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vendredi 17 février 2012

Les populismes, dérives des démocraties...


Le populisme, dérive de la démocratie ?
Synonyme de démagogie, le mot est devenu une invective politique. Ses contours sont pourtant rarement définis. Entre critique et réhabilitation, réflexions sur un phénomène planétaire qui séduit à droite (Front National) comme à gauche (Front de Gauche). Une notion récupérée par les extrêmes alors que le populisme de gauche ne ressemble pas à celui de droite, insiste Vincent Tiberj. La tentation populiste
La campagne présidentielle s'écoule comme un fleuve au débit rapide, chaque jour apporte son lot de  réactions et de polémiques.
Un ensemble de faits récents semblent montrer un basculement des électeurs vers une forme de populisme mariant la droite et la gauche de l'échiquier politique qui pourrait si l'on ni prend garde devenir majoritaire en France.
Depuis plusieurs semaines J.L Mélenchon et Marine le Pen font assaut de propositions simples voir simplistes compréhensibles par le plus grand nombre et très  populaires.
Malheureusement ces propositions  séduisantes ne sont crédibles ni économiquement, ni politiquement et ne leurrent que ceux qui s'obstinent à ne pas voir la réalité en face, oubliant ou ignorant que la politique est l'art du possible.
Les propos volontairement provocateurs du ministre de l'intérieur concernant l'inégalité des civilisations et l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy proposant dans un interview au Fig Mag deux referendums, l'un portant sur les droits des chômeurs et le second sur la restriction des droits des candidats à l'immigration alimentent et renforcent ce climat dit "anti-système" et" anti-élites".Le recours aux referendums  sur des sujets ou la démagogie alimente la décision du citoyen angoissé et perdu n'est pas la bonne approche pour ces sujets complexes.
On voit se dessiner ainsi une mouvance populiste   allant de Le Pen Sarkozy à Mélenchon et qui représente peu ou prou 50% du corps électoral selon les sondages (10% front de gauche, 20% fn,20% ump); cela est préoccupant et dangereux pour la République, l'histoire  récente a montré que parfois ces forces ont fait alliance pour nous emmener vers des aventures politiques ou le parlement était soit absent soit réduit à l'impuissance.
Si l'histoire ne repasse pas les plats elle peut bégayer, la crise économique actuelle est à beaucoup d'égards peut différente des crises que nous avons connu entre la première et la seconde guerre mondiale. Il nous faut être vigilant car ces forces actuellement distribuées a droite et à gauche pourraient à l'occasion de l'aggravation de la crise économique  faire alliance et nous entraîner vers une version nouvelle du despotisme, forme politique naturelle toute prête à ressurgir. C'est une malsaine opposition, il faut défendre le pluralisme. AI
Défendons le pluralisme !
Il est aujourd'hui communément admis que le populisme progresse partout en Occident. Sa principale mouture américaine est le Tea Party ; en Europe, on trouve en France le Front national – qui, d'après certains sondages, pourrait bien être présent au second tour de l'élection présidentielle, en Italie la Lega Nord d'Umberto Bossi et, ailleurs, différents partis qui, dans leurs appellations, se réclament de concepts d'apparence libérale tels que "liberté" et "progrès". La plus connue et probablement la plus puissante de ces formations est le Parti de la liberté de Geert Wilder, violemment hostile à l'islam, et du bon plaisir duquel dépend la survie de la coalition au pouvoir aux Pays-Bas. Le spécialiste bulgare en science politique Ivan Krastev – qui est à l'heure actuelle l'un des observateurs les plus pertinents des démocraties occidentales – a été jusqu'à qualifier notre époque d'"Ere du populisme".
