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mardi 13 août 2013

Crise de la société politique...



La crise de la société politique
(…) Je ne répudie en rien la politique qui n’est d’ailleurs pas répudiable puisqu’elle détient le monopole de l’organisation de la société. A mon âge canonique, ma passion pour les affaires publiques est intacte, sinon virginale. En revanche, mon inquiétude pour la dégradation de la politique ne cesse de croître. Ce n’est pas la mélancolie des décennies qui passent, c’est l’observation d’un phénomène alarmant et même angoissant car il met à la longue en cause la démocratie, le développement d’une crise de la société politique. Pas d’une crise de régime, comme la France en a connu tant depuis la Révolution, jusqu’à additionner une quinzaine de Constitutions, record d’Europe. Pas d’une classique crise politique, moment de crispation, de querelle, d’affrontement comme en connaissent toutes les nations, comme le fut par exemple la noire surprise d’avril 2002, avec la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l’élection présidentielle. Non : il y a une crise de la société politique parce que toute une série de dérèglements graves et convergents se produit et ne cesse de s’accentuer. Là est ma divergence de fond avec Daniel Schneidermann qui ne voit rien que de banal là où je perçois quelque chose d’original, de profond et de très inquiétant. Si nos regards divergent ainsi, c’est que nous ne nous faisons pas la même idée de la politique.
Commençons par le symptôme le plus évident et le plus nauséabond, l’accumulation des «affaires». Le journaliste Daniel Schneidermann n’y voit rien de neuf sous le soleil, sinon la bravoure de journalistes d’investigation. Eh bien, pas du tout : lorsque la même semaine, on nous réveille chaque matin avec le dernier rebondissement de l’affaire Tapie, de l’affaire Bettencourt, de l’affaire Karachi, de l’affaire Guéant, de l’affaire libyenne, sans même s’attarder aux compromissions pagnolesques des Bouches-du-Rhône, on sort de la routine et de la banalité. Quand le même jour, ce n’est pas vieux, on annonce Cahuzac devant une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, DSK devant une commission du Sénat et en prime Tapie à la télévision, il y a de quoi vous dégoûter de vous lever à potron-minet pour aller commenter ces turpitudes. Il ne s’agit plus de faits isolés mais d’un climat désastreux, d’un concert chaotique de transgressions immorales qui ne peuvent que donner le sentiment que tout est pourri au royaume de France. Bien sûr, cela ne correspond en rien à la réalité mais que pèse la réalité lorsqu’elle revêt de tels oripeaux ? Depuis l’affaire Stavisky (qui s’est terminée par le 6 février 1934) ou l’affaire de Panama (qui a débouché sur le boulangisme), on n’avait pas connu pareille atmosphère qui fait les délices du démagogue et les cauchemars des démocrates. La Ve République n’a jamais été vertueuse, elle n’avait jamais semblé aussi vicieuse.
Or, cela se produit en pleine crise économique et sociale et en pleine dépression psychologique de la nation tout entière. Pire : les «affaires» se greffent sur d’autres dérèglements qui ressemblent à autant d’abaissements. Il y a en France deux grands partis de gouvernements, le PS et l’UMP. Le premier s’est déconsidéré au congrès de Reims en recourant à la fraude comme de vulgaires escrocs. Le second a donné l’hiver dernier le spectacle inouï d’un psychodrame aberrant avec proclamation des résultats avant même qu’ils soient dépouillés, comme dans une république bananière. Le débat idéologique, jadis grande spécialité française, théâtrale, abusive ? Il a disparu corps et biens. Chez les socialistes où ce fut une sorte de religion laïque - rappelez-vous les joutes entre rocardiens et mitterrandiens ou les débats avec le Parti communiste -, c’est le désert intellectuel. Le PS est devenu transparent. A l’UMP, où l’on n’ose même pas réfléchir sur le bilan et les méthodes de dix années de pouvoir, on parle volontiers de Buisson mais on n’aborde franchement ni les questions sur l’Europe ni celles sur la société. Ce qui triomphe, c’est une stratégie d’évitement conceptuelle. La politique, c’est les idées, proclamait Thibaudet. Aujourd’hui, nous expérimentons la politique sans idées.
Le niveau du personnel politique ? Sans jouer les esprits chagrins, il suffit de comparer la cinquantaine des principaux dirigeants actuels avec leurs homologues des années 60, 70 et même 80. Qui peut nier le déclin ? Inutile de prendre des exemples personnels, poste par poste, ce serait inutilement cruel mais bigrement parlant. En revanche, il faut y ajouter la crise de la représentation, avec une Assemblée nationale sans députés ouvriers, paysans, employés et des partis de protestation réduits à la portion congrue. Les institutions sont solides mais la société politique qu’elles doivent servir roule et tangue douloureusement, ne compte plus ses voies d’eau. Comment s’étonner dans ces conditions que les populismes triomphent, à l’extrême droite, à l’extrême gauche mais aussi au sein des partis de gouvernement et jusqu’au gouvernement lui-même, si poujadiste à propos de l’Europe ?
Comment ne pas craindre de nouveaux «21 avril 2002» ? A-t-on relevé qu’à Villeneuve-sur-Lot, outre les 46 % de l’extrême droite, on avait recensé près de 15 % de votes blancs et nuls ? Daniel Schneidermann constate flegmatiquement que la politique qui prospère porte les visages de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, autrement dit celui des solutions impossibles et celui des solutions détestables. On peut plutôt s’en inquiéter. Les Français, toutes les enquêtes le confirment, n’ont jamais porté un jugement aussi négatif sur les hommes politiques (sur les journalistes aussi, d’ailleurs), sur leur honnêteté, sur leur compétence, sur leur efficacité. Pour ne pas percevoir une crise de la société politique, il faut s’aveugler volontairement.
ALAIN DUHAMEL
 (1) Alain Duhamel quitte la matinale de RTL pour rejoindre l’édition du soir de la radio. Il a expliqué la semaine dernière à l’antenne «avoir été atteint» par l’affaire DSK et être «littéralement écœuré» par l’affaire Cahuzac : «Ça fait cinquante ans que je m’occupe de politique, que j’essaie de comprendre la politique, que j’essaie d’expliquer la politique, que j’essaie de justifier la politique. Pas de justifier les mauvaises décisions, mais d’essayer de lui conserver un certain statut dans l’esprit des gens. Et quand je vois ce qu’il s’est passé en deux ans, je ne veux pas dire que je suis effondré, ni détruit, mais je suis touché et je suis écœuré ; donc ça joue.» (Photo à Crest)

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