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mercredi 7 décembre 2011

Renforcer une Europe sociale....

Il faut absolument renforcer l'Europe sociale
C'est peu dire que les citoyens de l'Union européenne sont cruellement déçus par l'Europe économique à laquelle les instances de l'Union ont pourtant consacré l'essentiel de leur volonté et de leur énergie. Le marché unique devait enclencher une dynamique favorable à la croissance économique et à l'emploi et la mise en place de la monnaie unique devait mettre les pays de la zone euro à l'abri de crises financières éventuelles !
En outre, contrairement à ce que laissait supposer l'article 117 du Traité de Rome,l'automaticité du lien entre progrès économique et progrès social est loin d'être évidente. Si cela a été le cas pendant les fameuses "trente glorieuses", au cours desquelles ces deux composantes du progrès se sont mutuellement renforcées, ça l'est de beaucoup moins depuis une trentaine d'années. En effet, sous les pressions de la mondialisation de l'économie et de la concurrence internationale, les politiques sociales tendent de plus en plus à être considérées comme des poids et des handicaps économiques. L'économie est le domaine des priorités et des urgences, tandis que le social est celui des coûts et des contraintes. Ainsi l'Union européenne s'est-elle dotée d'un marché unique et d'une union monétaire qui sont régis par des règles strictes, alors que les politiques sociales n'ont donné lieu, pour l'essentiel, qu'à des dispositions très générales et peu contraignantes.
Et voici maintenant que la crise économique prend les politiques sociales en tenailles. D'une part elle les rend plus nécessaires du fait de l'ampleur du chômage, de la précarité de l'emploi et de la pauvreté et, d'autre part, elle affaiblit le rendement des impôts et des cotisations qui permettent de les financer. D'où la tentation, à laquelle les pays succombent volontiers, d'opérer des coupes dans leurs dépenses sociales, y compris dans les dépenses d'assurance-maladie obligatoire à un moment où de plus en plus de personnes sont contraintes de renoncer à des soins médicaux pour des raisons financières. Cela devrait conduire l'Union européenne à vouloir se racheter de ses erreurs politiques et économiques, qui ont largement contribué à la situation actuelle, en s'engageant dans une voie plus volontaire dans le domaine social ; à l'instar des Etats-Unis que la crise économique des années 1930 a incités à se doter d'un système de sécurité-sociale dans les domaines de l'assurance-vieillesse et de l'assurance-chômage.
Pour cela, il faudrait d'abord que les instances et dirigeants de l'Union abandonnent un peu la langue de bois de l'économie pour accorder plus de place aux valeurs des droits sociaux de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union : respect de la dignité humaine, justice sociale, solidarité, égalité des chances, pour les principales. L'affirmation de ces valeurs est plus nécessaire que jamais, mais le problème est que leur respect a un coût financier qui, du fait qu'il est largement couvert par des prélèvements obligatoires, est souvent présenté comme excessif. Cela tient au fait qu'au lieu d'être considérés pour ce qu'ils sont vraiment, c'est-à-dire des achats collectifs de services publics et des instruments de financement des prestations sociales, ces prélèvements sont souvent analysés et présentés uniquement sous l'angle des ponctions qu'ils opèrent.
Ils sont donc généralement très impopulaires, ce qui explique que, depuis longtemps, les pouvoirs publics de la plupart des pays de l'Union européenne aient préféré laisser se creuser les déficits publics plutôt que d'aligner les impôts et cotisations sociales sur l'évolution de leurs dépenses publiques. Or les prélèvements obligatoires sont une source importante d'économies de dépenses privées et l'instrument majeur de la solidarité. Pour éviter la régression sociale et renforcer l'Europe sociale il est donc impératif que la légitimité de ces prélèvements soit défendue, ce que les instances européennes et les "sommets" de chefs d' Etats et de gouvernements ne font jamais !
La crise économique actuelle devrait être l'occasion pour l'Union de se doter d'un socle commun de droits sociaux minimaux universels, indépendants du travail car celui-ci n'est pas garanti. Ce socle pourrait comporter au moins les trois éléments suivants :
des soins médicaux de base, c'est-à-dire un "panier de soins" gratuit et défini au niveau de l'Union ;
un revenu minimum européen conçu comme un droit à un niveau de vie minimal. Son montant serait déterminé dans chaque Etat, mais selon un mode de calcul commun qui pourrait être défini par rapport au seuil de pauvreté, au salaire moyen ou au PIB par habitant ;
une pension de vieillesse minimale qui serait soumise simplement à des conditions de résidence et dont le montant serait forfaitaire et défini, lui aussi, par rapport au seuil de pauvreté ou au PIB par habitant.
La mise en en œuvre d'un tel socle serait progressive et impliquerait de recourir à la solidarité entre Etats membres pour que les plus riches aident les moins avancés à appliquer ces dispositions, ce qui nécessiterait une augmentation des moyens du budget de l'Union et pourrait justifier la création d'un impôt européen.
Une telle orientation peut paraître irréaliste dans la conjoncture actuelle, mais si la crise pouvait inciter l'Union européenne à s'engager dans cette voie et à faire preuve d'autant de volonté dans le domaine du respect des droits sociaux de l'homme que dans celui de l'économie, elle serait loin de n'avoir que des incidences négatives. Et en plus, cette perspective répondrait vraiment aux aspirations des citoyens de l'Union. En effet, selon un sondage Eurobaromètre, réalisé en 2006, à la question "Parmi les éléments suivants, quels sont les deux qui renforceraient le plus votre sentiment d'être un citoyen européen", la réponse qui est arrivée nettement en tête était "Un système européen de protection sociale" ; avant une Constitution européenne ou un président de l'Union directement élu par les citoyens des Etats-membres !
Alain et Chantal Euzéby, professeurs émérites de sciences économiques à l'Institut d'études politiques et à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble

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