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lundi 29 juillet 2013

Un autre aménagement du territoire...



« Contre la crise, une véritable politique territoriale »
Lettre ouverte envoyée le 31 Mai 2013 au Président de la République, M. François Hollande, et aux membres du gouvernement concernés par les questions territoriales.
Monsieur le Président,
Je m'adresse à vous en tant que citoyen, soucieux de l'avenir de son pays et de la planète. Cependant, il ne vous échappera pas que les sujets que je vais aborder dans cette lettre entrent pour la plupart dans mes domaines de compétence, l'architecture et l'urbanisme. Je m'adresserai donc aussi à vous en tant que professionnel de l'aménagement de l'espace, avec le souci d'être compréhensible par tous.
Monsieur le Président, la France est en danger. Son plus grand danger n'est pas de subir une crise économique, ou une attaque extérieure. Non c'est le territoire Français qui, si certaines pratiques se perpétuent, va finir écartelé, ravagé, exsangue.
Les surfaces agricoles, un problème urbain.
D'abord un chiffre : selon une étude Agreste Primeur, publiée par le Ministère de l'Environnement en 2009, tous les sept ans, la France « artificialise » (routes, constructions, etc.) l'équivalent d'un département Français.
Actuellement, près de 9% du territoire est artificialisé. Cette artificialisation touche principalement des terres agricoles, réduisant d'autant la capacité agricole de la France. C'est un enjeu majeur à l'heure où l'agriculture bio, plus extensive, a besoin de terres pour se développer, alors même que le stock mondial de céréales ne fait que baisser d'années en années, à cause d'une demande de plus en plus forte.
C'est aussi la preuve qu'il y a un lien direct entre urbanisme et capacité de production agricole.
La source de cette occupation endémique des sols ?
Un urbanisme déréglé, des permis d'aménager et de lotir accordés à tout va par des collectivités locales soit par manque d'information sur les répercussions, concurrence stupide entre communes limitrophes, ou par corruption pure et simple.
Pour enrayer ce phénomène, il ne suffit pas de créer des commissions statuant au cas par cas, il faut que les instances régionales et préfectorales soient associées aux décisions de constructibilité, permis d'aménager, de lotir, de construire,, sur la base d'un schéma de cohérence territoriale prenant en compte cette problématique.
Il faut maintenir la surface cultivable à un niveau constant, quitte à rendre certains terrains à l'agriculture pour pouvoir construire sur d'autres, plus pertinents. Pour ne citer qu'une solution parmi d'autres, il est aujourd'hui possible de cultiver sur les innombrables toitures des entrepôts commerciaux.
Vous le voyez, Monsieur le Président, les problèmes sont nombreux, mais les solutions à portée de main le sont aussi. Seulement, il faut agir vite.
Une tête trop grosse sur un corps malingre
Le gouvernement précédent avait lancé une consultation sur l'avenir de Paris et sa couronne, qu'il a nommé « Le Grand Paris ».
Congestionné, divisé, inégalitaire, ce « Grand Paris » méritait bien qu'on se penche de manière globale sur son cas. On s'est malgré tout fourvoyé dès le départ en fixant comme échelle d'étude l'île-de-France, sans réaliser que le phénomène Parisien trouvait ses sources et propageait ses effets sur tout le territoire Français.
Le résultat de cette vision tronquée a été de proposer toujours plus de transports publics, augmentant mécaniquement l'attractivité des communes de la lointaine couronne Parisienne. Ce type de mesure ne fait que repousser l'horizon de la paralysie.
Depuis que Paris a été choisie par les rois, autrefois nomades, comme lieu de résidence principale, la France n'a cessé de se centraliser. Dès les années 70-80, on a pris conscience des effets néfastes de cette centralisation excessive. Une « décentralisation » a été amorcée, faisant peser toujours plus de compétences sur les régions et les départements, générant ainsi l'inverse de ce qu'on souhaitait obtenir : un renforcement de l'Île-de-France et un déclassement des régions moins fortes économiquement.
Le résultat de cette politique est que plus encore qu'avant, pour « exister », il faut être à Paris, et nulle part ailleurs.
Mêmes effets pervers du côté des voies ferrées : on crée des lignes qui mettent Paris à moins d'une heure des villes moyennes alentours, dans le but d'y attirer plus d'habitants. Le résultat est une concentration toujours plus forte des emplois à Paris, dotée cette fois de villes-dortoirs supplémentaires.
Les effets pervers de cette politique sont innombrables : congestion, loyers trop élevés, pollution, bruit, perte de temps dans les transports pour les habitants, sans parler du coût pour la santé.
Pour sauver Paris de la congestion, une seule solution : ignorer Paris.
