dans un environnement cliché du «  rêve américain ». Seulement voilà  : à son insu, Truman est le personnage d’une méga émission de télé-réalité. Depuis sa naissance, ses faits et gestes sont relayés par des caméras astucieusement cachées un peu partout ; sa femme, ses collègues de travail, ses voisins sont des acteurs ; les passants de simples figurants et son environnement un gigantesque décor intérieur de cinéma où il fait presque toujours beau et le ciel n’est qu’un très haut plafond peint. Tout est faux et Truman ne le sait pas.
Mais un jour (attention, spoiler  : ) un projecteur se décroche du faux ciel et tombe à ses pieds. Panique à la régie et sur le plateau. Truman commence à «  remarquer des choses » et à «  se poser des questions ». Il décide pour la première fois de sa vie de partir - où ça ? N’importe où, donnez-moi un billet pour une destination quelconque. Mais il y a «  toujours un problème », le vol est annulé, les pilotes en grève, et puis pourquoi veut-il partir alors qu’on est «  si bien chez soi ? ». Truman ne l’entend pas de cette oreille et s’empare d’une embarcation pour traverser ce qu’il croit être la mer et finit par s’écraser contre le faux horizon qui n’est qu’un mur de studio. Le tout avec des larmes et des violons parce qu’on est à Hollywood, malgré tout. Et à un degré ou un autre, nous sommes tous des Truman Burbank.

Indicateurs de la malinformation : les ruptures narratives et les comportements atypiques.

Toute la profession vous le dira : il faut parler des trains qui déraillent et pas des trains qui arrivent à l’heure et sans encombre. C’est pratiquement leur raison d’être, leur définition résumée de l’information. Il y a d’autres exemples, tout aussi «  incontournables » : l’équité dans le temps de parole lors des débats, la neutralité du journaliste, etc. (et bla bla bla). Autant de leitmotivs répétés en boucle dans toutes les rédactions et dans toutes leurs réponses aux lecteurs en colère. La profession serait donc guidée par des «  lois du métier », des «  comportements types » qui s’appliqueraient «  en toutes circonstances » et en dehors de toute considération personnelle, partisane ou idéologique. Admettons.
Mais tout mensonge finit à la longue par se heurter au mur de la vérité. Pour maintenir le cours du mensonge, il faut donc effectuer un détour, une entorse aux «  lois du métier » susmentionnés car si elles étaient réellement appliquées, elles finiraient par révéler la supercherie, forcément. Et nous avons vu qu’un mensonge est plus facile à énoncer qu’une vérité. Il se trouve aussi qu’il est plus facile de détecter un mensonge que de trouver la vérité.
Prenons l’exemple des astrophysiciens qui ne peuvent pas voir les trous noirs dans l’univers mais détectent leur présence par le comportement «  inhabituel » des corps célestes environnants. Les «  trous noirs » de la mal-information sont généralement invisibles - à moins d’être soi-même bien informé sur le sujet traité - mais sont néanmoins signalés par un comportement «  anormal » du corps médiatique. Et ces anomalies sont comme les ennuis et les trous noirs : plus on en cherche et plus on en trouve.
J’ai assez empiriquement classé ces «  anomalies » en deux catégories : les comportements atypiques et les ruptures narratives.
Comportements atypiques :
Les comportements atypiques désignent les violations des «  lois du métier » par le métier lui-même. Violations qui ne s’expliqueraient pas sans une volonté, consciente ou non, de manoeuvrer pour éviter le fameux mur des réalités. Les comportements atypiques se détectent en se posant une question relativement simple : «  Si j’étais réellement un journaliste mû par la volonté d’informer, à la recherche des trains qui déraillent et de l’exceptionnel, guidé par mon seul souci d’objectivité et ma déontologie, comment procéderais-je ? ». A chaque fois, je suis sidéré par l’écart entre les professions de foi et certaines réalités.
