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dimanche 23 janvier 2011

Seule la Non - Violence....

Pour une non-violence militante
Les tirs de critiques ont commencé de s'abattre sur le petit livre beige de Stéphane Hessel, accusant son auteur de céder à l'émotion, au simplisme, au populisme, de sombrer dans l'anachronisme par ses références répétées à la Résistance au coeur d'une époque dominée par la mondialisation, la compétition, l'économie. Le 18 janvier au soir, place du Panthéon, à Paris, un cran encore a été franchi avec l'interdiction faite à Stéphane Hessel de tenir une conférence-débat sur le Proche-Orient dans les locaux de l'Ecole normale supérieure (ENS).
Mais tandis que les mégaphones, place de l'Odéon, clamaient l'émotion des manifestants face à cette censure, on a vu la légère silhouette d'Hessel, insensible au froid, s'écarter de quelques mètres de la tribune pour rappeler doucement aux journalistes que nous avions la chance "de vivre dans une démocratie où nous pouvons protester contre les atteintes aux droits fondamentaux que sont la liberté de réunion et d'expression, dans l'espoir de les corriger".
Car plus les critiques s'amplifient, plus le personnage semble étranger au brouhaha qui se noue autour de lui. Plus il semble, avec ses pas dansants, se rapprocher de la petite silhouette tout aussi frêle de Gandhi. Quand Stéphane Hessel, dans les pages de son petit livre, rejette le terrorisme, c'est bien au nom de la raison : "Se dire "la violence n'est pas efficace", c'est bien plus important que de savoir si on doit condamner ou pas ceux qui s'y livrent." Le terrorisme, explique Hessel, n'est pas efficace, il exacerbe le cycle des violences, ferme la porte à l'avenir et à l'espérance et c'est à ce titre, d'abord, qu'il doit être écarté.
La non-violence n'est pas un chemin direct, facile. Il suppose une pureté intérieure que peu atteignent. Et parfois, au commun des mortels, il ne reste que ce choix : la lâcheté - ne rien faire : tout le contraire de la non-violence, toujours active, jamais passive - ou la violence. Dans ce cas, disait Gandhi, prenez la violence, sauvez votre conscience, sauvez-la si, comme au début de la deuxième guerre mondiale, des hordes nazies, super-équipées, envahissent votre pays ! A l'heure où, Allemand récemment naturalisé français, Hessel rejoignait la France libre, puis la Résistance jusqu'à tomber entre les mains de la Gestapo, il était lui-même dans une "presque" non-violence comme tant d'autres résistants.
Tout sauf la lâcheté. Ce que recommande le petit livre d'Hessel, et c'est pourquoi il touche un public aussi vaste - rien qu'en France, à ce jour, près de 10 millions de lecteurs effectifs au regard d'un tirage en route vers les 2 millions d'exemplaires et ce n'est pas fini -, c'est un réveil des consciences. Ecoutons cette fois Hessel : "Je considère la légitimité des valeurs plus importante que la légalité de l'Etat." Droit à la légitimité quand la conscience est bafouée par une raison, par une justice d'Etat. Alors, oui, Hessel ouvre la porte à une non-coopération avec la financiarisation du monde, il laisse monter la désobéissance civile face à des lois, des réformes comme celle des retraites orchestrée par un homme proche du "milieu" des champs de course. Toujours, il appelle au "souci de l'autre". C'est bien ce que devient le Français : un homme libre, un homme de raison, un partisan de la non-violence s'adresse à eux avec ce petit fascicule dont, en tant qu'éditeurs, nous portons la responsabilité du titre.
Si Gandhi condamne la lâcheté, c'est bien parce qu'il veut sauver la conscience et, ce faisant, préserver la possibilité de la non-violence, mais sans jamais aller jusqu'à prendre les habits du terrorisme qui, lui, assassine la conscience, dans son inscription corporelle, de gens innocents qui ne sont pas payés pour faire la guerre. Alors, en compagnie de Christiane, sa femme, il est allé marcher avec les citoyens de Bil'in une petite ville de Cisjordanie, marcher pour la paix jusque devant le "mur de la honte", sans jeter de pierres, sans utiliser la force, protestant malgré les tirs de Flash-Ball de l'armée israélienne.
La non-violence ébranle, déboussole ceux qui lui tournent le dos, comme en aveu dépité de son invincibilité. Car là est le levier de la non-violence, sa force inouïe : sa capacité à révéler l'existence d'une communauté, d'une "unité des consciences", pour parler comme Sartre, le philosophe de l'engagement, au sein de laquelle elle interfère, annonçant en cela son invincibilité. Sartre, dont Hessel aime à rappeler qu'il est l'élève. Oui, c'est à nos yeux la grande leçon de ce petit livre : faire progresser la non-violence en Occident. Le souffle décapite jusqu'à nos intellectuels qui mendient leur notoriété dans les couloirs de l'Elysée, et qui, aujourd'hui associés à la ministre de l'enseignement supérieur, hier tout sourires face à Hessel sur les plateaux de télévision, ont empêché notre Gandhi européen de prendre la parole à l'ENS de la rue d'Ulm. Ces mêmes intellectuels avaient cautionné il y a peu l'opération "Plomb durci" conduite par l'armée israélienne dans la bande de Gaza.
Si tous les pays européens sans exception ont demandé à traduire Indignez-vous !, c'est bien la preuve que le message de Stéphane Hessel n'est pas celui d'un "vieux schnock", mais qu'il nous raccorde au fil de la conscience résistante, laquelle pourrait bien s'avérer capable de menacer l'empire de la finance comme autrefois Gandhi sut menacer et faire plier l'empire britannique.
"J'attends la mort avec gourmandise", confie Hessel à 93 ans. C'est possible. La non-violence malmène jusqu'à l'iconographie sur laquelle repose l'imaginaire occidental - jusqu'à notre perception de la mort. Il l'attend, jeûnant volontiers, s'aidant pour trouver le sommeil d'un poème d'Apollinaire et s'éveillant au matin avec son dernier vers aux lèvres : "Et je demeure." Il nous a avertis : "Les poètes sont les premiers contestataires", parce qu'ils créent une réalité alternative, virginale. Rappelons que la non-violence se dit ahimsâ en sanscrit, himsâ voulant dire "nocivité", le "a" étant privatif. Oui, Hessel s'approche des sommets de la non-violence, de l'apesanteur.
Ouvrage : "Tibet, une histoire de la conscience" (Seuil, 2010).
Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman, éditeurs d'"Indignez-vous !"

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