Élisabeth Guigou avait bataillé sous le gouvernement Jospin pour que les criminels français d'origine étrangère ne puissent plus perdre leur nationalité après une condamnation à au moins cinq ans de prison. Et pour que les immigrés de deuxième génération nés en France deviennent automatiquement français. Une double victoire acquise le 16 mars 1998 avec la promulgation de la loi relative à la nationalité, qui allait désormais porter son nom.
Que pensez-vous de la volonté de Nicolas Sarkozy de pouvoir retirer la nationalité française « à toute personne qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique » ?
« Il faut être évidemment extrêmement sévère et même implacable contre ces individus qui s'attaquent aux forces de l'ordre. […] Mais je pense que nous avons tout ce qu'il faut dans notre droit, sans avoir besoin d'en rajouter, pour réprimer ces crimes.
Eric Besson a précisé sur Europe 1 qu'il suffisait « de revenir à l'Etat de droit qui prévalait jusqu'à 1998 ». Avez-vous l'impression que votre loi a été inutile ?
Quand le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale affirme qu'en 1998 « ce n'était pas anticonstitutionnel », donc il n'y a pas de raison que ce le soit aujourd'hui, n'a-t-il pas raison ?
Un autre amendement ne rendra plus automatique l'acquisition de la nationalité française pour certains mineurs immigrés de la deuxième génération, pourtant nés en France. S'agit-il de la fin du droit du sol ?
Selon Nadine Morano sur LeMonde.fr, Nicolas Sarkozy aurait, lors du Conseil des ministres de ce mardi, expliqué que vous aviez « renforcé » la déchéance de nationalité, en l'étendant « aux personnes qui font des actes de terrorisme ». Qu'avez-vous à répondre ?
Quand Brice Hortefeux déclare au Parisien que « des déchéances de nationalité doivent pouvoir être prononcées aussi en cas d'excision, de traite d'êtres humains », craignez-vous une course à l'horreur ?
« […] Encore, une fois, je pense qu'il faut réserver la déchéance de nationalité à des atteintes à la sûreté de l'Etat, c'est-à-dire à des motifs exceptionnels, sinon on risque d'être en contradiction grave avec l'article premier de la Constitution. […]
Eric Besson votait votre en loi en 1998, Nicolas Sarkozy se disait contre la double peine dans un livre en 2006… Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ?
« Je pense que le président de la République a besoin à la fois de détourner l'attention sur les affaires qui embarrassent le pouvoir, de masquer l'échec de sa politique de sécurité […] et de rattraper un électorat de droite qui de plus en plus dérive vers l'extrême droite. Tous ces motifs se conjuguent pour que le Président Sarkozy […] ait changé de pied. »
Nicolas Sarkozy marche une nouvelle fois sur les plates-bandes frontistes, mais les dirigeants du FN, en l'occurrence Marine Le Pen, semblent cette fois moins gênés. Elle se félicite même du succès de ses idées…
Forcément ! Je pense que c'est un mauvais calcul de la part du pouvoir et de la majorité actuelle, parce que les électeurs qui peuvent être séduits par les idées du Front national préfèreront toujours voter pour l'original plutôt que pour la copie. […] Donc on piétine des principes fondamentaux de la République et des principes constitutionnels pour rien ! »
Pensez-vous que l'Assemblée nationale, et plus encore le Sénat, puissent avoir les moyens de retoquer ces deux amendements ?
« Je ne sais pas, nous verrons. En tout cas, nous nous battrons. Et puis nous irons, s'il le faut, devant le Conseil constitutionnel. »
Si ce n'est pas le cas et si les socialistes reviennent au pouvoir, abrogerez-vous ces deux amendements ?
« Moi, je le souhaite. Je ne peux parler qu'en mon nom, évidemment. Mais je suppose que le Parti socialiste les combattra. Ca devrait faire partie, en effet, des quelques dispositions […] que nous abrogerons. »
Le programme du Parti socialiste sur la sécurité avance-t-il ?
Photo : Elisabeth Guigou lors de la quinzième université d'été du PS à La Rochelle, le 29 août 2008
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