Voici quelques exemples de comportements atypiques :
  • Si vous faites référence à une source d’information telle que la radio/télévision iranienne, ou syrienne (en fait n’importe quelle source située en périphérie), la réaction systématique est de mettre en doute la fiabilité ou l’objectivité de la source. Une mise en doute qui sera accompagnée par une «  explication » de qui est derrière la source en question - mise en doute et questionnement qui ne sont jamais formulés lorsqu’il s’agit d’un média dominant. Alors, voici en guise de petite illustration une question simple à tous les lecteurs : comment s’appelle le rédacteur en chef du journal télévisé de la première chaîne française ?
  • Si on vous mentionnait le procès le plus long de toute l’histoire des Etats-Unis, un procès qui a mobilisé un casting digne d’un blockbuster hollywoodien (des amiraux, des généraux, des dignitaires, accompagné de motions adoptées par des Assemblées nationales de plusieurs pays, des interventions de chefs d’état, des ténors du barreau US, et même des prix Nobel...), on serait en droit de penser qu’il aurait fait ad minima l’objet de nombreux articles et commentaires «  par simple curiosité ». Ce fut exactement le contraire. Le procès est celui des cinq cubains condamnés aux Etats-Unis à d’absurdes peines (double peine de prison à vie «  plus » 15 ans....) pour avoir combattu le terrorisme. Absurde et révoltant. Le comportement atypique ici consiste à éviter une information «  à sensation » alors que la tendance naturelle des médias est de se tourner vers le sensationnel. Le fait qu’ils ne suivent plus leur comportement habituel signale la présence d’un trou noir informationnel.
  • Qui a déjà entendu parler un représentant de la résistance Irakienne ? Les médias ont pris totalement fait et cause pour les envahisseurs, jetant par-dessus bord le moindre semblant de l’objectivité dont ils se gaussent. Le comportement atypique ici est simplement la violation flagrante et ouverte de leur soi-disant «  neutralité de journaliste ».
  • Si l’on vous disait que le président des Etats-Unis en exercice à l’époque avait fait un discours sur la nécessité de combattre sans pitié le terrorisme, et que sur le podium des personnalités invités se trouvait un personnage justement condamné par la justice US pour actes de terrorisme, on serait en droit de penser que les médias relèveraient l’étrange contradiction. Mais pas un mot. Le président en question était George W. Bush et le terroriste s’appelait Aquino.
  • Le plus grand attentat de l’histoire a été moins enquêté que les frasques de DSK. Le comportement atypique ici est de traiter en mode «  mineur » un événement «  majeur » et inversement.
  • Très récemment, le magazine Le Point a admis (avoué) dans un article laconique qu’Amadinejad n’avait effectivement jamais dit qu’il voulait «  rayer Israël de la carte ». Après des années de matraquage et de citations hasardeuses, on aurait pu s’attendre à un examen de conscience ou une remise en cause style «  Faux charnier de Timisoara ». Que nenni. Le magazine, après des années de désinformation continue, prétend avec tranquillité et aplomb nous «  informer » (de ce que nous savions déjà en réalité).
  • Le centre de torture US de Guantanamo. Ici, l’horreur de la situation est traitée avec une décontraction inouïe, en totale contradiction avec les supposés attachements aux droits de l’homme. Est-il réellement nécessaire de s’étendre ? Ah... si ce centre avait été Russe, Chinois, Iranien ou Cubain...

