Plan-les-Ouates : des paysans s'emparent d'un terrain en friche
Depuis le 17 avril, plus d’une centaine de personnes se relaient pour cultiver une terre en friche depuis 30 ans.
Le contraste est saisissant au chemin du Champ-des-Filles, dans la zone industrielle (Ziplo) de Plan-les-Ouates. Entre les parcelles, au gazon bien ordonné, occupées par les grandes manufactures horlogères de la place se dresse désormais un campement. Depuis le 17 avril, date de la Journée internationale des luttes paysannes, une centaine de personnes ont investi ces 30 hectares, laissés en friche depuis près de trenteans. «Il n’y a aucune raison que cette terre ne retrouve pas sa fonction première, lâche un jeune homme qui bêche un petit carré. On donne simplement vie à cette friche.»
Aussi philosophique que soit l’initiative, le résultat n’en est pas moins surprenant. Une semaine après l’arrivée des jardiniers en herbe, ce jardin communautaire a déjà pris forme.
«Chacun choisit son coin»
Des épouvantails rigolos attirent l’œil des automobilistes. «On en a passé des heures à tout arracher, lâche Allison, qui revient chaque jour après son travail. C’est génial, les gens viennent de partout. On choisit un coin et on plante ce qu’on veut.» Il n’y a pas de chef au jardin du Champ-des-Filles. «Ceux qui sont là s’organisent entre eux, poursuit une jeune femme. Tout le monde est bienvenu.» En quelques jours, la vie s’est organisée. «Les gens arrivent en famille parfois, explique Thiévent. Les gamins ratissent leur petit bout de terre. Sur 30 hectares, il y a de la place pour tout le monde.» Jeudi, les jardiniers ont reçu un four solaire. Des bottes de paille empilées en forme de tipi, sur 4 mètres, permettent de tenir les boissons et les provisions au frais.
Un abri, entouré de paille et de bâches, baptisé Bethléem, permet à ceux qui le désirent de dormir sur place et à l’abri de la pluie. Une pluie que les jardiniers aimeraient d’ailleurs bien voir tomber. «On manque d’eau, explique un participant. On va la chercher assez loin.»
Un tracteur vient régulièrement charger les grands jerrycans. «On espère avoir l’eau courante rapidement, précise Allison. C’est difficile avec cette sécheresse.»
Une parcelle privée
La terre investie le 17 avril appartient au groupe Jelmoli. Un projet de technopark y avait été initié dans les années 90 mais n’a jamais été réalisé. «On a tenté de joindre le propriétaire, assure un solide gaillard qui transporte des planches. Mais on n’a eu personne. On aimerait qu’il vienne voir ce que sa terre produit.»
Comment réagissent les employés des manufactures horlogères? «Ils viennent voir, s’amuse Thiévent. On a même eu un gars en costard-cravate qui nous a expliqué comment utiliser une houe. Les réactions sont plutôt positives.»
Dans la commune, on commence aussi à parler de ce camp improvisé. Certains habitants ont même rejoint le groupe. Au dernier Conseil municipal, le sujet a été abordé, mais les autorités communales n’ont pas de moyen d’action. «Ils se sont installés sur une parcelle privée, indique Geneviève Arnold, maire de Plan-les-Ouates. C’est au propriétaire de réagir.» Pour la magistrate, la démarche est plutôt sympathique. «On n’a pas affaire à des revendicateurs agressifs. Il y a un petit côté hippie qui fait sourire. Un retour à la terre. Personnellement, je n’y vois rien de choquant.»
La police non plus, qui a effectué plusieurs passages. «Ils contrôlent les identités, explique une jeune femme. Mais tant qu’ils n’ont pas de plainte, ils ne peuvent pas nous obliger à partir.»
A quelques mètres de là commence la zone des Cherpines, soumise le 15 mai à votation pour son déclassement en vue de l’urbanisation du secteur.
Isabel Jan-Hess
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