Afin de permettre aux villes secondaires (Marseille, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Nantes) de se développer, il faut tout d'abord les relier entre elles de manière efficace et rapide, et assurer des liaisons tout aussi rapides avec leurs voisines européennes. Ainsi, on ne tardera pas à voir se développer une culture urbaine et des emplois de pointe équivalents à ceux qu'on trouve en Région Parisienne.
L'autre moyen de décongestionner Paris, est de geler les autorisations de création de surfaces de bureaux, notamment à La Défense, dont le développement sature déjà les lignes de transport transversales. A cette limitation, il faut associer de véritables projets d'accueil d'entreprises dans d'autres villes majeures, en lien avec la création des liaisons ferrées rapides déjà évoquée. Ces projets ne peuvent se passer de l'intervention de l'Etat.
Un recours à la voiture, indispensable ?
Pour de nombreux concitoyens, l'essence ne coûte pas plus cher parce qu'elle a augmenté (entre 1970 et aujourd'hui, le revenu médian a plus augmenté que l'essence), mais parce que les distances parcourues quotidiennement ont augmenté. Pourquoi ? Tout simplement à cause de ce développement urbain anarchique et distendu qu'on constate dans de nombreuses communes rurales : zonage séparant les résidences des commerces, prolifération de lotissements pavillonnaires, concentration des lieux de travail, aménagements de giratoires et de bretelles d'autoroutes pour absorber ce trafic, réseaux en cul-de-sac, etc.
Ce mode d'occupation des sols est donc non seulement nuisible à l'agriculture mais coûte aussi de plus en plus cher en essence à nos concitoyens. Pire, il tend à s'auto-alimenter, en générant des besoins de routes plus larges pour drainer le trafic, route qui prennent d'autant plus de place ! Il est temps d'en sortir, et vite !
Cependant, alors que les logements sont construits, habités, on ne peut raser 30 ans d'urbanisation d'un trait de plume.
Il faut alors inventer de nouveaux dispositifs et éliminer les obstacles (souvent virtuels) à la mixité urbaine.
Les zones commerciales doivent être désenclavées et accueillir des opérations de logement. Les zones pavillonnaires doivent être réaménagées de manière à permettre l'implantation de locaux professionnels et commerciaux. Il faut que, dans chaque commune rurale, on puisse disposer d'un lieu de travail connecté, de salles de réunion, de bureaux dignes de ce nom permettant de travailler à proximité de son domicile.
D'un point de vue agricole et alimentaire, il est aussi loisible de mettre en place des chartes agricoles qui garantissent une production locale variée, pour une clientèle locale, sur des marchés répartis dans les différentes communes rurales. Je pense que l'échelle du département est correcte pour mettre en place ce type de plan.
Au moyen d'une carte analytique, nous pourrions en évidence les zones situées à plus de 10 minutes de marche ou de vélo des commerces, emplois, et mettre en place des solutions d'équilibre et de proximité. L'aménagement efficace est celui qui demande le moins de déplacements mécanisés. Il est donc logique que les transports, individuels et collectifs, arrivent en bout de la chaîne des solutions, et non au début, comme cela se fait actuellement.
Voilà, Monsieur le Président, la véritable voie à laquelle je crois pour sortir notre pays de la crise :
En devenant un pays modèle dans l'aménagement de son territoire.
Les mesures à prendre sont certes plus complexes que de simples ajustements fiscaux, et demandent une coordination étroite entre les ministères, mais recevront certainement un accueil bien plus chaleureux, et ne coûtent rien à l'Etat.
Les bénéfices à attendre de telles mesures vont bien au-delà de la protection de notre environnement et de notre alimentation. Ils répondent à de nombreux objectifs annoncés lors de votre campagne, Monsieur le Président, notamment :
- maîtrise réelle des loyers, par la répartition de la pression immobilière
- amélioration de la santé, et donc réduction du déficit de la sécurité sociale
- baisse du chômage, par une meilleure répartition des emplois
- amélioration de la sécurité par la mixité : une présence constante de la population, qu'elle vive, qu'elle travaille ou qu'elle fasse ses achats.
Qu'attendez-vous, Monsieur le Président, pour mettre en œuvre une véritable politique territoriale ?
Qu'attendez-vous, Monsieur le Président, pour mettre en place, non plus seulement des ministères sectoriels, mais aussi des missions transversales, qui puissent donner de la cohérence à des mesures qui touchent, comme vous pouvez le constater, de nombreux secteurs ?
Je vous prie d'agréer, Monsieur le président de la République, l'expression de ma très haute considération.
Martin Lucas, Architecte DPLG
 

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