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mercredi 19 janvier 2011

Quelle démocratie ?

Quelle démocratie ?
Une réflexion sur la démocratie dans les régimes modernes, et sur le pouvoir réel de leurs peuples. Un pouvoir tutélaire, autrement dit délégué une fois pour toutes à des représentants, même si l’ambition de ces derniers est de servir le peuple, s’interroge Jean-Louis Prat, répond-il aux exigences d’une démocratie ?
Pour citer cet article : Jean-Louis Prat, « Quelle démocratie ? », Revue du MAUSS permanente, 18 novembre 2010 [en ligne]. http://www.journaldumauss.net/spip.php?article732
Depuis 1946, les constitutions de la République française ont repris à leur compte la formule d’Abraham Lincoln, qui définit la démocratie comme "le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple". Belle phrase, démentie toutefois par la pratique des pouvoirs qui s’en réclament, et qui se nomment démocratiques, bien que le peuple ne "gouverne" nulle part, et confie cette tâche à des dirigeants qui gouvernent à sa place, et qui parlent en son nom, puisqu’il les a élus. La pensée de Lincoln a-t-elle été "trahie", ou bien se prêtait-elle à cette "trahison", en raison même de son caractère utopique ? Sa formule, en effet, présuppose une confusion entre l’autorité souveraine du peuple (le kratos du démos) et la fonction gouvernementale, qui s’applique à la mise en oeuvre des choix politiques fondamentaux, jusque dans le détail des mesures administratives. Rousseau, qui avait pourtant su distinguer les rôles respectifs du "prince" et du "souverain", définit la démocratie comme un régime où le peuple cumule ces deux rôles, et où "le corps politique décide collectivement de tout et exécute collectivement ses décisions, quel qu’en soit l’objet", comme le note Castoriadis, c’est-à-dire, "par exemple", qu’il "remplace collectivement une ampoule grillée dans la salle où se tiennent les assemblées. Dans un tel régime, il ne peut et il ne doit y avoir aucune délégation. Il est clair que ce n’est pas de cela que l’on parle lorsqu’on parle de démocratie et que, par exemple, tel n’était pas le régime athénien" [Figures du pensable, Paris 1999, p. 146 : nous nous sommes permis de lui emprunter le titre de cet exposé : "Quelle démocratie ?"].
Rousseau lui-même déclare que, s’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement, mais qu’un gouvernement "aussi parfait" ne convient pas à des hommes. Il s’agit bien d’une utopie, où l’on prétend décrire un régime parfait, tout en sachant très bien qu’il ne pourrait pas exister. Demandons-nous en quoi il peut être "parfait", dans l’esprit de Rousseau, ou celui de Lincoln. Sans doute est-ce parce que le moyen mis en oeuvre - le gouvernement "par le peuple" - semble bien adapté à l’objectif visé - le gouvernement "pour le peuple" - puisqu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Cela décrit sans doute un modèle idéal, mais quel rapport a-t-il avec les démocraties réellement existantes, qu’il s’agisse de la démocratie athénienne, ou bien de celle qu’a pu gouverner Lincoln ? Dans aucun de ces cas, le peuple ne gouverne, même si on fait de lui la source légitime de toute autorité déléguée à des hommes, parfois même à un seul.
Mais c’est surtout le cas des régimes modernes, qu’on déclare démocratiques dès lors que les pouvoirs passent pour être issus d’élections régulières, ce qui revient à dire, dans le meilleur des cas, que le peuple ne vote que pour désigner ceux qui vont décider en son nom. Dans la démocratie athénienne, le peuple ne gouvernait pas, mais il votait les lois, décidait de faire la paix, de partir en guerre ou de négocier une alliance... Mais ce que les Modernes appellent démocratie est assez proche de ce qu’en disait Max Weber, dans une conversation avec Ludendorf, que cite Raymond Aron dans Les étapes de la pensée sociologique, et qui peut paraître cynique, même si elle est plus conforme à la réalité : "Dans la démocratie, le peuple choisit un chef (Führer) en qui il met sa confiance. Puis celui qui a été choisi dit "Maintenant fermez-la et obéissez". Le peuple et les partis n’ont plus le droit de mettre leur grain de sel (...) Plus tard, le peuple peut juger. Si le chef a commis des erreurs, qu’il aille se faire pendre" [p. 581 dans la collection TEL].
Article publié le 18 novembre 2010
(Lire la suite sur notre page débat…

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