Mais qu'est-ce au juste que le populisme ? Beaucoup d'entre nous pensent être en mesure de le reconnaître d'emblée : xénophobie plus ou moins ouverte, revendication d'une baisse des impôts, appel aux peurs ouvrières et petites-bourgeoises du déclassement social et ressentiment à l'égard des élites urbaines et cosmopolites traditionnelles semblent constituer les traits marquants des partis et des discours populistes. Pouvons-nous cependant nous accommoder d'une telle énumération quand le populisme, dans certains contextes historiques au moins – notamment aux Etats-Unis –, a également été associé à des politiques progressistes ? Et comment qualifier ces politiciens qui reprennent certains points mentionnés dans notre liste, mais qui font à l'évidence partie de la classe politique traditionnelle ? Dans quelle mesure, s'ils le sont, Tony Blair ou Nicolas Sarkozy sont-ils populistes ? Aurions-nous souhaité qu'Obama adopte une position plus populiste en défendant, selon une formule qui relève parfois du cliché, "Main Street contre Wall Street" ? La professeur d'Harvard Elizabeth Warren incarne-t-elle, comme semblent le penser certains commentateurs, l'ultime espoir d'un "populisme authentique" ?
Malgré tous les débats en cours sur le populisme, il n'est pas du tout évident que nous sachions de quoi nous parlons en la matière. Nous ne disposons tout simplement de rien qui ressemble à une théorie du populisme, ni même de critères cohérents pour pouvoir affirmer que tel ou tel acteur politique a effectivement versé dans le populisme. Tout politicien – en particulier dans les démocraties obnubilées par les sondages – affirme vouloir en appeler au "peuple" ; tous veulent avoir un discours qui soit compréhensible par le plus de gens possible ; tous veulent apparaître sensibles à ce que les "gens ordinaires" pensent et surtout à ce qu'ils ressentent ; tous veulent marquer des points dans l'opinion en pointant du doigt les menaces, tant intérieures qu'extérieures, perçues par le public ; et la plupart d'entre eux, la plupart du temps, préfèrent également des impôts moins lourds. Alors, qu'est-ce qui rend tel ou tel politicien particulièrement populiste ?
Si nous ne disposons toujours pas d'une théorie du populisme, ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé. Au cours des dernières années, ce sont les penseurs de gauche qui ont fait le plus d'efforts pour mieux appréhender le phénomène – réhabilitant même au passage certains de ses aspects. Le philosophe argentin Ernesto Laclau, le théoricien du populisme le plus subtil de la période récente, soutient que le populisme vise à établir une "hégémonie culturelle" : les dirigeants et mouvements populistes concentrent leur action sur une exigence (comme la baisse des impôts) à laquelle un grand nombre de gens peuvent s'identifier - jusque-là rien d'étonnant – mais cette demande concentre de nombreuses autres exigences que le système tel qu'il est ne satisferait pas. Un combat devient donc l'équivalent de nombreux autres.
Laclau s'est attiré les critiques de certains de ses camarades de gauche qui lui objectent que le populisme s'emploie toujours à fabriquer des ennemis et est même "proto-fasciste". Affirmant cependant que toute politique s'emploie à créer des identités populaires au travers du conflit, Laclau entend surmonter les habituelles définitions péjoratives du populisme et faire comprendre à la gauche que "la construction d'un peuple est la principale tâche d'une politique radicale". (Selon cette logique, Martin Luther King et le mouvement des droits civiques sont également populistes.) Si elle est originale, cette théorie élargit tellement (de manière consciente et délibérée) la signification du populisme que le terme perd toute valeur analytique pour la compréhension des phénomènes "populistes" dont, pour le meilleur ou pour le pire, de nombreux observateurs estiment qu'ils ne s'expliquent pas seulement par la nature du combat politique en général.
Un populiste serait-il simplement un politicien qui réussit mais que l'on n'apprécie pas ? L'accusation de "populisme" serait-elle elle-même populiste ? Je dirais que le populisme ne renvoie pas tant à une base sociale particulière (comme les classes moyennes inférieures ou ce que les Français désignent sous le terme de classes populaires) qu'à une forme d'imaginaire politique. C'est une façon de voir le monde politique qui oppose un peuple totalement unifié – mais parfaitement fictif – à de petites minorités qui sont exclues du peuple authentique. Un des traits caractéristiques du populisme – un trait structurel, indépendant de tout contexte politique national particulier ou de telle ou telle question politique – est qu'il décèle une "coalition malsaine" entre une élite qui n'appartient pas vraiment au peuple et des groupes marginaux qui n'y ont pas non plus tout à fait leur place. On trouve des exemples classiques de cette situation avec les élites de gauche et les minorités raciales aux Etats-Unis, les élites socialistes et des groupes ethniques tels que les Roms en Europe centrale et orientale, ou avec les "communistes" (selon Berlusconi) et les immigrés clandestins en Italie. La controverse au sujet de l'acte de naissance d'Obama a rendu presque ridiculement évidente cette logique du ressentiment à l'égard de l'étranger.
