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dimanche 22 août 2010

Face à la déliquesce de l'Etat


Michel Rocard sur le tout sécuritaire : «On n’avait pas vu ça depuis les nazis».

L’ancien Premier ministre socialiste torpille dans les grandes largeurs les dernières mesures annoncées par Nicolas Sarkozy.

L’ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard dénonce avec virulence dans Marianne les dernières mesures annoncées par Nicolas Sarkozy sur la sécurité.

Marianne : Approuvez-vous le discours de Grenoble où le président de la République déclare son intention de déchoir de la nationalité française les citoyens d’origine étrangère qui attenteraient à la vie d’un policier ou de tout autre détenteur de l’autorité publique ? Michel Rocard : Non, je ne l’approuve pas.

Non, résolument et totalement ?

M.R. : Non, résolument et totalement. Je condamne et la substance et le procédé. Mais d’abord, je voudrais vous parler de Marianne. Vous vous comportez, non comme des journalistes d’information pure, mais comme des acteurs politiques. C’est aux hommes politiques d’agir en politique. Ainsi, vous sollicitez de moi cette interview et je sais que, si je l’avais refusée, vous en auriez informé vos lecteurs. C’est une forme de chantage !

Pas le moins du monde, monsieur le Premier ministre. C’est le droit de savoir. Nous n’aurions probablement pas caché à nos lecteurs, dans un article, que vous, ou telle autre personnalité, n’avez pas souhaité répondre à nos questions. Ce n’est pas votre cas. Revenons à nos questions. Pourquoi, vous, dont on connaît la pensée tout en nuances, réprouvez-vous aussi radicalement ?

M.R. : C’est une question extrêmement grave. Vous savez, cela s’est trouvé ainsi, j’ai commencé ma carrière administrative au service des naturalisations. Nous étions chargés de dire, précisément à ces naturalisés d’origine étrangère, que la nationalité française leur était accordée pleinement, sans réserve et de façon irrévocable. Et voilà qu’on veut maintenant introduire une nouvelle catégorie de « citoyens d’origine étrangère ». Mais, si on veut en faire une loi, il faudra passer par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel. Ils casseront forcément un texte contraire au droit.

Votre opposition paraît même plus virulente que celle du PS, auquel vous appartenez…

M.R. : Le PS, comme moi, n’aime pas exacerber les tensions. Autrement, c’est la guerre civile. La démocratie exige de nous des comportements mesurés. Agiter le chiffon rouge pour faire descendre des gens dans la rue, ce n’est pas appartenir à une démocratie pacifiée, à des institutions solides. Je sais bien que le président recherche d’abord les effets d’annonce. Cette loi ne verra jamais le jour. Mais ça ne change rien aux intentions. Et les intentions, je vous le dis comme je le pense, les intentions sont scandaleuses.

Vous dites que le président cherche la guerre civile, qu’il veut faire descendre les gens dans la rue…

M.R. : Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité.

La gauche propose-t-elle une politique différente ? A-t-elle mené au pouvoir une autre politique ?

M.R. : Bien sûr que oui. J’ai contribué à concevoir la police de proximité, qui décrispe les relations avec la population dans les quartiers difficiles. Nous avons obtenu des résultats sensibles. La prévention, c’est une œuvre de longue haleine. J’ai été maire dix-huit ans durant. La prévention des crimes et délits était notre priorité. La répression, c’est l’échec de la prévention. Avoir supprimé la police de proximité, c’est dramatique. Et on le paie. La délinquance augmente et augmente. La politique du « tout répression » favorise les tensions, accroît la délinquance. Et pourquoi ? Parce qu’on donne priorité à l’électoral. C’est exécrable, scandaleux.

Vous faites ce procès à un gouvernement, à un président pour lesquels vous avez de la sympathie, que vous avez parfois soutenu, n’est-ce pas ?
M.R. : Je ne sais pas qui rapporte ces bruits. Je ne partage pas cette vision, présente au PS, d’opposition systématique, du refus de coopérer sur toute la ligne. Quand des confluences avec l’adversaire se dégagent, je m’en réjouis. Sur les pôles terrestres, nous ne divergeons pas et je suis ambassadeur chargé des Pôles. De même, j’ai une mission sur la taxe carbone. Quand il y a désaccord, comme cette fois-ci, je ne l’étouffe pas non plus. Si je suis indigné, je le dis aussi, vous le voyez bien.

