DÉSOBÉISSANCE CIVIQUE
Pas de vigne ni de vin OGM en France !
L’essai de vigne OGM en plein champ mené par l’INRA à Colmar a été neutralisé par les Faucheurs Volontaires dimanche 15 août.
mardi 17 août 2010
Jean-Luc Juthier : “C’est fait : il n’y a plus de vigne OGM. Cet essai qui n’avait pas d’autre sens que de justifier des financements à l’INRA et de faire accepter l’idée d’OGM en plein champ a été neutralisé par 60 citoyens qui ont agi à visage découvert et en assumant pleinement leur acte.
Nous avons dénoncé aussi l’absence de recherche au niveau des alternatives aux pesticides et au système productiviste dépendant des firmes.
(...) L’ensemble des faucheurs a été interpellé et entendu au commissariat de Colmar et nous en sommes ressortis au bout de quelques heures, accueillis derrière les grilles par les militants de la Conf’Alsace qui nous ont ravitaillés avec leurs produits.
Tous les participants sont rentrés à la maison.
A suivre maintenant le déroulement judiciaire...”
Des Faucheurs Volontaires du Rhône et de la Loire ont participé à cette action.
Depuis plusieurs mois, une nouvelle offensive est lancée en Europe et en France pour imposer les OGM. Le gouvernement français vient par exemple d’autoriser l’inscription au catalogue des semences de 38 variétés de maïs OGM (Voir). Toujours la même histoire : alors même que la société refuse massivement les OGM, dont les risques sanitaires et pour la biodiversité sont de mieux en mieux connus, les grandes firmes de la chimie et des semences tentent de prendre plus encore le contrôle de l’agriculture et de l’alimentation mondiale, et d’assujettir les paysans...
C’est aussi pourquoi cet été, les Faucheurs Volontaires sont repassés à l’action...
En fauchant un champ de tournesols OGM en Touraine, près de Tours, le 24 juillet. Il s’agissait de tournesols “express sun”, un OGM caché de Pioneer. Ces OGM cachés sont des OGM, et fonctionnent avec les brevets et les pesticides qui vont avec, mais ils sont dispensés des procédures légales d’autorisation sous prétexte qu’ils ont été obtenus sans transgénèse, par mutagénèse provoquée (mutation génétique chimique ou par irradiation).
Et puis ce dimanche 15 août en neutralisant un essai de vigne transgénique en Alsace, à Colmar...
La raison avancée depuis des années pour justifier les essais de vigne OGM est de lutter contre le court-noué, une maladie du bois, qui frappe les ceps de vigne, et qui touche une partie du vignoble français. Elle est transmise par un petit nématode (un vers).
L’INRA affirme, pour justifier ses essais OGM, qu’il s’agit de lutter contre une “maladie mortelle pour la vigne” aujourd’hui “sans traitement efficace”. Bien des vignerons ne sont pas d’accord. Certains expliquent qu’il est possible de contenir le court-noué, et de le combattre en utilisant des méthodes culturales différentes. A noter que l’INRA, contrairement à plusieurs de ses déclarations, ne pousse pas la recherche pour mettre au point avec les viticulteurs d’autres méthodes de lutte contre le court-noué...
L’histoire des ceps OGM de Colmar est un feuilleton qui en dit long sur les objectifs réels et les méthodes des promoteurs de cette affaire...
Petit historique des tentatives de vigne OGM...
En fait, les tentatives de vigne OGM ont commencé début 2001, en Champagne, avec une parcelle expérimentale chez Moët et Chandon. Mais l’affaire se sait et fait alors tellement de bulles que le négociant arrache immédiatement la parcelle. 2500 pieds de vigne transgéniques en attente de plantation aboutissent alors à l’INRA de Montpellier qui veut expérimenter. La mobilisation de professionnels de la région ("Le Languedoc-Roussillon ne sera jamais la poubelle transgénique de la Champagne") fait reculer l’INRA. Et au final 500 de ces pieds aboutissent au Centre de recherche INRA de Colmar qui les plante... On apprend d’ailleurs que l’INRA a transporté sur place, dans une terre saine, de la terre infectée par les nématodes, porteurs du virus pour cet essai en plein champ ! Bravo pour le principe de précaution...