Ruptures narratives :
Les ruptures narratives sont des contradictions, des absurdités, des changements brutaux de ligne sans explication... Comme un navire qui changerait subtilement de cap en faisant semblant de suivre la même route. Les ruptures narratives sont plutôt difficiles à détecter lorsqu’on est «  accroché aux infos », avec l’esprit sans cesse bombardé par de nouvelles informations qui chassent les précédentes - et dont la plupart sont totalement inutiles à notre compréhension, ou totalement incompréhensibles, ce qui revient presque au même.
Sans surprise, c’est lorsqu’on se désintoxique des médias, en prenant une sérieuse distance que les ruptures narratives deviennent cruellement évidentes. Eteignez la télévision pendant un mois ou deux puis revenez-y, vous comprendrez...
Voici quelques exemples de ruptures narratives :
  • Où est passé le fameux trou dans la couche d’ozone ? Vous savez, celui qui annonçait la fin du monde. Disparu, résorbé ou finalement on s’en fiche ?
  • Après un an d’informations sur le printemps de jasmin en Tunisie, les médias nous ont appris la victoire d’un parti dont on n’avait jamais entendu parler auparavant. C’est vous dire si leurs analyses avaient du sens. Le consommateur inattentif pensera simplement qu’il en avait entendu parler mais ne s’en souvenait plus. La rupture narrative ici consiste à ne pas feindre la surprise et de mentionner le parti vainqueur des élections comme si de rien n’était...
  • Les Taliban en Afghanistan, à l’époque de l’occupation soviétique, étaient décrits comme des combattants de la liberté (décidément un terme très en vogue). Les mêmes sont désormais présentés comme des abominations. Une rupture narrative des plus classiques.
  • Lors de l’annonce en 2008 à Cuba du «  licenciement » de «  centaines de milliers de travailleurs » du secteur public, les médias ont trompeté la «  fin d’un modèle ». Deux ans plus tard, on attend toujours les images de foules en guenilles abandonnées à leur sort et errant dans les rues de La Havane.
Les ruptures narratives et les comportements atypiques partagent les caractéristiques suivantes, ce qui permet aussi de les reconnaître :
  • Ils font l’objet d’un non-dit, même lorsqu’ils sont évidents. C’est pour cela qu’on ne les confondra pas avec «  un changement de version » ou un démenti qui sera toujours intégré (récupéré) dans la narrative standard (par exemple lorsqu’ils disent : «  Nous nous sommes trompés, nous le reconnaissons, vous pouvez donc encore nous faire confiance »). Les véritables ruptures narratives et comportements atypiques ne sont jamais annoncés.
  • Ils ne sont jamais reconnus comme tels. Si vous en pointez un du doigt, ils préféreront hausser les épaules ou faire semblant de ne pas comprendre. D’ailleurs, souvent ils ne comprennent pas. Au mieux, vous aurez comme réponse un « Ah, mais, c’est pas pareil ». Les véritables ruptures narratives et comportements atypiques ne sont jamais reconnus
  • Ils sont partagés par l’ensemble de la profession, révélant ainsi des affinités idéologiques profondes.
  • Ils sont indispensables pour préserver la construction narrative qui, sans eux, s’effondrerait.

