On peut analyser le résultat de la primaire socialiste en constatant que ce pays est conservateur. Une fois de plus, la femme est éliminée du jeu, et le duel de 2012 devrait se présenter comme un traditionnel match de mecs, entre le dur vulgaire et l'accommodant réaliste.
La vision du monde de François Hollande ne brille pas non plus par sa nouveauté. Le candidat intronisé reste structuré par l'idéologie productiviste qui l'a formé à l'ENA dans les années 1970. Depuis, il n'a guère changé d'idées - non plus d'ailleurs que celles de son parti : durant son règne comme premier secrétaire de ce mouvement, de 1997 à 2008, il en aura endormi la capacité réflexive, se concentrant sur sa capacité à gagner des élections locales. Mais une machine électorale ne fait pas une vision du monde.
Le discours que M. Hollande a consacré à l'environnement, le 27 août, était paradoxalement consacré à la croissance. De la dégradation écologique de la planète et du pays, il ne fut pas question. Toute politique était déclinée en termes de "levier pour la croissance". Le clou de la péroraison était cet aphorisme alambiqué : "Sans croissance, pas de perspective écologique, parce que c'est la condition, l'écologie, pour avoir davantage de croissance." De ce galimatias émerge une idée : la question écologique est seconde par rapport à l'augmentation du produit intérieur brut (PIB).
Rappelons la contradiction dans laquelle sont englués les croissancistes. Ils postulent une corrélation entre croissance économique et emploi. Mais ladite corrélation est anéantie par le progrès constant de la productivité du travail. Ce progrès conditionne le simple maintien du niveau d'emploi à une augmentation forte de la production. Or celle-ci requiert, malgré une meilleure efficacité technique, davantage d'eau, d'énergie, de sols et de matériaux, ce qui entraîne un dégât écologique croissant. Il faut donc changer de paradigme.
Une voie pour le faire est de changer les indicateurs de santé économique. Les politiciens - dont M. Hollande - l'évoquent certes, mais sans oser détrôner le fétiche qu'est l'augmentation du PIB, un indicateur qui ne dit rien de l'emploi, du bien-être, de l'environnement ou de la justice.
Rêvons, puisque M. Hollande veut nous faire rêver. Rêvons que le parti principal de la gauche ne se liera pas les mains dans une vaine course à la croissance. Rêvons qu'il se distingue de ses principaux adversaires.
Hervé Kempf
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