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mercredi 24 juillet 2013

La prétention de s' occuper des pauvres...



« CE QUI EST FAIT POUR MOI SANS MOI EST FAIT CONTRE MOI » Nelson MANDELA
Les bonnes intentions ne suffisent pas pour faire de bonnes politiques sociales. Associer les citoyens aux décisions qui les concernent importe d’autant plus qu’irrémédiables seront les dégâts résultant de l’application d’une loi inadaptée ou de l’exercice impossible d’un droit pour ceux qui devraient en bénéficier.
La MRIE, structure originale propre à Rhône-Alpes, a pour fonction de produire de la connaissance sur la pauvreté et l’exclusion sociale en associant les personnes concernées, de faciliter la rencontre entre personnes en difficulté et institutions, d’être un lieu de connexion entre les différents acteurs.
Nous devons beaucoup au mouvement ATD Quart-Monde, aux universités populaires, et à de nombreuses initiatives, locales ou non, de réflexion partagée avec ceux qui connaissent la précarité. Dans cet acharnement à construire un chemin de libération sur la parole construite collectivement à partir des personnes les plus pauvres, il y a la conviction que «ce qui est fait pour moi sans moi est fait contre moi» et il n’est pas aujourd’hui d’association même caritative qui ne considère essentiel de «faire avec » les personnes et non pas «pour elles ».
Si l’on considère l’effet des politiques qui concernent les plus pauvres, il apparaît trop souvent qu’elles se retournent contre eux faute d’avoir été pensées et conçues avec eux. Le non-recours est un effet ou un symptôme de politiques pensées sans les personnes concernées.
Quand les pauvres sont jugés par les non pauvres à l’aune de leurs propres repères, ils sont toujours perçus comme déficients, incapables, et
les stratégies déployées pour les sortir de la pauvreté ne font souvent que les y enfoncer.
Quand on pense le bien des personnes sans elles, on est d’autant plus tenté de penser les personnes comme des individus à sauver, non pas comme des personnes en lien avec d’autres. On a d’autant plus tendance à considérer leurs liens comme des éléments nuisibles dont il faudrait les extraire pour leur bien. Penser avec les personnes concernées, c’est donc souvent en premier lieu entendre de leur part qu’elles sont inscrites dans des liens qui les construisent, et mesurer l’importance de prendre appui sur cette réalité pour inventer des réponses aux problèmes auxquels nous sommes confrontés ensemble car il n’y a pas d’un côté des personnes qui ont des problèmes et de l’autre, des techniciens qui auraient ou devraient imaginer des solutions.
La pauvreté est un problème auquel nous sommes confrontés ensemble, et ce n’est qu’ensemble, avec les personnes concernées que nous pourrons trouver le moyen de le résoudre. Ce changement de perspective est essentiel pour sortir de l’impasse des politiques publiques en la matière, d’autant plus que nous sommes dans une période de disette budgétaire et que nous devrons faire mieux sans moyens supplémentaires alors que la pauvreté augmente.
Penser la pauvreté comme le problème des pauvres est une partie du problème, c’est implicitement penser la responsabilité de la pauvreté du côté des pauvres. C’est à la fois évacuer notre responsabilité collective et
engager nos institutions dans une impasse en leur assignant la responsabilité de produire des solutions. Les tentatives de participation qui ne renoncent pas à ce schéma épuisent et découragent ceux qu’elles associent. C’est paradoxalement au moment où la Conférence Nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du mois de décembre a associé aux groupes de travail préparatoires des personnes en situation de pauvreté, qu’a été votée la suppression des allocations familiales pour les familles dont les enfants sont placés, au mépris de l’avis unanime de toutes les associations engagées avec les familles les plus pauvres
L’OBSERVATION SOCIALE : UNE QUESTION CENTRALE ET RÉVÉLATRICE
C’est pourquoi la question de l’observation sociale est centrale et révélatrice. Si elle est essentiellement conçue en termes statistiques, les pauvres resteront les objets d’un comptage et donc la cible de dispositifs conçus pour eux sans eux.
On cherchera peut - être à mieux les attraper, on s’inquiètera du non- recours mais on n’en comprendra pas les ressorts. Le développement d’une observation sociale partagée qui permette de comprendre les processus d’exclusion est la condition d’un changement de paradigme dans la conception des politiques de lutte contre la pauvreté. C’est pourquoi le projet initial de la MRIE n’était certainement pas de se «pencher » sur les pauvres, mais de les considérer comme des partenaires dans une production de connaissance.
