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lundi 7 novembre 2011

Indignons nous...


Indignation, de quoi es-tu le nom ?
Indignation, j'écris ton nom. Sur les murs de la Puerta del Sol de Madrid ou de la place Syntagma à Athènes, le mot fait liesse, le concept fait florès, la scansion fait promesse.
Et sur les étagères des libraires, Indignez-vous ! de Stéphane Hessel poursuit son énorme succès populaire. Aujourd'hui, en effet, toute protestation - contre un tyran terroriste ou contre des mesures budgétaires rigoristes - prend la forme de l'indignation. Mais de quoi l'indignation est-elle réellement le nom ?
D'après le philosophe Baruch Spinoza (1632-1677), c'est "la haine que nous éprouvons pour celui qui fait du mal à un être semblable à nous". Selon la revue Multitudes, qui ouvre son dernier numéro sur le phénomène des "indignés", il s'agit donc d'un sentiment profondément politique. Car si notre époque est caractérisée par l'indignation, c'est parce que les citoyens ne cessent d'observer dans la rue ou derrière leur écran de télévision les conditions indignes imposées à nombre de leurs contemporains. Comme le rappelle un texte du philosophe spinoziste Alexandre Matheron que la revue a opportunément inséré dans son dossier : "On comprend comment, sous un régime tyrannique, la crainte commune peut se changer en indignation et aboutir au renversement de l'oppresseur".
Mais la crainte ne suffit pas. Et la haine est souvent mauvaise conseillère. Elle risquerait même de n'être, toujours selon Spinoza, rien d'autre que de la "tristesse accompagnée de sa cause extérieure". Pour que l'indignation se transforme en insurrection, pour que le sentiment échappe au ressentiment, il convient de briser la solitude et l'isolement. En un mot, de n'être plus seul face au tyran.
Ainsi l'indignation est-elle un "affect politique", assurent Yves Citton, Anne Querrien et Victor Secretan dans leur éditorial engagé et enjoué. Mais aussi une posture morale : "La colère, écrivait Victor Hugo, peut être folle ou absurde ; on peut être irrité à tort ; on n'est indigné au fond que lorsqu'on a raison par quelque côté. Jean Valjean se sentait indigné." Comme tous les "mutins et luttants" du moment, poursuivent les rédacteurs de Multitudes. Qu'ils soient baptisés "indignés" ou non, leur contestation sous forme d'occupation s'étend bien au-delà des rives de la Méditerranée. Du mouvement Y'en a marre ! au Sénégal notamment porté par les rappeurs Thiat et Sidy Cissokho à celui du 15 mai en Espagne rallié au chant des Républicains espagnols de 1936, No nos moveran ("Ils ne nous feront pas bouger!"), les insurgés de notre monde globalisé prennent bien garde à ne pas être récupérés.
Crainte du leader, méfiance à l'égard des chefs et partis institués : les "indignés" veillent au renouvellement des postes à responsabilité, évitent de réaliser en pratique ce qu'ils dénoncent en théorie. Revenu minimum d'existence, élimination des privilèges, amélioration des services publics, régulation des institutions financières, leurs revendications sont débattues en assemblées générales impromptues ou en chats sur la blogosphère. Empathique et parfois emphatique, la revue Multitudes explique que les "indignés" font émerger "un populisme non fascisant", un populisme émancipateur qui ne clive pas la collectivité entre "eux" et"nous", les amis et les ennemis, les inclus et les exclus, les autochtones et les étrangers, les "travailleurs qui se lèvent tôt" et les "assistés". Ainsi ces nouveaux"mutins" seraient également des "mutants" : non plus des déçus du salariat mais des "indignés" du "précariat" qui caractérisent nos sociétés touchées de plein fouet par la peur du déclassement.
Nicolas Truong
Multitudes nº 46
Revue trimestrielle, automne 2011, éditions Amsterdam,
235 pages, 15 euros



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