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vendredi 9 octobre 2009

Edgard Morin et l' Ecologie


Edgar Morin - L'impératif écologique ( photos : Edgard Morin, Anne Tesson, Abdoulaye Fall )
Edgar Morin l'intellectuel critique et l'insurgé, évoque le sentiment de nature et la maîtrise du vivant, l'éthique planétaire et les dégâts du progrès, le développement durable et la nécessité de ressusciter l'espérance. Il avait rendez vous avec Anne Tesson , agent de Développement Durable et Ecologie et Abdoulaye Fall , sociologue , tous les deux militants de l’ association « Ecologie au Quotidien de Die ».
L'impératif écologique est-il en train de devenir un nouvel impératif catégorique ? L'urgence climatique s'est en tout cas invitée dans les campagnes électorales française et européenne. Le « pacte écologique » s'est imposé comme une utopie réaliste plébiscitée par les citoyens et courtisée par les politiciens. Mais ce souci du monde vient de plus loin. De Jean-Jacques Rousseau à Hans Jonas, de Michel Serres à Edgar Morin, la conscience planétaire de la fragilité de la biosphère s'est peu à peu imposée. De René Dumont à Al Gore, du commandant Cousteau à Nicolas Hulot, la volonté de sauver la planète se fait aujourd'hui plus prégnante. Edgar Morin annonçait, dès 1972, « l'an I de l'ère écologique » et invitait, en 1983, à la solidarité avec la communauté de destin terrestre au sein de Terre-Patrie (avec Anne-Brigitte Kern, Seuil).
Edgar Morin : Très jeune, j'ai été sensible aux Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau. J'adorais la mer, la montagne et longtemps je n'ai pu écrire que devant une fenêtre ouverte sur les paysages toscans. J'ai un besoin de nature ancré au plus profond de mon être. Mais c'est en Californie, en 1969-1970, que des amis scientifiques de l'université de Berkeley m'ont éveillé à la conscience écologique. En 1972, j'intitule une communication « L'An I de l'ère écologique », persuadé qu'un nouvel âge devait s'ouvrir face à la dévastation de la biosphère. Depuis, de l'assèchement de la mer d'Aral à la pollution du lac Baïkal, des pluies acides à la catastrophe de Tchernobyl, de la contamination des nappes phréatiques au trou dans la couche d'ozone dans l'Antarctique, le mouvement écologique a pris son essor et une première prise de conscience a suscité de grandes conférences internationales, comme celles de Stockholm (1972), Rio (1992) ou Kyoto (1997) qui n'ont malheureusement pas pu créer d'instances contraignantes. Le point d'orgue de cette série de dévastations est sans aucun doute le réchauffement climatique, vraisemblablement lié à nos activités techno-économiques, comme en témoignent aussi bien l'ouragan Katrina que l'automne clément que nous avons vécu en Europe. Il a fallu du temps pour que cette conscience progresse.
E. M : La pensée occidentale ne sait opérer que par disjonction ou par réduction. Descartes, qui voulait que l'homme soit « comme maître et possesseur de la nature », opère la disjonction entre la science et la philosophie, ce qui aboutira à cette séparation entre le monde des humanités et celui de la technique. Après avoir mis Dieu au chômage technologique, l'homme s'est octroyé le droit de dominer la nature. Cette prétention s'est effondrée récemment. D'une part, parce que cette volonté de maîtriser le vivant se retourne contre nous ; d'autre part, parce que la Terre nous apparaît comme une minuscule planète d'un système solaire lui-même périphérique dans un cosmos gigantesque. Il faut dire aussi que le christianisme, qui nous a façonnés, est une religion ouverte sur l'humain avec ces valeurs cardinales que sont la charité et l'amour, mais fermée à la nature et au monde animal. À l'opposé, le bouddhisme immerge l'humain dans le cycle des reproductions du monde vivant. La compassion du Bouddha s'adresse à toutes les souffrances. Nous sommes donc également marqués par l'empreinte chrétienne de notre civilisation qui ignore notre relation ombilicale à la nature. Il n'est possible de nous affranchir de cette lourde charge à la fois religieuse et techniciste que par une réforme de notre mode de pensée.
( photo : Edgard Morin, Patrick Viveret et Joêl de Rosnay)
E. M : Comme l'illustre la raréfaction des énergies fossiles, c'est l'idéologie du « toujours plus » que nous devons combattre. Il faut montrer que la limitation de la circulation automobile dans les centres historiques des grandes villes les ré-humanise. Nous aspirons obscurément à fuir la vie du métro-boulot-dodo qui obéit à la logique déterministe, chronométrique, hyper-spécialisée de la machine artificielle de nos usines et bureaux. Experts et « éconocrates », nous nous traitons comme des machines triviales, alors que la part non triviale en nous, celle du vouloir-vivre, aimer, nous réaliser, échappe à cette logique. Le pacte écologique n'a de sens qu'à condition d'être complété par un pacte politique. Pour ne pas aller dans le mur, nous avons besoin d'une politique que j'ai appelée « politique de l'homme ».
E.M : Comment ressusciter l'espérance ? Au coeur de la désespérance même. Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se désintègre ou se métamorphose. L'espérance est dans la convergence de ces courants qui parfois s'ignorent, tels le commerce équitable, l'économie solidaire, la réforme de vie. De partout, les solidarités s'éveillent. Des associations se créent pour sauver une rivière, repeupler un village, réinventer localement la politique. Ça bouillonne. Sous les structures sclérosées, il y a dans notre pays un formidable vouloir-vivre. Il n'y a pas de solution prête à l'avance, mais il y a une voie.
E. M. : Il faut prendre conscience de l'urgence de devenir citoyens de la Terre. La notion de « développement », même sous sa forme adoucie et vaselinée de « durable » contient encore ce noyau aveugle techno-économique pour qui tout progrès humain découle des croissances matérielles. Il importe de refonder cette notion de développement, dont l'application partout dans le monde détruit les solidarités traditionnelles, fait déferler la corruption et l'égocentrisme. Il faut que la notion de développement se métamorphose en celle d'épanouissement.
E. M : Croire que le Nord n'apporte que des bienfaits et des bonnes solutions est une erreur. La primauté du calcul dans la civilisation du Nord rend aveugle à la qualité même de la vie. Le Sud conserve des vertus de convivialité, d'art de vivre, de communauté et de solidarité que le Nord a évacuées. Il faut concilier toutes ces vérités.
E. M. : Chaque culture a ses vertus et ses superstitions. Il en est ainsi de la nôtre dont je suis loin de méconnaître les vertus, mais dont je dois reconnaître les illusions et les carences. C'est pourquoi je crois à une symbiose des civilisations. Les sagesses africaine, indienne, amérindienne doivent se mêler à nos Lumières, éclairantes mais aussi tellement aveuglantes. Nous devons cesser de nous considérer comme les maîtres pour devenir des partenaires dans le « grand rendez-vous du donner et du recevoir » dont rêvait Léopold Sédar Senghor.
Anne Tesson
Ecologie au Quotidien
DIE, Rhône-Alpes, France
le Chastel 26150 DIE
Tel : 04 75 21 00 56
Courriel :
ecologieauquotidien@gmail.com
Site : http://ecologieauquotidien.blogspot.com/

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