Il faut évoquer ici le rapport Wresinski au Conseil Economique et Social (CES) en 1987 et citer le Président de la section des Affaires sociales du CES. au moment du rapport: «
La vertu majeure de la tâche accomplie pour le CES par le rapporteur Joseph Wresinski a été d’amener à concevoir un programme d’ensemble qui nous permette, enfin, de sortir des actions ponctuelles à l’efficacité éphémère, et des « programmes d’urgence » ne comportant aucune garantie de pérennité.
Mais, en tant que président de la section des Affaires Sociales, je voudrais tout d’abord rendre hommage au rapporteur pour son intelligence des réalités de la grande pauvreté et sa force de conviction».
L’évolution des politiques publiques à l’égard de la participation dans les années 80 peut être lue comme la convergence entre une prise de distance avec un modèle assistanciel et la reconnaissance progressive d’une «expertise d’usage » des citoyens, de leur capacité à contribuer à des décisions justes et adaptées en les associant à la réflexion avec des professionnels ou des élus. Sur le plan législatif ou réglementaire, cette évolution s’est traduite par une inscription de plus en plus systématique de la participation dans le cadre des politiques publiques.
Mais on perçoit la difficulté que pose la conception de la participation des personnes concernées à la mise en œuvre de politiques qui ont été conçues pour elles sans elles. Or déjà cette forme de participation peut se heurter à des freins du côté d’une culture institutionnelle construite sur une représentation du public comme porteur de problèmes auxquels il incombe à l’institution d’apporter des solutions. Cette dissymétrie fondatrice d’une posture professionnelle face à des personnes «fragiles», dissymétrie qui fonde la légitimité de l’institution à définir ce qui est bon pour elles, est contestée par l’exigence de la participation dans la mise en œuvre des politiques publiques. Mais ce faisant elle impose aux professionnels de retrouver une nouvelle posture, de perdre du pouvoir, de le partager. Cela peut être très insécurisant pour eux, crainte renforcée par les dérives où l’usager deviendrait le client-roi d’une institution sommée de faire droit à ses exigences.
PENSER LES POLITIQUES PUBLIQUES ENSEMBLE
La question du partage du pouvoir ouvre alors sur la participation au niveau de la définition des politiques et pas seulement de leur mise en œuvre. Cette voie a été développée il y a quelques années par la MRIE sous l’appellation «connaître avec pour agir ensemble» qui est fondamentalement la démarche construite et développée par ATD Quart-
Monde sous le titre de croisement des savoirs.
Le premier postulat de cette démarche est que la connaissance, le savoir ne sont pas seulement du côté des professionnels ou des experts mais que les personnes qui vivent la pauvreté sont détenteurs d’un savoir dont l’ignorance est très préjudiciable à la définition et à la conduite des politiques publiques.
La démarche de croisement des savoirs est fondamentalement une dynamique collective. C’est ensemble en dépassant l’horizon immédiat de sa situation personnelle qu’on élabore une pensée. La juste place des plus pauvres n’est pas d’apporter leur témoignage individuel mais de contribuer par leur connaissance à la conception des politiques publiques. Cela suppose de permettre les conditions de construction d’une connaissance à partir de leur expérience et donc de soutenir le développement de démarches collectives impliquant des personnes en situation de grande pauvreté. Ce soutien passe par une animation spécifique, avec des compétences pour ça. Pour conduire honnêtement ce type de démarche en respectant les personnes que l’on y engage, il faut que les politiques se donnent du temps et pensent à long terme. Ce n’est pas le moindre des paradoxes aujourd’hui où la conjonction d’une action politique à courte vue et de contraintes budgétaires inédites tend à écarter les démarches de long terme dans les choix de financement. Pour s’attaquer sérieusement à la question de l’exclusion, il faudra bien y revenir.
Contact: Bruno LACHNITT, Directeur de la MRIE
- 141 500 personnes étaient sans domicile en France métropolitaine début 2012, soit une progression de près de 50% depuis 2001.
Source : Insee Première, n°1455 -juillet 2013

1 commentaire:

  1. Oui, c'est intéressant, cela participe de l'émancipation citoyenne ; mais il ne faudrait pas non plus oublier de redistribuer les richesses plus équitablement en amont afin d'enrayer l'appauvrissement et l'enrichissement disproportionnés.

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