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jeudi 31 mai 2012

Printemps au Quebec, indignation durable...


Printemps érable, colère durable
Récit Le gouvernement québécois durcit le ton face à un conflit étudiant qui a débuté il y a trois mois.
Chaque soir, le scénario est le même. Autour d’une petite place du centre-ville de Montréal, des dizaines de manifestants arborant un carré rouge, le symbole de la contestation étudiante, se rallient à la tombée de la nuit. Parfois armés de trompettes et de tambours, ils sillonnent les rues de la métropole, avant d’être dispersés par la police, qui les suit à la trace. Depuis plus de trois mois, 150 000 étudiants et lycéens québécois font front contre leur gouvernement. Né de l’opposition à la hausse des droits d’inscription, le mouvement s’est mué en véritable contestation sociale et politique. Le «printemps érable», baptisé ainsi en clin d’œil au printemps arabe, ne veut pas finir.
Le gouvernement a dévoilé, jeudi, un projet de loi spéciale pour suspendre les cours jusqu’au mois d’août dans les établissements touchés par la grève. Il prévoit surtout une forte restriction du droit de manifester et de très lourdes amendes pour les organisateurs de piquets de grève. Mais cette annonce n’a pas changé le rituel de la protestation. Bien au contraire. «Passer une loi spéciale pour une grève étudiante, il faut le faire !» fulmine Caroline. Cette trentenaire a fini ses études depuis bientôt une décennie. Pourtant, la jeune femme n’a cessé de manifester, aux côtés de ses amis. Dont Kolia, 32 ans, qui affirme : «L’éducation, c’est un droit universel, une richesse collective.»
Depuis ses débuts, le mouvement étudiant n’a jamais cessé de surprendre par son ampleur. En trois mois, Montréal a été le théâtre de 230 manifestations, de jour comme de nuit : du jamais-vu. «On ne s’attendait pas à cette mobilisation historique, ni à une loi spéciale, remarque Jeanne Reynolds, porte-parole d’une association étudiante. Le problème, ce n’est pas la grève, c’est la hausse des droits d’inscription.»
Managérial. Au Québec, les frais annuels exigés par les universités sont les moins élevés du Canada. Cette exception devrait toutefois disparaître avec la hausse annoncée par le gouvernement libéral, qui propose de les faire passer de 2 200 à 4 000 dollars canadiens (1 700 à 3 000 euros) au cours des cinq prochaines années. Pour les étudiants québécois, qui préfèrent le modèle scandinave à celui de leurs voisins nord-américains, c’est trop. Et pour leurs professeurs, qui réclament des états généraux sur l’université, aussi. «On nous impose la comparaison avec les grandes facultés du monde, mais nous sommes farouchement opposés à cette standardisation», explique Max Roy, président de la Fédération québécoise des professeurs d’université. Selon lui, la hausse de la contribution étudiante au budget des facultés est un nouveau symptôme du mal qui accable les facs québécoises : une gestion managériale d’entreprise. Ces dix dernières années, le poids des gestionnaires dans la masse salariale a augmenté trois fois plus vite que celui des professeurs. «Cet enjeu est mis au jour par le conflit», estime Max Roy.
Conflit marqué par une réponse policière plutôt musclée : plus de 500 personnes ont été arrêtées dans les manifestations de Montréal. Le gouvernement de Jean Charest n’a jamais plié. Ni sous la pression de la rue ni sous celle de ses adversaires politiques. Un entêtement étonnant : la hausse des frais d’inscription ne rapportera à terme que 210 millions d’euros par an. Au pouvoir depuis bientôt dix ans, Jean Charest a survécu aux allégations de corruption qui éclaboussent régulièrement son parti. «Mais beaucoup de jeunes se posent des questions sur la justice et la justesse des règles fixées par le gouvernement», note Paul Sabourin, professeur de sociologie à l’université de Montréal.
Peluche. Si le Premier ministre a justifié sa loi spéciale par le désir de ramener la «paix sociale», dans les rues de Montréal, la poursuite du mouvement ne fait aucun doute. «Je vais mener la bataille jusqu’au bout», annonce Guillaume, un lycéen de 17 ans. A ses côtés, sa petite amie, Julie-Anne, une peluche à la main, exprime sa colère : «On est vraiment contre le néolibéralisme. C’est frustrant d’être considérés comme des moins que rien.»
Amir Khadir, député de Québec solidaire, un parti de gauche proche du milieu syndical et militant, est convaincu que le gouvernement fait fausse route. «Jean Charest pense qu’il va épuiser les étudiants. Mais il ignore la réalité du terrain. Même dans notre parti, où on est habitués à la mobilisation citoyenne, on ne comprend pas le mouvement. Ça dépasse tout ce qu’on a connu en trente ans, avoue-t-il. Le mouvement étudiant a planté une force au Québec impossible à déloger. Je ne vois pas comment ça va se régler. Va-t-il y avoir de la violence ? Des dérapages ? Je ne le souhaite pas. Mais une chose est sûre, le gouvernement n’aura rien fait pour empêcher une telle escalade.»
ANABELLE NICOUD Correspondante à Montréal

78, une loi anti-étudiants
Depuis plus de trois mois, le Québec vit une des pires crises sociales de son histoire. Les étudiants en grève et les citoyens qui les soutiennent arborent fièrement le carré rouge, symbole de l’opposition à la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement de Jean Charest. Dès février, celui-ci avait déclaré qu’il ne négocierait jamais avec les étudiants. Après plus de deux mois de grève étudiante, il a enfin accepté de discuter à condition que ne soit pas abordée la question des droits de scolarité, le nœud du débat. Après moins de quarante-huit heures, ces négociations ont été rompues par le gouvernement. Début mai, retour aux négociations : gouvernement et fédérations étudiantes ont élaboré une feuille de route censée tracer la voie pour une sortie de crise honorable. Le projet d’entente, assez minimal, évoquait la possibilité de dégager des économies dans le budget universitaire, afin d’atténuer l’effet de la hausse. Mais, avant même que les étudiants se soient prononcés sur le sujet, le Premier ministre, Jean Charest, et sa ministre de l’Education, Line Beauchamp, se pavanaient déjà en affirmant qu’ils avaient réussi à écraser le mouvement étudiant. Suite à ces déclarations, les étudiants ont massivement rejeté l’entente de principe. Démission de Beauchamp ; ultime contre-offre de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), que le gouvernement n’a pas daigné étudier ; et enfin cette loi spéciale 78, «loi matraque» qui lui donne des pouvoirs répressifs accrus et réduit à néant la force démocratique des associations étudiantes. Une loi qui va à l’encontre des libertés d’expression, d’opinion et de manifestation et vise aussi tous les citoyens du Québec. Cette loi prévoit aussi une clause «Henri VIII», selon laquelle l’exécutif peut désormais modifier toute autre loi, de façon unilatérale et sans passer par l’ensemble des députés élus au Parlement. La loi 78 accorde par ailleurs à l’étudiant le droit individuel d’accéder à ses cours, au mépris des votes de grève. De plus, tout professeur invitant ses étudiants à respecter le vote de grève peut être accusé d’infraction. Ce texte même peut nous valoir des sanctions parce que nous, ses auteurs, sommes aussi des professeurs.
La position dans laquelle le gouvernement nous place est intenable. Comment un professeur peut-il donner un cours sur la démocratie, son histoire et sa valeur, alors qu’on lui demande d’être le complice de son déni ? Comment peut-il enseigner le concept de désobéissance civile chez Etienne de La Boétie, Henry-David Thoreau ou Hannah Arendt, alors qu’une apologie un peu trop vibrante de celui-ci peut lui coûter de 7 000 à 35 000 dollars canadiens [5 400 à 27 000 euros] d’amende ? Comment peut-il favoriser le développement de l’esprit critique de ses étudiants quand on lui demande de taire le sien ? Pour nous, qui nous réclamons d’une culture humaniste, il devient quasi impossible de faire notre travail, de façon honnête et honorable. Cette loi-matraque ne règle rien ; au contraire, elle ne fait qu’envenimer la crise. En plus de mépriser la jeunesse, le gouvernement Charest s’en prend à la liberté, à la démocratie et à la valeur de l’enseignement.
GUILLAUME BARD Professeur de philosophie et de sciences humaines, Montréal, ESTELLE DRICOT Professeur de philosophie et de sciences humaines, Montréal, MARCELA FAJARDO Professeur de philosophie et de sciences humaines, Montréal, JEAN-FRANÇOIS LESSARD Professeur de philosophie et de sciences humaines, Montréal

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