Mais devant l’hostilité des viticulteurs alsaciens, l’INRA annonce en septembre 2001 qu’elle a arraché les pieds de vigne OGM et renoncé à ses essais en plein champ.
Provisoirement seulement, car en 2003, l’INRA annonce qu’elle s’y remet. Pour faire passer la pilule, elle annonce la création d’un “comité local de suivi”, composé de différentes parties concernées, pour que les choses soient “transparentes”. En réalité, la Confédération paysanne en désaccord avec cet essai mais qui a alors décidé d’aller dans ce comité de suivi à titre d’observateur a fait l’expérience qu’il s’agissait d’un simulacre de débat et que “le comité a juste pour rôle de suivre les décisions de l’INRA sans possibilités de refus”. C’est pourquoi elle a à un moment décidé de quitter ce comité. (1)
Mais en 2005, donc, l’INRA de Colmar annonce la mise en culture expérimentale en septembre de 70 plants de vigne OGM, soi-disant pour lutter contre le court-noué. L’essai doit durer 4 ans.
Le 7 septembre 2009, un biologiste alsacien, Pierre Azelvandre, détruit les 70 ceps OGM (c’est le porte-greffe qui est OGM, porte-greffe qui est ensuite greffé) en les sectionnant.
Trois semaines plus tard, le 30 septembre 2009, le Tribunal Administratif de Strasbourg qui avait été saisi d’une requête contre cet essai rend son jugement : il annule la décision du Ministre de l’agriculture autorisant la dissémination volontaire dans l’ environnement de ces porte-greffes. L’essai de Colmar était donc illégal et aurait du de toutes façons être détruit.
En octobre 2009 a quand même lieu le procès de Pierre Azelvandre, mais il est condamné en tout et pour tout à 2000 euros d’amende et 1 euro de dommages et intérêts à l’INRA...
Avec l’aide du ministre de l’agriculture de Sarkozy Le Maire, l’INRA de Colmar va chercher le moyen de rebondir après cet échec, en lançant un nouvel essai avec les 70 porte-greffes de l’essai illégal, qui ont été coupés mais non arrachés. Ces porte-greffes sont à nouveau greffés par l’INRA ! !
Question : pourquoi l’INRA, contrairement à des promesses maintes fois répétées et malgré les demandes de vignerons, ne développe pas “un programme de recherche alternatif” aux porte-greffes OGM et aux méthodes chimiques de lutte contre le court-noué, un programme de recherche “qui viserait à mettre en place des pratiques de viticulture biologique pour restaurer des sols indemnes de maladies”, pour reprendre des mots mêmes du directeur de l’INRA de Colmar, d’”autres techniques de lutte, biologiques, alternatives et conventionnelles, contre ce nématode” ?
Pour comprendre les raisons de cet essai de vigne OGM, il faut savoir aussi que devant les protestations l’INRA a du manoeuvrer en recul, et au final, l’essai actuel n’avait plus grand sens, puisque l’INRA avait du accepter de supprimer toutes les fleurs et donc tous fruits sur cette vigne OGM, compte-tenu qu’elle n’était pas en milieu confiné. La recherche ne se poursuivait donc que sur les plantes feuillées, un peu comme si la vigne était une salade.
Ce qui restait par contre, c’était la dissémination d’OGM en plein champ. Et c’était ça au fond l’objectif : participer à rendre acceptables les OGM, les banaliser. Et non lutter contre le court-noué.
C’est ce que dit la Confédération Paysanne, qui a apporté son soutien aux Faucheurs Volontaires.
Voit aussi la déclaration et les explications de José Bové, député européen.
Depuis ce 15 août, l’essai de vigne OGM en France est terminé.
(1) Les déclarations du directeur de l’INRA et des ministres de Sarkozy qui prétendent que ces essais OGM étaient un modèle de concertation ne sont que de l’intox... Des ministres qui devaient aller se faire photographier sur cet essai fin août 2010. Trop tard...
La Confédération Paysanne : “Arrachage d’un essai de vignes OGM : la fin d’une mise en scène publicitaire ?”