Ce que, nécessairement, le populisme nie, c'est le pluralisme des sociétés contemporaines : dans l'imagination populiste, il n'y a que le peuple légitime d'une part, et de l'autre ceux qui s'introduisent illégitimement, d'en haut et d'en bas, dans notre politique. Selon la Weltanschauung populiste, il n'existe pas d'opposition légitime – laquelle constitue, au fond, l'un des traits essentiels de la démocratie libérale, comprise comme une forme de conflit entre factions concurrentes dans les limites d'un consensus sous-jacent sur la légitimité du désaccord démocratique.
Ce désir irréalisable d'unité – ainsi que le déni du désaccord et des divisions légitimes – révèle une affinité surprenante entre l'imagination politique populiste et le totalitarisme tel qu'il fut théorisé par des membres de la gauche française d'après-guerre comme Claude Lefort et Cornelius Castoriadis dans les années 1970 et 1980. Ces penseurs, tous ardents socialistes et démocrates, affirmaient que le totalitarisme n'est pas un régime qui exerce un pouvoir total sur ses sujets – aucun régime n'en serait capable sauf à enfermer toute sa population dans des camps –, mais qui traduit la vision d'une société (ou d'un peuple) complètement unifiée, littéralement incarnée dans un leader comme Hitler ou Staline.
Cela signifie-t-il que le Tea Party ou Geert Wilders nous ramèneront au Goulag ? Non. S'il existe une forte proximité entre l'imaginaire politique du populisme et celui du totalitarisme, leurs objectifs politiques et leurs méthodes ne sont pas équivalents. Mais cette proximité n'est pas insignifiante. Le contraire du populisme n'est pas l'élitisme, mais le pluralisme, et le populisme est par (ma) définition non libéral. Et cela a des implications sur la façon dont les partis et mouvements de gauche devraient réfléchir au populisme.
La gauche doit-elle se mobiliser contre les élites irresponsables (que Krastev qualifie de "offshore") et les politiques néolibérales ? Doit-elle articuler une vision de la société que tous les citoyens soient à même de partager ? Bien entendu – mais en avançant des arguments politiques et en faisant des propositions, pas en s'appuyant sur un imaginaire populiste. Penser que les libéraux ne peuvent vaincre qu'en jouant la partition populiste est une sorte de défaitisme qui a d'ores et déjà coûté très cher à un certain nombre de partis européens appartenant tant à la gauche modérée qu'à la droite modérée. Ils ne pourront jamais être aussi populistes que les populistes eux-mêmes, mais ils ne pourront pas aisément faire machine arrière une fois qu'ils auront adopté un discours selon lequel, par exemple, "le multiculturalisme a échoué" (Angela Merkel et David Cameron), "les emplois britanniques sont pour les travailleurs britanniques" (Gordon Brown) ou "on doit livrer un combat contre les réfugiés" (Flüchtlingsbekämpfung – ce terme utilisé par Merkel évoque la notion de "désinsectisation" et a choqué de nombreux observateurs politiques en Allemagne).
Le populisme n'est pas, comme on l'affirme parfois, le correctif nécessaire à l'élitisme dans les démocraties matures. Il n'en découle pas que toute critique à l'égard des puissants (et toute mobilisation politique contre eux) implique des exclusions antilibérales. Mais il n'y a aucune raison de s'en tenir à l'étiquette "populisme" pour décrire une telle critique quand ce terme se trouve désormais associé à des politiques antilibérales et à des conceptions politiques simplistes (même si aux Etats-Unis il peut évoquer des souvenirs émus chez les progressistes dotés d'une bonne mémoire). Le populisme, dans l'acception que nous avons définie, est toujours pernicieux. Il doit être pris au sérieux. Mais il n'y a aucune raison de l'imiter.
Traduit de l'anglais par Gilles Berton
Jan-Werner Mueller, professeur de théorie politique à l'Université de Princeton (Etats-Unis)

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