Une étude norvégienne double l'estimation des rejets de césium 137 et juge que les rejets radioactifs ont débuté avant l'arrivée du tsunami. L'IRSN, pour sa part, revoit à la hausse les rejets en mer et recommande de contrôler les produits de la mer.
Selon des chercheurs américains et européens, la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi aurait relâché plus du double de césium 137 par rapport à l'estimation officielle réalisée par les autorités japonaises. Cette étude estime que les rejets de césium radioactif seraient équivalents à 42 % des rejets associés à Tchernobyl (Ukraine) en 1986.
L'étude, conduite par le Norwegian Institute for Air Research et regroupant les travaux de chercheurs américains et européens, est actuellement en cours de validation par les pairs sur le site de la revue scientifique Atmospheric Chemistry and Physics. Elle se base sur les relevés des stations de surveillance de la radioactivité réparties autour de la Terre.
Doublement de l'estimation des rejets de césium
Les scientifiques évaluent les rejets de césium 137 à 35.800 térabecquerels, soit 3,5x1016 becquerels (Bq).En juin, l'Agence japonaise de sûreté nucléaire et industrielle (Nisa) évaluait à 1,5x1016 Bq : 1,2x1016 Bq lors de la première semaine de la catastrophe (du 11 au 18 mars 2011) et 0,3x1016 Bq pour les semaines suivantes.
Les émissions de césium 137 ont été les plus élevées du 12 au 19 mars, atteignant un pic les 14 et 15 mars. "La chute soudaine enregistrée [ensuite] correspond au début de l'aspersion de la piscine du réacteur 4 contenant du combustible usé", indique le rapport, confirmant que "les radiations ne provenaient pas uniquement des cœurs endommagés des réacteurs, mais aussi de [cette] piscine". Il juge par ailleurs que l'aspersion a été une "mesure efficace" dans la lutte contre la dispersion des matières radioactives.
9 % du césium seraient retombés au Japon, le solde ayant été transporté par les vents au-dessus de l'océan Pacifique, selon les scientifiques. Avec une demi-vie de 30 ans, le césium 137 rendrait certaines zones du Japon inhabitables pour plusieurs décennies.
Le réacteur 1 couvert
Depuis le 27 juin, Tepco construit une "couverture" en PVC, d'une hauteur de 54 m et de largeurs allant de 42 à 47 m selon les côtés, recouvrant le réacteur 1 afin de confiner les rejets de particules radioactives.
Les photos publiées par Tepco le 14 octobre (voir ci-contre) montrent que la construction de la structure métallique et l'installation des membranes imperméables en PVC sont quasiment achevées.
Les photos publiées par Tepco le 14 octobre (voir ci-contre) montrent que la construction de la structure métallique et l'installation des membranes imperméables en PVC sont quasiment achevées.
Le tsunami ne serait pas seul en cause
Le rapport indique par ailleurs que les émissions de xénon133 sont de l'ordre de 16,7x1018 Bq. Il s'agit du plus important rejet jamais enregistré, représentant 2,5 fois les rejets de ce gaz noble associés à la catastrophe ukrainienne.
Cependant, avec une demi-vie de 5,2 jours, et étant donné qu'il "n'est ni ingéré ni retenu lors de l'inhalation", le gaz n'entraîne pas de risque sanitaire du même ordre que le césium 133. Par contre, la prise en compte des rejets de xénon 133, "constatés immédiatement après le séisme", sont"importants pour la compréhension de l'accident" estiment les chercheurs.
En effet, pour les auteurs de l'étude, la détection du xénon 133 immédiatement après le séisme prouve que la centrale japonaise aurait rejeté des éléments radioactifs avant que le tsunami ne l'atteigne. "Cette apparition précoce des émissions est intéressante et pourrait indiquer que les réacteurs ont subi des dommages structurels du fait du séisme", analyse l'étude.
Vers une révision de l'évaluation officielle ?
Interrogé par Bloomberg, Tadashige Koitabashi, un porte-parole de la NISA, a refusé de commenter l'étude, ajoutant que l'Agence reste convaincue que le tremblement de terre n'a pas causé de dommages significatifs aux installations de la centrale. Selon la Nisa, la catastrophe est due au seul tsunami qui a causé une perte de l'alimentation électrique et de la source froide entraînant la fusion partielle des cœurs.
Yasuo Kosaku, un officiel de la Nisa, juge néanmoins que "l'estimation de juin pourrait nécessiter une révision". Le gouvernement avait déjà annoncé une telle révision en août.
Maintenir la surveillance des espèces marines
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a pour sa part mis à jour son évaluation de la contamination radioactive du milieu marin. Les résultats "montrent la persistance d'une contamination des espèces marines (poissons principalement) pêchées sur les côtes de la préfecture de Fukushima, justifiant la poursuite de la surveillance des espèces marines prélevées dans les eaux côtières de Fukushima", indique l'institut français.
"Le déversement direct d'eaux contaminées depuis la centrale, qui a duré environ jusqu'au 8 avril, et dans une moindre mesure, les retombées dans l'océan d'une partie des radionucléides rejetés dans l'atmosphère entre le 12 et le 22 mars" ont entraîné "une forte contamination radioactive du milieu marin".
L'IRSN revoit à la hausse les rejets en mer
Concrètement, les rejets de césium 137 sont aujourd'hui évalués à 27x1015 Bq, la majorité (82 %, soit un peu plus de 22x1015 Bq) ayant été rejetée avant le 8 avril. A l'occasion de la précédente évaluation, publiée le 11 juillet, l'IRSN indiquait que les rejets de césium 137 causés par le déversement d'eau en mer était de l'ordre de 9,5x1014, auxquels il convenait d'ajouter 6,4x1014 Bq de retombées aériennes ainsi qu'une quantité non évaluée emportée par le lessivage par les eaux de pluie des sols contaminés. Des chiffres qui paraissent bien inférieurs à la nouvelle estimation.
"Ce rejet radioactif en mer représente le plus important apport ponctuel de radionucléides artificiels pour le milieu marin jamais observé", constate l'IRSN, estimant néanmoins que "la localisation du site de Fukushima a permis une dispersion des radionucléides exceptionnelle (…) qui a éloigné les eaux contaminées vers le large". Reste que les spécialistes français jugent qu'"une pollution significative de l'eau de mer sur le littoral proche de la centrale accidentée pourrait persister dans le temps". En cause : des apports continus de substances radioactives transportées vers la mer par le ruissellement des eaux de surface, des conditions de dilution ou de sédimentation pour certaines zones moins favorables que celles étudiées par l'Institut et la présence éventuelle d'autres radionucléides persistants, comme le strontium 90 ou le plutonium.
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