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mardi 11 janvier 2011

Pour Une expertise citoyenne...


Pour une expertise au service des citoyens

La réforme constitutionnelle française de 2008 officialise la place des experts dans l’élaboration législative mais sans construire des modalités d’expertise qui seraient pertinentes pour l’intérêt public, et donc en offrant de nouvelles positions stratégiques aux lobbies. Ces dispositions ajoutent aux structures dédiées à l’expertise, jusqu’ici surtout actives en matière de recherche et innovation, là où le lobbying peut jouer à fond en bénéficiant de la couverture « scientifique ».

Dans le domaine de l’expertise, où la compétence supposée est toujours hybridée avec des intérêts particuliers, il est urgent de définir des règles, de nature éthique, pour tendre vers des procédures plus objectives et mieux conformes aux intérêts des populations. Car on ne doit jamais oublier qu’une innovation contraire à l’intérêt général est aussi le contraire d’un « progrès », et c’est donc un devoir démocratique que de démasquer les expertises complices des projets industriels.

La création d’une « Haute Autorité de l’expertise » permettrait de combler le vide scientifique et civique entre la parole des experts interrogés et la décision du législateur. Une telle structure, proposée par la FSC et reprise par Corinne Lepage dans un rapport officiel mais vite remisé, ne serait pas une énième assemblée d’experts mais un comité déontologique de l’expertise, chargé de définir et de vérifier les conditions d’exercice de cette activité indispensable qu’est l’expertise.

Plusieurs exigences sont évidentes tels les caractères contradictoire, multidisciplinaire, pluraliste et transparent de toute expertise.

Contradictoire parce qu’il n’est pas de vérité scientifique acquise sans confrontation à la réalité, et que la technoscience n’est pas une activité neutre : à chaque fois qu’il existe différentes positions scientifiques (c’est-à-dire quasiment toujours) sur les avantages et les nuisances d’une technologie, l’expertise ne doit pas en valoriser un seul (en général le plus « optimiste ») mais ouvrir un débat entre « sachants » devant une commission pluraliste composée de scientifiques variés mais aussi de représentants de la société civile. Encore faut-il entendre les termes « sachants » et « scientifiques » comme n’étant pas l’apanage des sciences dures mais s’appliquant à toutes les disciplines du savoir dans une démarche résolument multidisciplinaire. Et prévoir que le jugement d’une telle commission nécessite à chaque fois une formation préalable ad hoc.

L’ensemble de ces procédures doit être transparent, ouvert au public et aux médias, aussi bien aux fins d’information de la société que pour en conforter l’indépendance.

Plutôt que se cacher la tête dans la bouillie d’une prétendue neutralité du savoir, la complexité croissante des thèmes à expertiser oblige à affronter la réalité. Puisqu’il n’est pas possible de se passer du savoir des experts, alors que leur position professionnelle ou idéologique induit presque toujours une situation conflictuelle avec ce savoir, on doit identifier d’où ils parlent (déclaration de conflit d’intérêts) et leur opposer d’autres savoirs, éventuellement en conflit avec d’autres intérêts. C’est seulement des membres de la commission multidisciplinaire, en charge de clarifier les arguments et de délivrer un avis, qu’on peut exiger la signature d’une charte d’indépendance.

Cette proposition de Haute Autorité présente bien des similitudes de principe avec celle que nous avançons pour les Conventions de citoyens, les principales différences étant le tirage au sort des citoyens et le caractère éphémère du jury constitué. Dans tous les cas, de telles expertises ne serviront l’intérêt public que si le pouvoir assume les avis qui en sont issus… en refusant in fine de subir les pressions des lobbies. C’est en quoi une expertise au service des citoyens nécessite la vigilance vis-à-vis des groupes d’intérêt en amont comme en aval.

Jacques Testart, Fondation Sciences Citoyennes

Jacques Testart est agronome et biologiste, longtemps investi comme chercheur dans la procréation artificielle, aujourd’hui retraité (directeur honoraire de recherches de l’inserm) et très impliqué, avec la Fondation Sciences Citoyennes, dans les efforts pour démocratiser la recherche et l’innovation. Il anime un site qui développe certaines propositions, comme les conventions de citoyens : http://jacques.testart.free.fr/

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