"L'abstention n'est pas une fatalité"
Les dernières élections cantonales ont battu des records d'abstention (56 %). (photo : dépuoillement des cantonales du 1er tour à Die )
Pourtant, la baisse de la participation électorale n'est pas récente et, au-delà d'explications conjoncturelles, le diagnostic d'ensemble est bien connu : le fossé ne cesse de grandir entre les partis politiques et certains Français, notamment les électeurs des classes populaires. Ceux-ci ne sont plus la priorité des partis de gauche : les hommes politiques semblent s'être rangés à l'idée que la forte abstention enregistrée d'élection en élection dans les bureaux de vote des quartiers populaires est inéluctable. Or, si les classes populaires votent structurellement moins, pourquoi les mettre au cœur des programmes proposés ? Il paraît plus rationnel de tenter de convaincre des électeurs qui votent.
Pourtant, la baisse de la participation électorale n'est pas récente et, au-delà d'explications conjoncturelles, le diagnostic d'ensemble est bien connu : le fossé ne cesse de grandir entre les partis politiques et certains Français, notamment les électeurs des classes populaires. Ceux-ci ne sont plus la priorité des partis de gauche : les hommes politiques semblent s'être rangés à l'idée que la forte abstention enregistrée d'élection en élection dans les bureaux de vote des quartiers populaires est inéluctable. Or, si les classes populaires votent structurellement moins, pourquoi les mettre au cœur des programmes proposés ? Il paraît plus rationnel de tenter de convaincre des électeurs qui votent.
Ainsi l'offre politique creuse l'écart entre électeurs actifs, courtisés par les partis, et classes populaires dont les préoccupations sont moins prises en compte. Elles se sentent alors d'autant plus délaissées et continuent de s'abstenir : le cercle vicieux se referme. Pourtant l'abstention n'est pas une fatalité.
Certes, la désaffection des milieux populaires pour le vote ne pourra être résorbée sans une transformation des politiques menées. Mais une dynamique de remontée de la participation peut être engagée dès aujourd'hui, avec un impact rapide et payant électoralement : les partis politiques peuvent faire reculer l'abstention en déployant à grande échelle les pratiques, aujourd'hui minoritaires, du militantisme de terrain, et notamment le contact direct avec l'électeur par le porte-à-porte. Ce choix a été fait avec succès aux Etats-Unis, où des millions de volontaires ont frappé à des dizaines de millions de portes pour appeler à voter pour Barack Obama lors des élections américaines de 2008, contribuant à ramener la participation à son plus haut niveau depuis 1968. En France, le porte-à-porte n'est pratiqué que par quelques noyaux durs de militants expérimentés.
C'est pourtant une technique efficace en France également, comme l'a montré une expérience que nous avons menée avec des militants du Parti socialiste dans des quartiers populaires d'Ile-de-France lors des élections régionales de 2010. La quasi-totalité des électeurs a réservé un bon accueil à ces militants, qui faisaient la démarche de venir les rencontrer directement. Les résultats sur la participation ont été hétérogènes : à certains endroits, le porte-à-porte a fait gagner plusieurs points de participation ; à d'autres, la participation n'a pas progressé. Mais un résultat surtout nous a frappé : le porte-à-porte a permis de convaincre environ un abstentionniste sur sept d'aller voter parmi les électeurs nés au Maghreb, en Asie, en Afrique subsaharienne, dans les DOM-TOM et parmi leurs enfants.
CONTACT DIRECT ET NOUVELLES POLITIQUES
Ainsi, ce sont les Français appartenant aux minorités ethniques qui ont été les plus sensibles à cette démarche militante ; ce sont ceux qui sont les moins représentés dans les partis politiques, ceux qu'on dit les plus éloignés de la vie démocratique, qui ont manifesté la plus forte volonté d'y participer. L'enseignement que nous voulons en tirer n'est pas que ces Français d'origine étrangère doivent faire l'objet d'une mobilisation électorale ciblée – mais simplement qu'ils ne doivent pas en être exclus au nom de préjugés erronés. Ces résultats et l'urgence qu'il y a à inverser la dynamique de l'abstention nous conduisent à la conclusion suivante : cette approche de mobilisation des abstentionnistes devrait être déployée à grande échelle. Les partis politiques doivent s'organiser pour être capables, en 2012, d'aller au contact des millions d'oubliés de la politique : jeunes, quartiers populaires, classes moyennes en sentiment de déclassement.
Pour toucher ne serait-ce que la moitié des 12 millions d'abstentionnistes de l'élection présidentielle de 2002, il faudrait recruter, former et coordonner 300 000 militants. Cela implique d'augmenter le professionnalisme des organisations politiques et, surtout, de mettre le contact direct avec l'électeur au cœur du militantisme : aller voir les électeurs chez eux et renouer le contact avec des quartiers qui ne correspondent plus à la sociologie des militants des partis de gouvernement. Cette stratégie sera payante électoralement pour les partis qui l'adopteront. Mais ils doivent avoir à l'esprit une responsabilité plus grande encore.
En effet, si le porte-à-porte permet de réinstaurer un dialogue, il n'est évidemment pas suffisant pour éradiquer l'abstention. Seules de nouvelles politiques permettront d'intéresser à nouveau les classes populaires au débat politique. Mais le militantisme de terrain peut aussi contribuer à l'émergence de ces nouvelles politiques : pour les inventer et leur permettre de réussir, le contact direct et le dialogue avec les principaux intéressés seront déterminants. C'est un long travail que tous les partis politiques devraient engager. La qualité de notre démocratie est à ce prix.
Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons, étudiants au MIT et à Harvard.
Guillaume Liegey, Arthur Muller et Vincent Pons s'intéressent aux formes de mobilisation électorale.
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