C’est une indignation morale ?
M.R. : Je serai sec et sans bavure : c’est inadmissible. Mais le pire, c’est que ça ne marche pas. Il n’y a d’amélioration ni sur le plan de la sécurité ni sur celui de l’immigration. On peut faire de grands discours mais, dans la réalité, la marge de manœuvre est faible, aussi bien pour la droite que pour la gauche. Il faut bien savoir qu’en tout cas les progrès seront minimes. On ne va pas étaler une ligne de barbelés le long des frontières. On ne va pas dresser les chiens policiers à flairer les sans-papiers. On ne peut pas refuser tout le monde. Et les étudiants étrangers ? Beaucoup déjà vont ailleurs, et c’est une perte pour notre pays. On ne peut pas expulser à tour de bras n’importe qui. Seulement les discours changent en fonction des gens auxquels on s’adresse. Quand on va chercher l’électorat du Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis. Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile.

L’ancien chef du gouvernement (1988-1991) s’indigne aussi avec force contre la volonté de Nicolas Sarkozy de retirer la nationalité aux Français d’origine étrangère condamnés pour atteintes à la vie d’un policier ou d’un gendarme.

«Quand on va chercher l’électorat au Front national, voilà sur quels scandales on débouche. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy, on n’avait pas vu ça depuis les nazis», affirme-t-il. «Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile.»

«Je condamne la substance et le procédé (…) Je sais bien que le Président recherche d’abord les effets d’annonce (…) Les intentions sont scandaleuses», ajoute-t-il, persuadé que le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel ne laisseront pas passer ce texte qui sera discuté à la rentrée à l’Assemblée nationale.

«Exécrable»

«Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité», dit l’ancien Premier ministre, «indigné» à propos du chef de l’Etat. Selon lui, «la répression, c’est l’échec de la prévention. Avoir supprimé la police de proximité, c’est dramatique. Et on le paie».

«La politique du "tout répression" favorise les tensions, accroît la délinquance. Et pourquoi? Parce qu’on donne priorité à l’électoral. C’est exécrable, scandaleux», renchérit-il.

Après avoir dirigé la commission sur le grand emprunt que lui avait confié Nicolas Sarkozy au côté d’Alain Juppé, Rocard a été nommé ambassadeur chargé des pôles (Arctique et Antarctique) par le chef de l’Etat. S’il refuse une «opposition systématique» au Président, «quand il y a désaccord (…) je ne l’étouffe pas», revendique-t-il.

Face aux propositions sécuritaires du gouvernement, Michel Rocard a sorti, vendredi, l’artillerie lourde. Dans l’hebdomadaire Marianne daté du 7 août, l’ancien Premier ministre socialiste dénonce des mesures jamais vues depuis «Vichy» et les «nazis». Pour lui, la loi visant à condamner les parents de mineurs délinquants «passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. On n’avait pas vu ça depuis Vichy. On n’avait pas vu ça depuis les nazis». «Mettre la priorité sur la répression, c’est une politique de guerre civile. […] Je condamne la substance et le procédé. Je sais bien que le Président recherche d’abord les effets d’annonce. Les intentions sont scandaleuses. Je dis qu’il le paiera et qu’il l’aura mérité», s’emporte Michel Rocard, nommé à la tête de la commission sur le grand emprunt et ambassadeur des Pôles par le chef de l’Etat lui-même.

Nota

51 camps Rroms expulsés. Pour Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, tout l’enjeu se situe là. Avec cette exigence des Français de réponses de plus en plus sécuritaires, le chef de l’Etat s' engage dans une politique de Droite Extrême. Et il l’a bien compris. Dix jours après la promesse présidentielle de démanteler 300 camps Rroms illégaux, avec des reconduites à la frontière «quasi immédiates», les préfets s’exécutent. Vendredi matin, une centaine de Rroms roumains ont été expulsés d’un camp à Saint-Etienne (Loire). «Il est clair que ce que j’ai fait est dans la ligne de la consigne présidentielle», a admis le préfet de la Loire, Pierre Soubelet, avant d’ajouter : «Il n’y a pas d’avenir pour les Rroms en situation irrégulière, je suis dans l’incapacité de [les] héberger.»

En matière d’expulsion, la Seine-Saint-Denis a pris de l’avance depuis la nomination du préfet Christian Lambert, ex-patron du Raid, en avril. Dans ce département, les évacuations s’enchaînent «au rythme de deux par semaine», selon nos sources. De nouveaux démantèlements d’ampleur devraient intervenir la semaine prochaine en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne.

Brice Hortefeux n’est pas en reste. Après Grenoble, le ministre de l’Intérieur se rend samedi à Perpignan pour rencontrer les acteurs de la sécurité, trois jours après une vaste opération de rafle dans un quartier de la ville.

Apis

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