Médias alternatifs et Internet : une histoire d’amour ou de haine ?

L’assimilation entre Internet et média alternatif est courante. Probablement parce qu’effectivement, pour de simples raisons de moyens matériels, la plupart des médias alternatifs se trouvent sur Internet. Mais cette assimilation est trompeuse et confond le fond et la forme. Il existe des médias réellement alternatifs sur papier (Fakir, Le Sarkophage) comme il existe des médias dominants sur Internet (Rue89.com, par exemple).
Alors à quoi reconnaît-on un «  média alternatif » ? Le premier signe de reconnaissance d’un média authentiquement alternatif est sa capacité à déceler et dénoncer les comportements atypiques et les ruptures narratives dominants, pour tenter de rétablir une courbe de raisonnement ininterrompue et cohérente. Le deuxième est un rapport à l’information qui, contrairement à la propagande véhiculée par les «  grands » médias, est quasi-sacré. Un troisième pourrait être le refus du «  deux poids deux mesures ».

Et l’internet dans tout ça ?

Panacée pour les uns, malédiction pour les autres. Oui, je sais, le printemps arabe, Facebook, Twitter et bla bla et bla. Je n’en crois pas un mot.
Dans l’exemple de l’Egype, je me suis demandé combien de gens avaient Facebook, Twitter et bla bla bla. Les chiffres trouvés sur des services spécialisés sont de l’ordre de grandeur suivants : 20 000 comptes Twitter et 1 million de comptes Facebook. Et «  comptes » ne veut pas dire «  utilisateurs actifs ». Et «  utilisateurs actifs » ne veut pas dire «  opposants ». Et «  opposants » ne veut pas dire «  militants actifs ». Alors, que reste-t-il pour un pays de plus de 80 millions d’habitants ? Pas grand chose en réalité, sinon un autre fantasme de geek et une nouvelle légende urbaine.
Lors d’une interview, Julian Assange, fondateur de Wikileaks, avait abordé ce thème. Il avait expliqué comment les mots d’ordre de la révolution égyptienne avaient été consignés dans un livret qui circulait sous le manteau via le réseau des clubs de football. En première et dernière page de ce manuel, on pouvait lire l’avertissement de ne pas utiliser Facebook ou Twitter, trop facilement infiltrables et manipulables. J’ai observé des nuits entières le déroulement des événements place Tahrir. J’ai été très attentif à certains détails. Comment, par exemple, les groupes qui défendaient la place et les immeubles environnants réussissaient à se protéger des infiltrations et provocations. Tout simplement parce qu’ils se connaissaient entre eux. Ou parce qu’untel connaissait untel qui connaissait untel. Pas vraiment un système à toute épreuve, j’en conviens, mais on en reparlera le jour où votre vie dépendra de la confiance accordée à un pseudo rencontré sur Facebook. Et, dernière puce à l’oreille : l’hommage appuyé d’un personnage aussi grotesque que Hillary Clinton à Facebook, Twitter et bla bla bla et leurs «  cyber-révolutions ». Lorsque quelqu’un comme Hillary Clinton m’indique un chemin à suivre, j’ai tendance à faire demi-tour.
Si l’Internet avait réellement l’importance que d’aucuns semblent lui accorder, il me paraît évident que George Bush, Tony Blair et même Obama seraient en prison, que Guantanamo serait fermé, que Gaza serait libéré, que Sarkozy serait en fuite, que les banques seraient nationalisées, que le Parti Socialiste français serait redevenu un groupuscule. Car les camarades semblent avoir oublié un détail : si l’Internet nous aurait bien servi, figurez-vous que l’ennemi s’en sert aussi bien, sinon mieux. Où est le progrès ? Je veux dire, concrètement ?
Il me semble que l’Internet n’a de sens que pour ceux qui ont déjà une expérience en dehors de celui-ci, c’est-à -dire dans les cas où l’Internet n’est qu’un outil complémentaire, un facilitateur, et non une source en elle-même. La cacophonie ambiante, la multiplicité des blogs, du chacun pour soi et chacun son site, la diffusion d’une chose et son contraire, la multiplication des faux-nez, de pseudos-ci et des pseudos-ça, les trolls dans les forums (genre «  J’ai vécu 10 ans en Syrie, et je peux vous dire que... » Signé : Blanche Neige), les lectures en diagonale, l’impatience devant un article trop long, le click trop facile et le butinage incessant... Le zapping à l’état pur.
Le fait est que la grande majorité de la population continue de «  s’informer » via les médias dominants, y compris dans leurs versions internet où l’on retrouve les mêmes «  ennemis de l’information », tout sourires et pas gênés plus que ça par notre présence.
On me rétorque souvent «  sans Internet... ». Oui, mais sans Internet, nous aurions peut-être, et même probablement, mené d’autres combats, d’autres réflexions sur les médias. Nous aurions présenté d’autres exigences au lieu de déserter le champ de bataille et nous retrancher dans le virtuel.
Et je me demande même si, à force de trop de « révélations », parfois contradictoires, l’Internet n’aurait pas eu un effet démobilisateur, provoquant un sentiment de tâche insurmontable, une attitude de « à quoi bon ? ».

Médias alternatifs et Internet : forces et faiblesses

Tous les responsables de médias alternatifs vous le diront : les journalistes sont grosso modo des ignares, à quelques exceptions près. Lorsqu’on a soi-même subi la contrainte du temps qu’il a fallu pour connaître véritablement un sujet et qui leur fait justement défaut (alors même qu’ils sont censés intervenir sur tout et n’importe quoi, sautant du coq à l’âne), comment s’en étonner ? Mais à les voir et les entendre, ils savent tout sur tout et finissent même par le croire.
Les médias alternatifs ont un sacré avantage sur eux : 1) Ils ont le temps. Le temps de choisir leurs sujets, de les étudier en profondeur, 2) Ils n’ont pas de comptes à rendre, pas de pressions à subir, pas de conformisme à suivre...
Ces avantages sont contrebalancés par l’absence de moyens. Et cette absence de moyens pose le problème des sources de l’information. En effet, nombre de médias alternatifs se cantonnent à «  décortiquer » les informations véhiculées par les grands médias, à analyser leurs comportements atypiques et pointer du doigt les ruptures narratives. Un travail utile mais qui a ses limites car ils se retrouvent, malgré toute leur bonne volonté, à travailler sur un produit qui a déjà fait l’objet d’un filtrage par les grands médias. On peut toujours analyser le contenu d’une bouteille d’eau, il est plus difficile de remonter à la source, là où l’eau jaillit...
«  Oui, mais sur place, il y aura un autre média alternatif qui... » Voire. Car comment savoir si ce média alternatif est plus fiable qu’un article de Libération ? Le coup de la fausse blogueuse syrienne et des faux-nez «  anars et antifas » des réseaux Indymedia sont là pour nous rappeler tous les jours la fragilité de tout ce réseau «  alternatif » informel et infiltrable à souhait...

