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samedi 5 mai 2012

Adieu Sarkozy, on aimait pas ta politique...


Dur sera le réveil !
« Adieu Sarko, on t’aimait pas tu sais », aurait chanté le grand Jacques. Mais non, pas Jacques Chirac. Quoique… Jacques Brel évidemment, doit-on préciser pour les moins de 35 ans qui n’ont plus grand-chose à se mettre dans les oreilles du point de vue du non-conformisme nécessaire. Oui, Sarko s’en va. Et l’on n’a pas fini de relater par le menu – ô combien copieux – son règne calamiteux. Pourtant, l’usurpateur parti, la vie doit continuer. Il est hélas très probable qu’elle sera riche de déceptions. On se félicitera bien sûr longtemps d’avoir mis à l’Élysée un hôte plus présentable, un président faisant moins rire à l’étranger, incapable de se contredire à une vitesse supersonique contrairement à son prédécesseur. On ne regrettera certes pas les outrances haineuses des principaux lieutenants du vaincu qui ont fermé la France en édifiant une xénophobie d’État inconnue depuis Vichy. Et pourtant, nous déchanterons vite.
Comme elles furent longues ces cinq années pour ceux qui ne prirent jamais au sérieux « le candidat des riches », qui ne s’arrêtèrent pas au discours sans grande consistance de l’enjôleur patenté. C’est peu dire qu’une fois élu il ne les a pas déçus. Ces cinq années furent particulièrement pénibles pour les plus humbles. Beaucoup d’entre eux ne furent pas, eux non plus, déçus par l’homme providentiel. Ils n’en attendaient rien. Cela fait très longtemps qu’ils n’espèrent plus rien de la classe politique. Ils ne votent pas davantage en 2012 qu’en 2007. C’est qu’en 2012 ils sont plus pauvres encore qu’en 2007. Nous ne disposons pas encore des chiffres de 2011, mais l’étude d’Eurostat sur les revenus et les conditions de vie (EU-SILC) dans l’Europe communautaire démontre que pour la période 2007-2010 la France est l’un des pays où les inégalités de revenus se sont le plus accrues. Il n’est guère que l’Espagne pour faire pire. La dégradation du ratio rapportant le revenu moyen des 20 % les plus riches au revenu moyen des 20 % les plus pauvres est due essentiellement en France à la politique fiscale menée depuis 2007. Souvenons-nous une dernière fois : « Je serai le président du pouvoir d’achat. » Les pauvres ont cru que le bonimenteur parlait du leur quand il ne faisait qu’agiter un leurre.
On ne saurait s’arrêter à ces quelques chiffres déjà alarmants. Il est d’autres signes de l’appauvrissement des catégories sociales les moins favorisées que les statisticiens ne s’empressent pas de mesurer. Les défaillances croissantes – et volontaires – de l’assurance-maladie font augmenter chaque année le nombre de personnes négligeant de se soigner ou se soignant insuffisamment. La CMU ne suffit plus. Un nombre croissant de familles n’en relevant pas connaissent des difficultés dans l’accès aux soins faute d’un revenu suffisant. Pas assez pauvres pour bénéficier de la CMU, pas assez riches pour cotiser à une mutuelle ou à une assurance complémentaire privée. On ne mesure pas non plus sérieusement un autre phénomène, en forte expansion lui aussi : « la souffrance au travail ». Le détricotage du code du travail sous l’alibi de sa modernisation et la soumission facile à l’impératif de la concurrence – internationale ou intérieure – dégradent chaque jour davantage les conditions de travail des salariés tant dans les entreprises que dans les administrations. Tout cela n’est rien d’autre que le résultat prévisible de l’emprise grandissante des conditions financières du Marché dérégulé imposées aux politiques publiques par le renoncement des « élus du peuple » à y résister. Souvenons-nous une dernière fois que le gesticulateur en chef est l’ami de la plupart des « patrons du CAC 40 ».
Il faudrait rompre avec tout cela. Le vainqueur du 6 mai ne le fera pas. Certes, il aura négligé, pour sa part, d’aller fêter la victoire avec « la bande du Fouquet’s. C’est elle qui ne tardera pas à venir à lui pour le persuader, au nom de l’impitoyable compétition internationale, de renoncer aux timides réformes promises au peuple désabusé. Il en recevra les représentants les plus éminents, défenseurs faussement désintéressés des plus beaux fleurons du savoir-faire et du bon goût français. Leur enthousiasme cachera mal le chantage à l’emploi dont ils usent si souvent. Les choses auraient été évidemment plus faciles avec DSK. Il est tombé, n’en parlons plus. Son remplaçant saura bien entendre raison. Il pourrait leur résister. Il s’en dispensera car il sait qu’ils ne sont que les modestes porte-voix du Pacte financier européen scellé par Mercozy, pacte qu’il ne pourra dénoncer sous peine de sortir la France de la zone Euro, ce à quoi il se refusera indéfectiblement. Il sera donc contraint dans ces conditions à poursuivre – voire à amplifier – la libéralisation des marchés. La prochaine étape pourrait être la destruction du pilier central de notre droit du travail : le Contrat à durée indéterminée. L’Italie et l’Espagne y ont déjà renoncé ; pourquoi ne pas en faire autant au nom de la « légitime harmonisation européenne » et de l’hypocrite « libre circulation des travailleurs » intracommunautaire. En avant toute vers la précarité générale.
Il s’agira donc de continuer de nier la réalité des périls qui frappent le monde contemporain. Le capitalisme se perpétue tragiquement, incapable qu’il est désormais de dépasser ses contradictions internes. La crise majeure du régime d’accumulation du capital, que les artifices de plus en plus grossiers de la finance globalisée ne parviennent plus à dissimuler, est irrémédiable. La prédation générale que le capitalisme inflige aux écosystèmes fournit la seconde raison cardinale de rupture impérative d’avec un système économique devenu définitivement mortifère. Repousser encore le moment de construire une économie écologique et équitable ne peut qu’aboutir à livrer nos sociétés à l’autoritarisme de régimes essentiellement soucieux de la défense meurtrière des intérêts d’oligarchies richissimes et à des mouvements politiques fondés exclusivement sur la désignation de boucs émissaires. Le fascisme serait alors de retour. Il est temps de nous réveiller vraiment.
Yann Fiévet

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