“La Confédération Paysanne rappelle son opposition aux essais OGM en plein champ et demande l’arrêt de toute poursuite contre les faucheurs volontaires qui ont neutralisé ce matin des pieds de vigne transgénique à l’INRA de Colmar.
La poursuite de cette opération destinée à faire accepter, par les viticulteurs et les citoyens français qui n’en veulent pas, les recherches sur la mise au point de plantes transgéniques cultivées dans les champs, n’avait aucun sens. Sans fleurs ni raisins qui n’auraient pu être laissés qu’en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique valable sur les risques de transmission de l’OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans la lutte contre le court noué après la floraison de la vigne.
La Confédération paysanne conteste le choix de l’INRA de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l’intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous.
Pour ce faire, la recherche publique doit s’attacher à rester indépendante des pressions de l’argent au détriment de l’éthique, tout particulièrement actuellement. La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’INRA doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation génétique.
C’est pourquoi la Confédération paysanne travaille avec l’INRA dans d’autres cadres, notamment un comité de liaison constructif qui se réunit plusieurs fois par an. Elle y fait valoir les besoins fondamentaux pour l’agriculture et l’alimentation, les paysans et la société, centrés sur une meilleure connaissance des processus biologiques et des savoir-faire paysans pour donner du sens à une recherche publique et citoyenne.”
Le 15 août 2010 -
Contact :
Véronique Villain, secrétaire générale de la Confédération paysanne et membre du comité de liaison Inra - Confédération paysanne : 06 12 94 51 18
Michel David, secrétaire national : 06 30 87 21 13
Guy Kastler, représentant au HCB- Haut Conseil des biotechnologies : 06 03 94 57 21
Régis Hochart, membre du comité de liaison Inra -Confédération paysanne : 06 08 75 00 73
José Bové : "Essai de vigne OGM à Colmar : fausses solutions pour faux problèmes”
José Bové, Vice-Président de la Commission Agriculture et Développement rural du Parlement européen a exprimé son soutien aux Faucheurs Volontaires :
“Les Faucheurs Volontaires d’OGM ont mené une action citoyenne de neutralisation de l’essai de vigne OGM réimplanté en Juin 2010 dans la station de l’INRA de Colmar.
Ils ont voulu ainsi répondre à la surdité gouvernementale qui n’a voulu entendre ni les nombreuses critiques des professionnels de la vigne et du vin ni celles de la société civile qui considèrent inutile la poursuite obstinée de cet essai depuis la première implantation de 2005 jusqu’à la première neutralisation de septembre 2009 et malgré son interdiction par le tribunal administratif de Strasbourg en 2009”.
José Bové rappelle deux éléments importants de son point de vue : “Au cours du séminaire de l’Agence Nationale de la Recherche de novembre 2008 sur le programme OGM, il avait été mis en évidence au cours d’une communication que l’essai n’obtenait pas les objectifs visés d’éradication du court-noué : passage du transgène du porte-greffe au greffon non transgénique ; contamination des plants de références non OGM. Pour moi, ces données auraient dû suffire à arrêter purement et simplement cet essai. Par ailleurs, l’ INRA de Colmar, au cours de la même réunion, reconnaissait la nécessité de travailler plus intensément sur les méthodes alternatives naturelles pour lutter contre cette maladie de la vigne. L’Institut et le Gouvernement ont pourtant persisté. Aussi ne faut-il pas s’étonner de cette action de désobéissance civique à Colmar aujourd’hui que je soutiens.”
José Bové ajoute : “Le virus du court-noué est un problème agronomique, sanitaire et de conduite des cultures (absence de rotation) qui peut trouver des solutions innovantes par une recherche participative dont les paysans ont besoin.
Elle doit être orientée vers des alternatives multiples dont les pistes existantes doivent être approfondies, alternatives issues des savoir-faire paysans et de leurs capacités d’organisation en lien avec la recherche et non uniquement de stratégies d’acceptation des biotechnologies OGM par un comité de suivi critiquable et critiqué comme à Colmar.
Plutôt que de le consacrer à la poursuite d’une voie de recherche dans l’impasse, l’argent public serait très certainement beaucoup mieux utilisé pour faire avancer des solutions respectueuses de l’environnement, de la biodiversité et du travail au sein de la filière viticole en particulier en agriculture biologique.”
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