Nationaliser EDF !
La loi du 30 octobre 1968 publiée au Journal officiel de la République française est fort instructive. On y lit : "Le montant maximum de la responsabilité de l'exploitant nucléaire est fixé à 50 millions de francs pour un même accident. Au-delà du montant de la responsabilité de l'exploitant, les victimes sont indemnisées par l'Etat." Ce chiffre de 50 millions de francs a été relevé depuis 1968 et atteint aujourd'hui 91 millions d'euros. Cela signifie qu'en cas d'accident nucléaire en France, l'exploitant ne devrait rembourser les dommages que jusqu'à 91 millions d'euros.
Combien coûte un accident nucléaire grave ? Pour s'en tenir aux seules dépenses engagées par la Biélorussie à la suite de l'accident de Tchernobyl, Céline Bataille, du Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire, estimait, en 2007, que leur montant atteindrait un montant de l'ordre de 235 milliards de dollars (161 milliards d'euros) entre 1986 et 2015, un chiffre qui "ne reflète certainement pas l'ensemble des coûts".
En ce qui concerne Fukushima, le Japan Times du 22 avril annonçait que les compensations à verser par la compagnie Tepco pourraient être de l'ordre de 8,4 milliards d'euros - une somme qui n'est qu'une fraction du coût total de l'accident, qui devra intégrer la stérilisation, pour des dizaines d'années, d'une zone de quelques milliers de kilomètres carrés, la gestion durable de la région maritime empoisonnée, la neutralisation des réacteurs accidentés, etc.
La disproportion est énorme entre 91 millions et 8,4 milliards ou 161 milliards. Car la France - tout comme les autres pays nucléarisés - tolère que les risques de l'électricité nucléaire soient pris en charge par la collectivité. Il s'agit d'une subvention cachée extrêmement importante en faveur de cette énergie.
Première conclusion : l'analyse économique du nucléaire devrait intégrer explicitement le prix de ces dommages. Deuxième conclusion : les compagnies exploitant l'énergie nucléaire devraient, soit assumer le coût du risque, soit être nationalisées. En effet, les sociétés privées recherchent le profit, quitte à abaisser les normes de sécurité, en sachant qu'elles ne subiront qu'une responsabilité limitée en cas de catastrophe. Un peu comme des banques qui précipiteraient le système financier dans l'abîme sans en subir les conséquences...
C'est magnifique le capitalisme : profit privé, risque public. Compte tenu de la gravité du risque encouru, il importe de sortir de cette logique dangereuse, et de renationaliser, chez nous, EDF et Areva. C'est l'inverse de la politique suivie en France et en Europe ? On ne peut rien vous cacher.
Hervé Kempf
kempf@lemonde.fr
(Photo : Cadarache)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire