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jeudi 26 décembre 2013

Cesser le commerce avec un régime théologique raciste...

Du boycott des produits israéliens au boycott des entreprises agroalimentaires israéliennes.

Cesser le commerce avec les entreprises agroalimentaires israéliennes

La force de la Coalition contre Agrexco a été d’avoir dès le début à la fois désigné une cible unique : « l’entreprise Agrexco » et un seul objectif : « Agrexco ni à Sète ni ailleurs ».
Cibler l’entreprise (au lieu des produits) avait une dimension stratégique qui a joué un rôle important dans la compréhension de la situation et dans la mobilisation contre Agrexco et a mis en évidence le rôle fondamental des entreprises agroalimentaires israéliennes dans le processus de colonisation et la destruction des ressources vitales palestiniennes.

2005-2009 - Le boycott : d’un slogan à une campagne

L’appel BDS des 170 organisations de la société civile palestinienne de juillet 2005 adressé aux sociétés civiles du monde et donc à nous tous-tes, vise l’autodétermination des Palestiniens. En raison du poids d’Oslo et malgré son évidence, cet appel n’a pas été entendu dans la plupart des pays européens jusqu’aux massacres à Gaza en 2008-2009. Par ailleurs ceux qui ont eu le mérite de lancer les premières actions l’ont fait de façon empirique sans réflexion sur les cibles. On parlait de Carmel comme de Coca-Cola, Danone ou Starbuck café. Les entreprises israéliennes ou non étaient mélangées aux produits et labels. Il n’y avait pas non plus de réflexion stratégique. Produits et entreprises étaient listés, catalogués réduisant le mot d’ordre de boycott un simple slogan.
L’intervention du BNC dans la bataille contre Agrexco et la mise en place de la campagne BDS à direction palestinienne dès juin 2009 a clarifié les choses. Pour autant la question de l’adéquation entre ceux qui se réclament aujourd’hui du « BDS » et les attentes palestiniennes n’est pas complètement réglée en France et dans les autres pays du continent. Le présent article vise à préciser, en matière de boycott dans le champ de l’agroalimentaire, les pistes, fondées sur le droit international et les droits Humains, préconisées par les organisations palestiniennes.

Mai 2009 : La Coalition contre Agrexco cible l’entreprise Agrexco

La force de la Coalition contre Agrexco a été d’avoir dès le début à la fois désigné une cible unique : « l’entreprise Agrexco » et un seul objectif : « Agrexco ni à Sète ni ailleurs ». Dans le bilan de cette bataille victorieuse nous avons surtout mis en évidence l’efficacité tactique du choix de cibler une entreprise. Mais nous n’avons pas assez souligné, comme facteur de succès, que le fait de cibler l’entreprise (au lieu des produits) avait une dimension stratégique qui a joué un rôle important dans la compréhension de la situation et dans la mobilisation contre Agrexco.
Cibler l’entreprise a mis en évidence le rôle fondamental des entreprises agroalimentaires israéliennes dans le processus de colonisation et la destruction des ressources vitales palestiniennes.
Après la liquidation d’Agrexco, cette même logique a guidé la coordination BDS européenne animée par le BNC dans le choix de la nouvelle cible européenne. La journée d’action BDS européenne du 26 novembre 2011 a engagé la bataille contre l’entreprise Mehadrin devenue N°1 de l’agroalimentaire israélien.

Avril 2012 : une décision exemplaire du CO-OP Group (Royaume-Uni)

C’est au Royaume-Uni que cette campagne a obtenu en 2012 le succès le plus significatif. Les discussions et la pression exercée en interne et externe sur le CO-OP Group, cinquième distributeur du pays, ont conduit à une décision exemplaire. Le 27 avril 2012 dans un communiqué à la presse la CO-OP Group déclare qu’elle « cessera de collaborer avec tout fournisseur de produits, connu pour se fournir dans les colonies israéliennes ».
C’est clair et net ! Les quatre entreprises concernées sont : Agrexco, ARAVA Export Growers, Adafresh et Mehadrin. Mehadrin cultive aussi des fruits et légumes en Israël, pourtant il tombe sous le coup du refus de la CO-OP Group, laquelle considère à juste titre que dès lors qu’une partie de l’entreprise produit ou commercialise dans les colonies, l’entreprise est toute entière dans l’illégalité.
On voit bien ici la justesse et la pertinence qu’il y a à cibler les entreprises et non les produits. Cibler les produits, permet à certains de distinguer les produits des colonies, qu’il faudrait boycotter, de ceux produits en Israël qu’il ne faut pas boycotter. Mais le lien entre les colonies et l’état d’Israël n’est-il pas structurel, matriciel ? Ce n’est pas Israël qui va démentir ce lien. Pour l’état juif les colonies sont partie intégrante d’Israël. Ne sont-elles pas régies par les lois israéliennes ?
Ne relèvent-elles pas du même découpage administratif, réseau routier, énergétique, du code postal, du droits de vote, des financements et de la politique industrielle etc… israélienne ? Il est par conséquent impossible de caractériser d’illégales les colonies sans caractériser de la même illégalité les entreprises qui commercent avec les colonies et bien plus encore, l’état qui les implante et les administre.

Février 2013 : Appel à cesser tout commerce avec les entreprises agricoles israéliennes

L’Appel BDS de 2005 ne rentre pas dans les détails, il ne se prononce pas sur le boycott des produits ou des entreprises : « (…) nous vous invitons à imposer de larges boycotts (…) contre Israël tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. ». Néanmoins il désigne clairement la cible : le boycott s’exerce contre Israël dont les violations du droit ont été énumérées dans la première partie de l’Appel. La référence à l’Afrique du Sud (cf. les oranges Outspan) a induit en France l’idée que boycott signifiait « boycott des produits », dans lequel les avocats remplaçaient les oranges dans une démarche individuelle de boycott.
Par contre l’Appel palestinien du 9 février 2013 [1] et le texte « Farming injustice » [2] publiés un peu plus d’un an après la victoire contre Agrexco apportent des réponses plus explicites à la question. Le texte « Farming injustice » qui développe l’argumentaire de l’appel montre comment l’agriculture de l’ensemble de la Cisjordanie et Gaza (sans oublier les pêcheurs) est victime du système colonial israélien. Les signataires – toutes les organisations paysannes, de la société civile palestiniennes sous occupation militaire et le BNC - appellent à « cesser tout commerce avec les Entreprises agroalimentaires Israéliennes ». Les cibles sont nommées : sept entreprises agroalimentaires dont une cible prioritaire Mehadrin, suivie de Hadiklaim. L’objectif est également fixé : la fin de tout commerce complice avec ces entreprises qui causent la destruction de l’agriculture palestinienne [3].
L’appel BDS de 2005 fonde sa stratégie sur les trois revendication fondamentales posées comme conditions d’accès au droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination : fin de la colonisation, retour des réfugiés et égalité absolue des palestiniens de 48. Le boycott, le désinvestissement, la lutte contre l’impunité et les sanctions contre Israël sont des moyens de pression pour obliger Israël à satisfaire aux trois revendications fondamentales de l’Appel de 2005 et ne sont pas une finalité en soi.
En ciblant les entreprises agricoles israéliennes l’appel de 2013 réaffirme son alignement stratégique sur le droit international, notamment en matière des colonies. Il refuse de prendre pour base de discussion les accords UE-Israël qui sont le résultat du rapport de force issu d’un « processus de paix » au service de la domination et de l’apartheid israélien.
Non seulement les accords UE-Israël n’appliquent pas le droit international mais ils le violent souvent. Quand les produits des colonies clairement identifiés entrent en Europe après le simple paiement d’une taxe, au lieu d’être bloqués aux frontières et confisqués comme les produits de contrefaçon, il s’agit tout simplement d’une violation du droit. « Farming injustice » rappelle que les colonies sont illégales, que leur construction et le déplacement de population constituent un crime de guerre, donc que leurs productions sont illégales et a fortiori le commerce avec les entreprises qui produisent et/ou commercialisent ces produits.
L’étiquetage [4] des produits des colonies et le choix laissé au consommateur d’acheter ou non ces produits dans les magasins européens constituent également une violation du droit.
Comme l’écrivent les signataires de l’appel de 2013 :
« Tout commerce avec des entreprises agissant ou impliquées dans des colonies illégales israéliennes soutient la pérennité des colonies. (…) Le maintien des échanges commerciaux avec les entreprises opérant dans les colonies illégales accorde de facto une reconnaissance et une légitimité politique aux colonies. » (Farming injustice p.16)