La liberté de la presse (de faire ce que bon lui semble) contre notre droit d’être informés

«  Seule la vérité est révolutionnaire »
Notre comportement vis-à -vis de l’information est déterminé par notre rapport à celle-ci. Pour certains, peut-être la majorité, ce rapport se résume à considérer l’information comme un «  supermarché de faits » où l’on viendrait puiser des certitudes, ce qui en retour rétrécit le champ de réflexion. Petit à petit, le nombre «  d’articles prélevés » diminue pour ne plus se résumer qu’à l’indispensable kit de survie. D’autres ont un rapport boulimique. L’un comme l’autre participent à la malinformation. Mais s’entendre dire qu’il faut réviser notre rapport à l’information, c’est comme s’entendre dire qu’il faudrait faire de la gym : on y pense, on se le promet, et les mois et les années passent tandis que dans les périphéries de notre perception, les dangers et les dégâts s’accumulent.
Personnellement, je ne reconnais aucun droit à aucun journaliste de «  filtrer » l’information, et l’argument qui consiste à rétorquer «  Allez consulter d’autres sources » ne me convient nullement. D’abord parce que les sources en question, si elles se multiplient dans la forme, se raréfient sur le fond. Ensuite parce que c’est faire peu de cas de mon «  Droit à l’information ». Ce droit, je le revendique, je l’exige. Et aucun média ne saurait me convaincre qu’il faut faire avec ce que l’on a, pas plus qu’un boucher indélicat ne me convaincra qu’il me suffit de changer de boutique. De quel droit ? Et comment se sont-ils arrangés pour nous faire nous résigner à cet état de choses ?

Quelle est la gravité de la situation ?

Je vois partout et tous les jours des formes d’indécence s’étaler, des charlatanismes s’exprimer, des horreurs se banaliser.
Je vois des tas de magazines «  sérieux » publier régulièrement une rubrique qui annonce votre avenir selon votre date de naissance. Je connais des ministres condamnés pour propos racistes. Je vis dans un pays qui voue un culte à Napoléon Bonaparte. Je vois les journalistes se montrer révérencieux envers George Bush et Tony Blair. J’entends des gens «  cultivés » et «  intelligents » prôner des «  guerres humanitaires » - et je me demande ce qu’ils penseraient d’un nouveau concept de mon invention, celui de «  torture thérapeutique »...
Voir couler plus d’encre sur une femme portant un voile que sur une bombe larguée sur elle au nom de la société succinctement décrite plus haut me donne envie de vomir.
L’absurdité de la situation et la pauvreté de notre perception sont telles que des lois sur les médias récemment adoptées en Amérique latine (toujours une longueur d’avance sur nous) visant à élargir les espaces de liberté, à donner de la substance à la liberté d’expression, sont fréquemment qualifiées ici - y compris par des militants de gauche - de lois «  liberticides ». Est-il possible d’être plus «  à côté de la plaque » que ça ?
Le combat des médias n’est pas un combat annexe : il est devenu le combat. Certains l’ont bien compris et n’hésitent pas à acheter un journal qui perd des millions d’euros par an. Se pose-t-on assez souvent la question de savoir pourquoi un capitaliste investirait des millions d’euros dans une affaire qui perd de l’argent alors que dans le même temps il n’hésitera pas à fermer une usine qui en gagne, mais pas assez ? Par amour de la démocratie et du pluralisme de la presse, peut-être ?
L’information est une forme d’éducation, elle forge notre vision du monde. Mais accepterions-nous que nos enfants à l’école soient éduqués par des enseignants sortis d’on ne sait où, formés dans des «  écoles de journalisme » privées et indépendantes de toute tutelle, même mineure, indéboulonnables quel que soit leur degré d’incompétence ?
Est-il normal d’exiger le non-cumul des mandats d’un élu (qui, après tout, est élu) tout en acceptant sans broncher l’ubiquité des journalistes ? Est-il normal de limiter le nombre de réélections d’un élu (qui, après tout, est élu) tout en acceptant sans broncher de voir les mêmes têtes partout sur toutes les chaînes et radios pendant vingt ans et plus ? Est-il normal que le premier abruti venu muni d’une carte de presse puisse qualifier Chavez de dictateur dans un journal distribué gratuitement à des dizaines de milliers d’exemplaires ou sur un site Internet pseudo-alternatif ?
N’y aurait-il point de nom pour désigner un système où un pouvoir avant tout économique et commercial et non-élu supplanterait celui des représentants du peuple ?
Forts du leurre que constitue une certaine facilité sur Internet, nous avons de facto abandonné avec armes et bagages le champ de bataille des médias. Champ à partir duquel l’adversaire nous bombarde en toute... liberté.
Alors, si combat pour le pouvoir il doit y avoir, autant viser le véritable pouvoir. Car ce ne sera qu’à partir de ce moment-là , et de ce moment-là seulement, que nous pourrons dire que nous avons enfin tourné la page.
Viktor Dedaj
"J’aurais pu faire plus court, c’est vrai"