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jeudi 13 décembre 2012

Echec de Doha : le dérèglement climatique oublié...

Conférence de Doha : Qatar 1- Climat 0


La conférence de Doha s’est achevée samedi soir avec 24 heures de retard sur un échec. Et nombreux étaient les conseillers qui n’ont pu assister à la débâcle. Sur les 193 pays négociateurs présents quinze jours plus tôt à l’ouverture des travaux, au moins 80 d’entre eux avaient déjà quitté la capitale du Qatar. Une cinquantaine de délégations africaines et de beaucoup de petites nations asiatiques manquaient à l’appel. Explication toute simple : pour les pays les plus pauvres et les plus vulnérables, ceux qui redoutent le plus les effets des dérèglements climatiques, impossible de supporter les frais d’une annulation d’un billet d’avion déjà coûteux ou de s’offrir des nuits supplémentaires à l’hôtel.

Ce n’est pas la première fois qu’une conférence perd de sa substance au cours des prolongations, mais jamais la désertion forcée de ces délégués, qui ont passé la nuit de vendredi à samedi à traîner leurs valises dans les couloirs et les salles de réunions, n’avait été aussi importante. D’où l’amertume et la fureur de ceux qui ont dû laisser, comme le disait un diplomate du Malawi quittant les lieux à trois heures du matin, « les pays riches faire leurs petits arrangements entre eux en oubliant tout ce que nous avons dit ou entendu ».
Cette fin de conférence tronquée était d’autant plus traumatisante pour les délégations contraintes de partir que la plupart des pays concernés n’ont pas d’ambassade au Qatar. « Nous abandonnons le navire au moment crucial, au moment où nous aurions pu nous révolter, explique un Tchadien, et je n’ai pas un diplomate auquel nous aurions pu laisser des consignes. Nous ne sommes bons qu’à faire de la figuration. L’émir du Qatar, auprès duquel certains d’entre nous sont allés se plaindre, nous a envoyés promener et il a pris la responsabilité de saboter la fin de cette conférence parce qu’il n’a pas voulu accepter d’en proclamer l’échec total tel qu’il existait vendredi soir. Il en fait une question d’honneur et de prestige pour son pays. Dans le fond, le climat, il s’en moque, son souci c’est de faire connaître son État dans le monde entier en finançant des conférences, des séminaires et des événements. Je ne suis pas certain qu’il fasse vraiment la différence entre un match de football, un tournois de tennis et un conférence climatique. »
La présidence qatarie des débats a en effet été d’une mollesse permanente. Comme si la seule chose importante pour les autorités d’un pays qui émet trois fois plus de gaz à effet de serre par habitant que les États-Unis était de « finir le match ».
Les résultats proclamés samedi soir sous les applaudissements lassés des rescapés sont d’une rare minceur. Comme le craignait dès les premiers jours, Serge Lepeltier, maire de Bourges, ancien ministre de l’écologie et surtout ambassadeur du climat pour la France, les pays industrialisés n’ont rien voulu céder et l’Europe n’a pas pu agir efficacement en raison de sa désunion. Lepeltier était très pessimiste dès le départ tandis que les trois ministres français, dont Delphine Batho qui sort rarement des fiches fournies par des collaborateurs, ont fait jusqu’au bout profession d’un optimisme qui a commencé à être vraiment ridicule vendredi matin.Il ne reste de ces discussions de marchands de tapis entre des pays industrialisés s’abritant derrière une crise économique que deux maigres éléments : d’abord, l’acte 2 du protocole de Kyoto, valable jusqu’à la fin de 2012, qui engageait les principaux responsables des gaz à effet de serre à réduire leurs émissions, n’a été reconduit que par quelques États : ceux de l’Union européenne (sauf la Pologne), l’Islande, la Croatie, l’Australie, la Suisse ou la Norvège. Ces engagements de 36 pays valables jusqu’en 2020 ne concernent donc que 14 ou 15 % des émissions planétaires des gaz responsables du dérèglement climatique. Ni le Canada, ni la Chine, ni les États-Unis, ni la Russie, ni le Brésil, ni l’Inde, ni le Japon n’ont pris le moindre engagement. Ils ont vaguement promis de « réexaminer leurs positions ». S’ils ne le font pas, les rares pays engagés y trouveront de bonnes raisons de ne pas respecter une parole les engageant sans les contraindre.
Quant au Fonds vert qui doit, depuis la réunion de Copenhague en 2009, aider les pays du Sud et les pays les plus vulnérables à réduire leurs émissions et à développer le recours aux énergies renouvelables, il attendra encore ses donateurs. Puisque la déclaration finale se borne à « presser les pays industrialisés d’annoncer des aides financières quand les circonstances financières le permettront ». La question des « réparations et dommages » entraînés par le dérèglement climatique causé par les émissions des pays industrialisés a été combattue par ces derniers, dont les États-Unis. Elle n’a donc pas survécu à la conférence de Doha. Les délégués ont juré qu’ils en reparleraient en Pologne l’année prochaine et surtout à la conférence de 2015 prévue en France. Car c’est au cours de cette réunion que doivent (devraient) être adoptés des « instruments juridiques contraignants ».
Même si la France s’affirme décidée à faire un gros effort pour que des accords soient signés lors de cette conférence, il faudra beaucoup de catastrophes naturelles, beaucoup d’ouragans, beaucoup de fontes de neige et de glaciers pour que reculent l’égoïsme et l’aveuglement des nations industrialisées et des pays émergents comme l’Inde, la Chine ou le Brésil. Les experts du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) présents dans les couloirs de la réunion de Doha ont souvent assuré que les grandes catastrophes peuvent être au rendez-vous durant les deux années à venir.
Et, perfidement, l’un d’eux, tout comme un ministre français d’ailleurs, suggérait que la France construise, à la campagne, une grande salle de conférence pour cette réunion. Tout, près de Nantes, en lieu et place du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes... 
Jean Marie Vadrot

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