Même si c’est pour appeler à leur boycott ensuite, l’étiquetage des produits des colonies en ne s’opposant pas à leur entrée en UE, légalise de fait leur commerce. La seule réponse de droit est l’interdiction d’entrée de ces produits et le refus de commercer avec les entreprises israéliennes qui les cultivent et/ou les commercialisent.

Quelles pistes de travail pour cette campagne de boycott ?

La demande palestinienne est explicite : prendre pour cible les entreprises agricoles prioritaires et comme objectif, la fin du commerce avec elles.
Nous avons vu les dérives possibles du boycott des seuls produits. Pour autant il ne s’agit pas d’opposer le boycott des produits au boycott des entreprises, ni de choisir l’un ou l’autre mais de redonner au boycott sa dimension stratégique en articulant le boycott des produits au boycott central des entreprises.
Dans ce cas l’information destinée à sensibiliser le public devrait mettre en évidence et titrer sur les entreprises à boycotter. Ainsi BDS France qui a toujours résisté à la diffusion d’une liste de produits a réalisé un tract national titré « Quelles entreprises boycotter ? » en informant sur ces entreprises et bien sûr en mentionnant leurs produits. Jusqu’ici nous avons surtout demandé aux clients de ne pas acheter les produits en raison des violations israéliennes etc.. Aujourd’hui il convient d’illustrer ces violations par le rôle joué par ces entreprises et de nous poser la question : comment faire en sorte que les clients des magasins et/ou les citoyens qui boycottent les produits israéliens exigent des chaines de distribution que celles-ci cessent le commerce avec Mehadrin, Hadiklaim etc. ?
Cibler les entreprises israéliennes exige que nous approfondissions notre expertise sur leur implantation, leurs antennes européennes et centres de conditionnements, leur fonctionnement, les lieux d’arrivée leurs produits (ports, aéroports), leurs transporteurs, leurs circuits de distribution, etc.
Et que nous préparions des actions d’information et de boycott bien ciblées contre leur antenne, le lieu de débarquement de leurs produits, leurs transporteurs etc. En France tout reste à inventer dans ce domaine.
Le 29 juin 2013 BDS France a mené une action d’information destinée à faire connaître la présence de l’entreprise israélienne Mehadrin dans la région d’Avignon et dénoncer son rôle colonial. Une manifestation de 500 personnes dans la ville d’Avignon a crié « Mehadrin dégage » et dénoncé le commerce avec cette entreprise. 350 personnes ont marché 14km jusqu’au siège de Mehadrin en France à Chateaurenard.
Là nous avons planté un village de tentes (comme le font les palestiniens) et écouté un message de Dawood Hammoudeh, directeur exécutif du syndicat des paysans palestiniens et coordinateur de la campagne contre le commerce avec les entreprises agricoles israéliennes. Nous devons maintenant construire des actions directes de boycott sans oublier les circuits Bio qui devraient être plus réceptifs à nos arguments.
La coordination BDS européenne animée par le BNC existe, elle a montré son efficacité à l’occasion d’Agrexco et depuis. Le succès exemplaire de la CO-OP Group montre qu’il est possible à des chaînes de distribution de refuser le commerce avec des entreprises agricoles israéliennes.
Si pays par pays, nous mettons les entreprises au centre de notre cible de boycott, il devrait être possible en combinant nos expériences, de construire de façon coordonnée au plan européen, une méthode d’intervention et des actions contre les entreprises ciblées et ainsi atteindre l’objectif de respect du droit international demandé par les palestiniens.
José Luis Moraguès, Montpellier 26 octobre 2013
José Luis Moraguès est membre de la Campagne BDS France
[4Préconisé en France par la « Plateforme des ONG pour la Palestine ». Lire aussi l’excellent article « Étiquetage ou interdiction des produits des colonies ? » de Christophe Perrin

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