Comment nourrir 9 milliards d’humains sans détruire la planète ?
La démographie sera assurément l’un des enjeux majeurs de notre siècle. Alors qu’un milliard d’êtres humains souffrent déjà de malnutrition, la population mondiale ne cesse de croître, pour atteindre sept milliards à la fin octobre, et plus de neuf milliards d’ici 2050. Dans le même temps, l’agriculture, qui ne parvient plus à nourrir toutes ces bouches, pollue toujours plus la planète, en dégradant les sols, les nappes phréatiques, la biodiversité et en rejetant 20 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales.
- Alors, comment concilier population grandissante et préservation de l’environnement et du climat ? C’est à cette question cruciale qu’a tenté de répondre une équipe internationale de chercheurs, canadiens, américains, suédois et allemands. En compilant de nombreux rapports scientifiques, des informations sur les cultures, des statistiques agricoles et des images satellites du monde entier, ils ont été capables de créer de nouveaux modèles agricoles permettant de doubler la production alimentaire mondiale tout en réduisant les impacts environnementaux de l'agriculture.
"C'est la première fois qu'un tel éventail de données a été rassemblé au cours d'une même recherche. En nous attaquant à l’ensemble des facettes du problème, nous avons fait émerger des tendances claires et trouvé plus facilement des solutions concrètes", explique Navin Ramankutty, professeur de géographie à l'université McGill et l’un des responsables de cette étude publiée mercredi 12 octobre dans la revue scientifique Nature.
L’équipe a ainsi élaboré un plan en cinq points pour nourrir une population affamée sans détruire une planète menacée :
1/ Améliorer les rendements agricoles. Beaucoup de régions agricoles, particulièrement en Afrique, en Amérique latine et en Europe de l'Est, n'atteignent pas le maximum de leur potentiel en matière de récoltes. En choisissant mieux les variétés de cultures, résistantes et adaptées à l’écosystème local, en formant les paysans, en adoptant une meilleure gestion et en investissant dans des équipements plus performants, la production alimentaire actuelle pourrait être augmentée de 60 %.
2/ Optimiser les apports aux cultures. Selon les chercheurs, l'utilisation actuelle de l'eau, de nutriments et de produits chimiques est rarement juste : il y en a trop dans certains endroits et trop peu dans d'autres. Il s'agit donc de l'optimiser en fonction des différents écosystèmes de la planète.
3/ Privilégier la consommation humaine directe. Les cultures destinées à nourrir le bétail ou à produire des agrocarburants, tout aussi productives qu’elles soient, sont autant de nourriture dont les hommes ne bénéficieront pas. Ainsi, selon la FAO, les pâturages couvrent actuellement 3,38 milliards d'hectares (26 % des terres de la planète, sans compter les pôles) tandis que les cultures occupent 1,53 milliard d'hectares (12 %). Par ailleurs, un tiers des terres arables est consacré à l'alimentation du bétail et 60 % des céréales produites dans le monde sont consommées par les animaux.
Consacrer la majorité des terres arables à la production de nourriture directe pour l’être humain (céréales, fruits et légumes, légumineuses) augmenterait la quantité de calories produites par personne de 50 %, assurent les chercheurs. Ce qui implique de réduire considérablement notre consommation de viande.
Le premier graphique montre les calories disponibles par hectare si toutes les cultures étaient directement consommées par les humains ; le second graphique indique les calories réellement disponibles en fonction de la répartition des cultures entre l'alimentation humaine, la nourriture du bétail et la production d'agrocarburants.
4/ Réduire le gaspillage. Selon la FAO, entre 30 et 60 % de la nourriture produite par l’agriculture finit jetée, décomposée ou mangée par les parasites, quand elle n'est pas perdue lors du transport ou du stockage. L’élimination des pertes au cours des différentes étapes de la ferme à l'assiette permettrait d’augmenter d'en moyenne 50 % la nourriture disponible à la consommation, sans accroître la surface de cultures.
5/ Enrayer l'expansion des terres agricoles aux dépens des forêts, en particulier tropicales. La solution réside notamment dans les incitations financières à préserver les arbres, comme le mécanisme REDD, qui redonne de la valeur à la forêt, ou encore l’écotourisme et la certification.
Une dernière solution, qui n'est pas abordée dans l'étude, résiderait dans la constitution de réserves alimentaires d'urgence, mais aussi sur le long terme, afin de stopper la volatilité des prix des denrées alimentaires.
Pour en savoir plus : un ensemble de graphiques réalisés par l'équipe de chercheurs.
Audrey Garric
Photo : AFP PHOTO/NARINDER NANU
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