Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

samedi 8 mars 2014

Ce samedi 8 mars : journée de toutes les femmes...



Deux époques, un seul féminisme
Deux générations du féminisme s’accordent pour tirer un constat alarmant sur la place des femmes dans les médias.
Coline de Senarclens, 29 ans, est une des organisatrices de la Marche des salopes. Maryelle Budry, 70 ans, est une militante de la première heure, membre du Mouvement de libération des femmes (MLF) dans les années 1970. Les deux femmes ne s’étaient que brièvement rencontrées auparavant. On a réuni ces représentantes de deux générations de féministes pour analyser ensemble les enjeux actuels de la lutte pour l’égalité sexuelle et la place des femmes dans les médias. Entretien.
- Le féminisme de 2014 est-il différent du féminisme d’il y a quarante ans?
Coline de Senarclens: Non! Les enjeux sont toujours les mêmes: une lutte collective pour les droits des femmes. Mais si l’égalité homme-femme est aujourd’hui inscrite dans la loi, elle n’est pas effective dans la réalité. Les combats d’aujourd’hui sont certainement plus symboliques, en lien avec les valeurs, les représentations féminines et l’éducation.
Maryelle Budry: Certaines femmes ont l’impression que la lutte est terminée. Le concept de féminisme a même acquis une connotation ringarde. Ce qui complique considérablement la mobilisation. Pourtant, le terme «féminisme» reste plus que jamais d’actualité.
C.d.S.: Oui, et je le revendique également. Les médias nous appellent les «néoféministes», comme pour rompre avec une image ennuyeuse du féminisme de l’époque. Il existe pourtant une réelle continuité.
- La question du genre est-elle davantage centrale depuis que l’égalité est ancrée dans la loi?
M.B.: Je ne pense pas. A l’époque du MLF, nos principales revendications étaient la libération des corps, la liberté sexuelle et le droit à l’avortement. Les homosexuels et les lesbiennes manifestaient déjà à nos côtés. Certains disaient que nous étions à l’an zéro du féminisme, mais il existait parallèlement des femmes qui s’engageaient patiemment pour leurs droits, depuis le XIXe siècle. Des disputes éclataient parfois entre ces deux mouvances qui sont maintenant réunies.
C.d.S.: Les femmes sont un groupe hétérogène qui englobe toutes les luttes. La question du genre reste toujours commune.
- Quel regard portez-vous sur la représentation des femmes dans les médias?
C.d.S.: J’ai une fois fait le compte dans un quotidien genevois: environ 20% des photographies montraient des femmes, en comptant les publicités et les annonces de charme! Pour être présentes dans l’espace public, elles doivent obéir à des codes précis, être à leur juste place. Généralement, on cherche plus facilement à interroger des hommes, et ces derniers sont également plus faciles à trouver. Mais les médias sont aussi le miroir de la société, dans laquelle les femmes sont largement sous-représentées dans les postes à responsabilité.
- Quelles sont les causes de cette sous-représentation médiatique?
M.B.: Beaucoup de femmes n’osent tout simplement pas prendre la parole, se sentent moins légitimes. Elles ont intériorisé un sentiment d’infériorité par rapport aux hommes.
C.d.S.: Lorsqu’il s’agit de prestige et d’espace de parole, les hommes ont beaucoup de plaisir à parler pour nous. Par ailleurs, l’arrivée d’un enfant est souvent un frein à la carrière professionnelle, même pour les universitaires. Il existe peut-être 10% de femmes qui travaillent à plein-temps avec un enfant.
- Quelle solution imaginez-vous pour pallier ces inégalités?
M.B.: L’une des grandes bagarres du féminisme est liée à la féminisation des termes. Lorsque je travaillais auprès du service de l’orientation professionnelle, j’ai longtemps œuvré pour que les brochures d’information ne soient plus rédigées uniquement au masculin, que l’on puisse y trouver le mot «ingénieure». Il était important que ce vocabulaire féminisé soit repris par la presse. Nous avons pu constater quelques progrès durant les années 1990, grâce à des directives cantonales qui allaient dans ce sens. Aujourd’hui, j’observe un recul sur ce sujet et des réactions fortes du public.
C.d.S.: La lutte pour le langage épicène est mal comprise. Elle n’est pas jugée prioritaire pour le féminisme. Il s’agit pourtant d’un outil de domination important.
M.B.: Il faut sensibiliser les jeunes journalistes à ces problématiques.
- Les Femen ou la Marche des «salopes» utilisent la nudité pour augmenter leur couverture médiatique. Au détriment du message?
C.d.S.: Sur la méthode, je comprends les Femen qui utilisent l’un des seuls moyens de visibilité pour les femmes: leur corps. Cela dit, je ne suis pas toujours d’accord avec leurs messages, qui peinent en plus à se faire entendre. Au sein de la Marche des salopes, notre manière de manifester est directement liée à notre objet de lutte. Même habillées en salopes – un terme vidé de son sens –, aucun homme n’a le droit de nous violer. Il est évident que cette visibilité nous arrange, au risque que le message ne soit pas toujours bien compris de tous. C’est un paradoxe que nous assumons.
M.B.: Les Femen sont chères à mon cœur, indépendamment de leurs messages. Elles utilisent la provocation, comme à l’époque du MLF. On se revendiquait «les bonnes femmes», comme le font aujourd’hui les salopes. - Quel est le sens du 8 mars aujourd’hui?
C.d.S.: C’est une occasion de se mobiliser. Et il y en a plus que jamais besoin lorsqu’on voit les attaques inédites contre l’égalité. Je pense notamment aux impressionnants rassemblements réactionnaires contre le mariage homosexuel en France.
M.B.: Un jour sur trois cent soixante-cinq pour les droits des femmes, c’est préférable à zéro. Je trouve ahurissant de devoir à nouveau descendre dans la rue pour défendre des droits qui ont été inscrits dans la loi, comme avant les dernières votations sur le remboursement de l’avortement. C’est la preuve que rien n’est jamais acquis en matière de féminisme.
Eric Lecoultre  et  Pauline Cancela

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire