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dimanche 23 octobre 2011

nucléaire : l' heure des comptes....


Nucléaire : l’heure des comptes
La crise financière, qui secoue la planète, semble bien éloignée du doute nucléaire qui s’est installé dans le monde. Et pourtant, ici comme là, on explique que grâce à des stress-tests on pourra distinguer les centrales sûres des dangereuses, comme on a différencié les banques saines des malsaines. La dette publique, accumulée par les démocraties depuis cinquante ans, était une réponse laxiste au financement des déficits budgétaires. Certes, on savait qu’il faudrait la rembourser un jour, mais pourquoi l’imposer aux contribuables - qui sont aussi des électeurs - alors qu’il était si simple de tabler sur une forte croissance économique qui rembourserait la dette grâce aux excédents budgétaires ? Si simple aussi de laisser filer la dette : fardeau laissé aux générations futures.
De même, le recours à l’énergie nucléaire était une réponse intelligente à la dépendance énergétique, durement éprouvée lors de l’embargo pétrolier de 1973 et à l’envolée des coûts qui s’ensuivit ; avant que, dans les années 2000, le réchauffement climatique perçu comme une menace majeure pour les générations futures ne rende plus attractive l’énergie nucléaire qui n’émet presque pas de gaz à effets de serre quand elle produit de l’électricité. Mais d’emblée la gestion est à court terme, le long terme sacrifié. Les coûts de fonctionnement - retraitement des déchets, opérations de maintenance - ont été sciemment minimisés en France pour que le prix du kilowattheure d’origine nucléaire soit compétitif. Plus grave, car irresponsable au regard des générations à venir, est le refus de budgéter correctement les coûts futurs inhérents à la décision de développer l’énergie nucléaire. A savoir, le démantèlement des dix-neuf centrales et d’une centaine d’installations nucléaires de base, et le stockage des déchets. Dans un rapport de 2005, la Cour des comptes avait estimé le coût du démantèlement à 23,5 milliards d’euros. Somme sans doute insuffisante au vu de l’interminable démantèlement de la centrale de Brennilis, dont le coût final sera de 480 millions d’euros au lieu des 20 millions prévus en 1979 ! Quant au stockage des déchets, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avait, en 2005, estimé le projet de stockage profond à Bure à 15 milliards d’euros ; avant que le chiffre de 35 milliards ne soit évoqué si l’option de la réversibilité était retenue. Des coûts plus élevés que prévu qu’une «sortie du nucléaire» rendrait exigibles rapidement.
Le succès de l’énergie nucléaire en 2009 était tel que cinquante pays en développement avaient manifesté leur intention de se doter d’un premier réacteur et que les agences de prévisions évoquaient l’installation de plus de 400 réacteurs d’ici à 203, pour un montant de 1 000 milliards de dollars (746 milliards d’euros).
Or, voici que se produisent deux coups de tonnerre dans le ciel jusque-là sans nuages de la finance et du nucléaire. En 2007, la crise des subprimes aux Etats-Unis, de convulsions en sursauts, déclenche l’explosion systémique de la finance mondiale. Le 11 mars 2011 au Japon, l’accident de Fukushima fait passer le nucléaire du dogme au doute. Le nucléaire est désormais fragilisé. Il serait vain de le nier, aventureux de s’en féliciter, salutaire d’ouvrir un débat sur un choix qui remonte aux années 70. Faut-il faire comme si de rien n’était et traiter les stress-tests comme de simples opérations de com concédées à l’opinion ? Faut-il au contraire jeter le nucléaire aux orties, suivant en cela l’exemple des Allemands qui, eux, s’y sont préparés depuis plus de dix ans ? Ou bien convient-il de mettre la sûreté au premier plan des variables à prendre en compte, réaliser un audit croisé (peer review) des centrales en fonctionnement et fermer celles qui sont vétustes et/ou situées dans des zones sismiques ou inondables ? La diffusion des réacteurs nucléaires dans le monde ne s’est pas accompagnée d’une formation suffisante en termes de sécurité. Et la culture de sûreté s’est profondément dégradée dans les pays nucléarisés depuis longtemps. A trop faire de la rentabilité le critère essentiel de la maintenance, les opérateurs nucléaires ont peu à peu substitué les sous-traitants aux techniciens du service public au point, qu’en France, leur nombre l’emporte (22 000 contre, 19 000). Sans pour autant qu’ils reçoivent une formation adéquate. Régulièrement pointée du doigt par l’Autorité de sûreté nucléaire, la sous-traitance est le maillon faible d’une industrie qui privilégie le low-cost pour rester compétitive.
Mais, sale tour fait aux responsables politiques, la crise est là, en embuscade, qui transforme le nucléaire en variable d’ajustement. Et le coût de la sûreté, minoré dans le passé, va être très difficile à supporter et plus encore à accroître dans un contexte de contraction budgétaire. On le voit déjà aux Etats-Unis où les 25 milliards de dollars dédiés à la gestion des combustibles usagés ont été aspirés par le budget fédéral. Le financement du long terme a servi à combler les trous du court terme. A l’avenir, il est probable que le surcoût de la «sûreté d’abord», nouveau mantra de l’industrie nucléaire - de 100 à 200 millions d’euros par réacteur -, rendra mécaniquement l’option nucléaire moins attractive et celle des énergies renouvelables plus intéressante. Et que l’on verra l’industrie nucléaire devenir une industrie de maintenance et les projets trop ambitieux revus à la baisse. Ainsi d’Iter dont la facture s’est envolée (environ 13 à 15 milliards d’euros) et pour lequel il faudrait trouver plus d’un milliard supplémentaire pour les seules années 2012 et 2013. Alors qu’il faut sauver l’euro.
MARIE-HÉLÈNE LABBE Maître de conférences à l’IEP-Paris
Dernier ouvrage paru : «le Nucléaire à la dérive», Frison-Roche, septembre 2011.

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