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lundi 12 décembre 2011

La rumeur : maladie sociale...

La rumeur qui tue
Il y a dix jours, à Brest, un retraité sans histoire est mort après avoir été interpellé par la police parce qu’il était soupçonné de pédophilie. L’homme de soixante-cinq ans, sous curatelle mais sans antécédent judiciaire, a été menotté et placé dans une voiture de police où il a fait une crise cardiaque fatale.
La terrible méprise avait commencé le 18novembre dernier: à la sortie de l’école maternelle, une fillette de trois ans avait échappé à l’attention de sa mère; le retraité l’avait alors prise par la main pour la ramener devant l’établissement. Une mère d’élève, voyant la scène et jugeant l’allure du sexagénaire plutôt négligée, lui avait arraché la fillette des mains pour la rendre à sa mère. La rumeur du «pervers sexuel» était née et, quelques jours plus tard, la police était appelée pour arrêter le suspect bloqué dans la cage d’escalier de son immeuble par une quinzaine de parents d’élèves. Dénoncé à tort, il est mort pour rien…
Tragique concours de circonstances, peut-être. Mais que dire lorsqu’on apprend que, durant la même période, dans les Landes, un handicapé sous le coup d’une enquête judiciaire pour possession de «photos pédophiles» et dont le signalement avait été distribué par un gendarme a été molesté et menacé de mort par un père de famille avant tout jugement? Et que, dans le Morbihan, un automobiliste qui avait proposé à un enfant de neuf ans de le ramener chez lui en voiture a déclenché une véritable psychose avec distribution de tracts adressés aux parents d’élèves et faisant état d’enlèvements d’enfants? Une telle série relève-t-elle encore d’un pur hasard?
Il faut, je crois, nous interroger sur ce qui nous rend si peu capables de résister aux rumeurs. Et nous souvenir que les époques de crise «fixent» l’attention de la population sur certaines «brebis galeuses»: les Juifs, les Noirs, les immigrés, les homosexuels… Aujourd’hui, la surexposition politico-médiatique fait de la pédophilie LE crime sans rémission, celui qui soulève le plus d’indignation dans la population et, du coup, nous met en état de succomber aux dérives les plus dangereuses.
Ce n’est pas par hasard que Fritz Lang réalise M le Maudit en 1931, à la veille de la montée du nazisme. Ce film raconte l’histoire d’un assassin de fillettes qui incarne le monstre absolu et mobilise une ville entière contre lui. Enfin arrêté après une traque infernale, il clame son incapacité à comprendre et à maîtriser ce qui le pousse à tuer. Mais l’intérêt du film ne repose pas seulement sur la complexité de son personnage principal incarné par un Peter Lorre exceptionnel. Sa plus grande partie est en effet consacrée aux réactions sociales qu’engendre la présence de ce meurtrier, des réactions provoquées par une peur savamment entretenue pour provoquer une double chasse à l’homme: le monde de la pègre se lance en effet dans une course contre la police pour être le premier à éliminer le coupable, discréditer ainsi les représentants de la loi et se poser en seule force capable de ramener l’ordre dans Berlin.
A peine arrivé aux Etats-Unis, Lang secoue Hollywood par son film Fury (1936): Joe Wilson (Spencer Tracy), en route pour épouser sa fiancée qui vit dans une autre ville, se fait arrêter durant son trajet, soupçonné d’être l’un des auteurs du kidnapping d’une jeune fille qui a mis toute la région en émoi. La nuit tombée, la foule en délire met le feu à la prison – les préoccupations électoralistes du gouverneur le retiennent d’envoyer la Garde nationale! – et Joe est cru mort. La seconde partie du film montre comment il décide de «faire le mort» pour que ceux qui ont mis le feu à la prison soient jugés et punis pour homicide…
Par ces films, Fritz Lang dénonce la façon dont la démocratie et sa justice sont, en période de crise, particulièrement menacées par la stimulation de pulsions qui poussent tout un chacun au lynchage d’innocents.
Serge Lachat, Cinéphile.

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