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lundi 21 mai 2012

L' agriculture oubliée...

L'agriculture et l'alimentation ont été oubliées dans le débat électoral
Pesticides sur les fruits et les légumes, antibiotiques dans le lait, hormones dans la viande, dioxine dans les œufs et les poulets, algues vertes sur le littoral breton, effondrement des abeilles, abaissement des nappes d'eau souterraines, pollution  de l'air et des eaux, érosion des sols et risques accrus d'inondation, émissions de gaz à effet de serre... Notre agriculture industrielle et productiviste se trouve accusée de tous les maux et les agriculteurs français ne supportent plus d'en être tenus pour responsables. Et le syndicalisme agricole majoritaire est alors parfois tenté de pratiquer la politique du déni, avec pour effet d'accroître encore davantage la méfiance des consommateurs et des protecteurs de l'environnement à l'égard de la paysannerie.
Mais inutile de le nier: de façon à produire aux moindres coûts monétaires et répondre aux exigences de standardisation des industries agro-alimentaires et de la grande distribution, nos agriculteurs ont été pour la plupart contraints de s'équiper en infrastructures et matériels de plus en plus coûteux. Lourdement endettés, ils durent spécialiser exagérément leurs systèmes de culture et d'élevage de façon à pouvoir amortir au plus vite ces nouveaux équipements. Et ils ne disposent plus désormais pour ce faire que d'un nombre très limité de variétés végétales ou races animales à haut potentiel génétique de rendement, souvent très sensibles aux éventuels insectes prédateurs et agents pathogènes. D'où le recours à toujours plus de produits phytosanitaires (fongicides, herbicides, insecticides, etc.) et vétérinaires dont les procédures d'autorisation de mise sur le marché sont de plus en plus sujettes à caution.
Disons le clairement : les agriculteurs sont bien souvent les otages et les premières victimes de cette évolution dictée par la nécessité de rester compétitifs dans un monde où les règles du jeu et le comportement des consommateurs sont de plus en plus formatés par de puissants oligopoles. Ils sont eux-mêmes directement exposés à l'épandage des pesticides mais ne supportent parfois plus de se voir brutalement et tardivement interdits d'employer des produits finalement considérés comme dangereux. La politique agricole commune ne devrait-elle donc pas plutôt les inciter à mettre  en œuvre des systèmes de culture et d'élevage plus respectueux de l'environnement et des équilibres écologiques ?
Fort heureusement, des agriculteurs "résistants" ont su déjà mettre au point divers systèmes de production agricole adaptés chacun aux conditions locales de leurs terroirs. Ils font un usage intensif des ressources naturelles renouvelables (l'énergie lumineuse et le gaz carbonique en excédent dans l'atmosphère pour les besoins de la photosynthèse et la production de nos calories alimentaires, l'azote de l'air pour la fabrication de nos protéines végétales, etc.), tout en ayant le moins possible recours aux énergies fossiles et n'employant pas nécessairement de produits agro-toxiques. Très savantes, ces formes d'agriculture paysanne inspirée de l'agro-écologie n'en sont pas moins bien plus artisanales et exigeantes en travail que l'agriculture dite "conventionnelle". Elles méritent donc d'être mieux rémunérées ; et c'est tout l'intérêt de l'agriculture bio de pouvoir bénéficier de prix plus rémunérateurs en échange du respect d'un cahier des charges particulier et d'une procédure de certification rigoureuse. Mais s'ils doivent rester plus chers, les produits issus de l'agriculture bio ne risquent-ils pas de devenir à tout jamais inaccessibles aux couches sociales les plus modestes ? L'essor de cette forme d'agriculture semble bien être conditionné à une répartition plus équitable des revenus, pour ne pas être réservée à la seule niche des bourgeois-bohêmes.
Mais il faudra pourtant bien qu'un nombre croissant de nos agriculteurs adhèrent à celle-ci ; car c'est bien toute l'agriculture française et européenne qui va devoir opérer un tel virage à 90 degrés pour garantir la qualité sanitaire de nos aliments et préserver la fertilité de nos écosystèmes. Les actuelles subventions de la Politique agricole commune (PAC), actuellement distribuées sous la forme d'aides presque totalement "découplées" de la production, devraient donc être prioritairement réorientées en faveur de cette forme d'agriculture bio, en échange des services sanitaires et environnementaux qu'elle procure à l'ensemble de la société. Les paysans qui œuvrent pour l'intérêt général pourraient être alors ainsi correctement rémunérés sans que les consommateurs aient à supporter des prix trop élevés.
A la veille d'une réforme programmée de la PAC pour l'après 2013, nos candidats aux législatives ne pourraient-ils pas se prononcer clairement sur ce point.
Marc Dufumier est l'auteur de Famine au Sud. Malbouffe au Nord (NiL ; 2012).
Marc Dufumier, professeur émérite à AgroParisTech

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