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vendredi 10 mai 2013

La Société Civile garante de morale politique...



L'ouverture du monde politique à la société civile moralisera la vie publique
En focalisant le débat sur la moralisation, sur la publication du patrimoine des élus, on ne résout pas le problème et on se détourne des vrais sujets. La publication du patrimoine des élus - à laquelle, en ce qui me concerne, je me suis astreinte depuis 2002, ainsi qu'à la publication de l'utilisation des fonds publics que je touche du Parlement européen depuis 2009 - n'est qu'une petite partie du sujet. En réalité, la vraie question est celle du contrôle des déclarations, de l'évolution du patrimoine pendant la période de détention du mandat et, après, de l'évolution du patrimoine des proches.
En revanche, se focaliser uniquement sur le caractère public avec l'espèce de strip-tease auquel se livrent certains - qui pendant des années ont refusé de faire spontanément cette démarche - a quelque chose d'absurde et de malsain. Un politique âgé qui a hérité ou qui est venu à la politique après une vie d'activité dispose donc d'un patrimoine, et n'est pas a priori moins honnête qu'un jeune fonctionnaire qui entre en politique.
De plus, compte tenu du rapport que nos concitoyens entretiennent avec l'argent, une telle focalisation va encore réduire le champ de ceux qui, ayant réussi, entreront dans la sphère politique, qu'ils viennent de l'économie ou des professions libérales.
ESPRIT GÉNÉRAL DE DÉONTOLOGIE
Aussi cette mesure de publication ne devrait venir qu'en complément du contrôle d'ensemble et d'un esprit général de déontologie. Celui-ci pourrait commencer par l'application des règles de droit commun aux élus, la fiscalisation des frais non justifiés et la suppression de la réserve parlementaire, qui est un outil de clientélisme caractérisé.
Le contrôle des patrimoines n'est qu'une mesure d'accompagnement, car les vrais sujets sont le financement des partis politiques et des campagnes électorales d'une part, les trafics d'influence, conflits d'intérêts qui cachent la corruption d'autre part, souvent en rapport avec le sujet précédent. Quant à la question centrale de la fraude fiscale, elle n'est pas propre au monde politique, mais doit s'appliquer évidemment à lui.
S'agissant du financement des campagnes électorales et des partis politiques, le sujet est tabou, mais il est au coeur de la polémique et de la maladie de notre démocratie. Le vote des lois sur le financement public était destiné à éviter les dérives que nous avions connues avec le financement occulte, les emplois fictifs, les mallettes, les commissions, style pont de l'île de Ré.
Depuis, le contribuable paye pour les partis politiques parce que la démocratie a un coût. Mais la contrepartie devait précisément être la transparence. Les élus de l'UMP ont refusé voici deux ans de répondre aux demandes de la Commission sur la transparence de la vie financière pour combler les trous dans la législation.
Or, aujourd'hui, non seulement les affaires politico-financières continuent, et elles sont potentiellement gravissimes (Karachi, Libye), mais elles se heurtent à la course d'obstacles mis volontairement en place pour assurer l'impunité.
"TRÉSORS DE GUERRE"
Sur ce sujet, force est de constater qu'aucun des protagonistes n'ouvre la boîte de Pandore. Il est évident que rien ne sera réglé tant que le financement des partis et des campagnes électorales n'est pas revu. La limitation du plafond de dépenses devrait être beaucoup plus bas et les moyens d'investigation et de contrôle de la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne systématisés. Ainsi, l'intérêt de constituer des "trésors de guerre" sera-t-il réduit.
De plus, il est inadmissible que des partis politiques bénéficiaires de malversations ou ayant couvert des élus auteurs d'infractions financières bénéficient des subventions publiques qui sont précisément destinées à financer, dans la probité, les partis ; une mesure de cet ordre serait très dissuasive, alors même que la quasi-totalité des formations politiques ont eu des comportements répréhensibles ou les ont couverts et en ont profité.
Dans le même temps, c'est le trafic d'influence et les conflits d'intérêts qui sont les plus dangereux, car non seulement ils sont l'antichambre de la corruption active, mais de plus ils conduisent à de mauvaises solutions sur le plan de l'intérêt général. Dans le domaine des armes, dans celui de l'énergie, les commissions occultes sont la règle et les rétrocommissions fréquentes.
Sauf que la justice ne parvient pas au bout des procédures engagées, d'où l'impunité de fait dont jouissent les bénéficiaires. Le scandale absolu ayant été les rétrocommissions dans l'affaire des frégates de Taïwan, qui a coûté au contribuable plus de 500 millions d'euros.
Mais le plus grave est sans nul doute à mettre sur le compte des trafics d'influence dans les domaines sanitaire et alimentaire. Les autorisations de mise sur le marché de médicaments inutiles, voire dangereux, les autorisations données à des produits toxiques et maintenues contre vents et marées, l'absence de mesures prises pour lutter contre les mélanges des genres dans les organes d'expertise publics constituent autant d'éléments aux conséquences sanitaires et financières inacceptables - le coût pour la Sécurité sociale est immense.
LE RAPPORT SAUVÉ
Or, force est de constater que les décisions contraires à l'intérêt général trouvent certes leur origine dans les lobbies, mais aussi dans les oreilles complaisantes des responsables politiques qui les écoutent. Voilà pourquoi il est indispensable de faire en sorte que les conflits d'intérêts et les trafics d'influence soient prohibés par des mesures concrètes.
Les associations de lutte contre la corruption les ont identifiées depuis longtemps et une grande partie d'entre elles figuraient dans le rapport Sauvé (Commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique), jamais mis en oeuvre. Le président de la République a annoncé des mesures fortes pour lutter contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, qui sont d'autant plus crédibles que l'évolution européenne et l'exemple américain les rendent possibles. Mais tout dépendra de la réalité des mesures votées et des moyens mis en oeuvre. Dans tous les cas, l'absence d'annonces sur les sujets qui précèdent rend partiels les remèdes mis en oeuvre.
Tant que le monde politique s'autorégulera et que la société civile restera à l'écart - cet écart ne pouvant que s'élargir avec la professionnalisation accrue de la politique et l'abandon aux seuls fonctionnaires de la possibilité effective de faire de la politique -, le problème majeur de la confiance, mais aussi du fossé entre société politique et société civile, restera entier.
Corinne Lepage (Députée européenne Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, présidente de CAP21)

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