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lundi 6 mai 2013

L' avidité détruira notre civilisation...



Le Brésil prépare l’Amazonie à la mine
Les 170 peuples de l’Amazonie restent menacés par toutes sortes d’agressions extérieures. Mais le pire pourrait venir : l’ouverture de la forêt aux multinationales.
 Passionné. Le mot est faible pour décrire Silvio Cavuscens. C’est cette flamme qui permet à ce Suisse d’affronter les longues journées de pirogue qu’il entreprend plusieurs fois par année pour épauler les indigènes yanomami de l’Amazonie. Ce jeune homme de 58 ans, qui vit au Brésil depuis presque quarante ans, coordonne le Service de coopération avec le peuple yanomami (Secoya). Une ONG qui aide les autochtones à renforcer leur capacité organisationnelle, mène un lobby en leur faveur auprès des institutions brésiliennes, et se charge d’un programme de scolarisation bilingue sur le terrain, co-financé par Terre des Hommes Suisse.
Depuis Manaus où il réside, Silvio Cavuscens dénonce aujourd’hui le projet de l’Etat brésilien d’ouvrir les territoires indiens à l’exploitation minière et appelle à une coopération internationale renouvelée pour protéger l’Amazonie.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles les autochtones de l’Amazonie font face aujourd’hui? On parle beaucoup des 400000 chercheurs d’or, de forestiers et d’agriculteurs qui envahissent leurs territoires, mais aussi des barrages construits par le gouvernement...
Silvio Cavuscens: Le problème principal se situe au niveau des politiques publiques qui favorisent tous ces types d’invasions, notamment parce qu’elles ne respectent ni les traités internationaux, ni les lois brésiliennes de protection des droits indigènes. Récemment encore, l’Organisation internationale du travail (OIT) a condamné le Brésil pour ne pas avoir consulté les indigènes affectés par la construction du barrage de Belo Monte, qui va entraîner l’inondation de territoires et le déplacement de milliers de personnes.

On assiste aussi à une dilution de la question indigène au sein des différents ministères. Il est ainsi chaque fois plus difficile pour les autochtones de situer leurs interlocuteurs et présenter leurs revendications.
Plus préoccupante encore est l’apparition de différents projets de loi qui reviennent à saper peu à peu les droits indigènes garantis par la Constitution. A commencer par le projet de législation sur l’extraction minière qui vise à ouvrir tous les territoires indiens aux entreprises et aux multinationales étrangères. Des milliers de demandes d’exploitation ont déjà été déposées. 54% du territoire yanomami est déjà quadrillé de projets d’exploitation de minerais. Un lobby formé des dix-neuf plus grandes firmes minières mondiales exerce une pression constante sur les autorités brésiliennes. Cela représente actuellement le plus grand danger pour les Indiens d’Amazonie.
Une autre loi en discussion menace le processus de délimitation des terres en faveur des indigènes. Aujourd’hui, c’est le gouvernement brésilien, à travers la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), qui accomplit cette tâche. Or, le Congrès veut se saisir de cette responsabilité. C’est grave quand on sait que le Congrès est dominé par les conservateurs et les grands propriétaires terriens, soutenus par les agro-industriels et les sectes religieuses, lesquelles y sont aussi bien représentées.
La présidence du pays est en revanche détenue par le Parti des travailleurs (PT). Quelle a été l’attitude de Dilma Rousseff, qui a succédé à Luiz Inácio Lula Da Silva le 1er janvier 2011, sur la question indigène?
Sous la présidence de Dilma, très peu de terres indigènes ont été démarquées en leur faveur si l’on compare à la période de Lula et à celle de son prédécesseur Fernando Enrique Cardoso.
Dilma n’a jamais reçu aucun représentant du mouvement indien. Il existe une plateforme de dialogue entre des représentants du gouvernement et les dirigeants autochtones. Mais ces deniers viennent de s’en retirer car ils n’obtiennent aucune réponse à leurs revendications. Le bilan n’est pas glorieux.
Ce gouvernement n’est pas celui du PT. Lula avait du passer de larges alliances. Aujourd’hui, il s’agit d’un gouvernement néolibéral, pour qui les questions indigènes et environnementales ne sont pas prioritaires.
Les plus grands territoires indiens du Brésil ont été reconnus durant ces vingt dernières années. Que reste-t-il à faire en la matière?
Oui, tant les terres des Yanomami que celles des peuples du Rio Negro ou des vallées du Javari et du Xingu ont été démarquées. Malheureusement, beaucoup de petits territoires ne l’ont pas été. On y trouve des situations très tendues, des conflits, des invasions, et aucune volonté politique de les résoudre. Les peuples qui les habitent sont plus petits et disposent de moins de force politique et de moins de visibilité. Ils ont davantage de difficultés à faire entendre leurs voix.
Sous Lula, il y a eu un decrescendo de l’attention qui leur était portée. Phénomène qui s’est encore accentué sous Dilma. Ceci en raison des pressions économiques et du Programme d’accélération de la croissance (PAC), adopté par le Parlement pendant le deuxième mandat de Lula. Ce plan prévoit la construction de grandes infrastructures et l’adoption de conditions favorables à une exploitation beaucoup plus systématique des ressources naturelles, surtout en Amazonie. Cela s’articule en coordination avec les autres pays de la région pour encourager les exportations à travers l’Initiative d’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA).
On s’aperçoit que le lobby des grandes entreprises au Congrès est extrêmement fort et que les mouvements indigènes et leurs alliés ont beaucoup moins de poids.
Pendant ce temps, les indigènes n’ont souvent pas les moyens de bien vivre sur les terres qu’ils ont conquises...
En effet, les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles en raison de la politique du gouvernement, qui bâcle l’assistance de santé, ne fournit pas une éducation de qualité dans les villages et ne favorise pas le développement durable.
La priorité est centrée sur les programmes d’assistance et de transfert de ressources, tel que le Bolsa família (Bourse famille), Brasil Carinho (Brésil affectueux), qui ne s’attaquent pas aux causes de la pauvreté, mais répondent à des objectifs électoraux. Cette situation favorise un processus d’exode rural provocant une augmentation significative de la présence indigène dans les villes amazoniennes avec tous les problèmes que cela implique.
Le Brésil semble peu sensible aux pressions internationales en faveur des droits humains. Pour quelles raisons?
Le Brésil dispose d’une reconnaissance internationale pour son processus démocratique et pour son ouverture. Il est aujourd’hui la sixième puissance économique mondiale. Les ONG ou l’OIT peuvent bien s’époumoner pour dénoncer le manque de considération pour les indigènes, l’Etat ne s’en préoccupe guère.
Comment la société civile internationale pourrait-elle adapter ses stratégies face à cette indifférence de l’Etat brésilien?
En réalité, la période actuelle coïncide avec un retrait partiel de la coopération internationale au Brésil, qui est de plus en plus considéré comme un pays capable de subvenir à ses propres besoins. Dans ce contexte, bon nombre d’organisations locales, comme la nôtre, ont d’énormes difficultés à réaliser leurs programmes en faveur des droits des peuples autochtones en raison du manque de moyens. Il y a pourtant besoin, plus que jamais, de renforcer le mouvement indien et les mouvements sociaux amazoniens pour qu’ils puissent se former et se préparer aux nouveaux défis qui les attendent.
Christophe Koessler

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