Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

lundi 3 janvier 2011

Charité n' est pas justice


La charité n'est pas la justice

Trois journaux (Libération du 27 décembre, Les Echos du 27 décembre, le Monde daté 28 décembre) consacrent quelques milliers de signes à la philanthropie, celle des milliardaires, celle des entrepreneurs… Les mots ne pèsent pas le même poids mais il s'agit bien de faire apparaître un visage acceptable du capitalisme.

Libération parle des milliardaires américains qui sont prêts à ne pas transmettre à leurs héritiers une partie plus ou moins importante de leur fortune, dansLes Echos le président de la Fondation de France disserte sur "le besoin de générosité inhérent à la nature humaine".

Les trois constatant l'écart entre les engagements des "tycoons US" et la frilosité de leurs équivalents français, trouvant parfois une explication dans la distinction culturelle à faire entre les sociétés imprégnées par le catholicisme et celles marqués par la réforme… Un peu rapide pour être convaincant, dans la mesure où l'expansion de la réforme précisément ne s'est pas faite n'importe où ni sans des conditions socio-économiques et politiques définies.

Ainsi donc les milliardaires radins et dynastiques à la française, même si fort peu d'entre eux sont de vrais "créateurs" d'entreprises et si la plupart n'ont accédé au statut d'hyper-riches que depuis à peine une ou deux générations, seraient différents des pratiquants du culte de l'individu triomphant à l'américaine, qui par leur geste, comme l'écrit l'éditorialiste de Libération, "reconnaissent que l'héritage est une injustice"

Il faut admettre une certaine logique dans la démarche des Warren Buffet et consorts ; si c'est à l'individu dans un système "libéral" de faire la preuve de ses talents personnels, rien ne justifie la transmission de ses avantages acquis à une descendance dont maint exemple montre l'incapacité ou la légèreté dans une vie de parasite doré… D'où la proposition de création d'impôts dépossédant les héritiers, dans ce même édito de François Sergent . Sachant quel est l'actionnariat de Libération, et nonobstant la liberté des journalistes, il faut chercher un peu où git le lièvre.

Bill Gates, par exemple, avoue qu'il existe un niveau de richesse où il devient impossible de tout dépenser soi-même ! Ce n'est pas faute d'imagination, encore que, en faisant preuve d'un peu plus…
Mais laisser à ses enfants 10 % de sa fortune soit 3,88 milliards d'euros sur un total de 38,8, cela laisse à sa famille un revenu annuel, pour un placement de père de famille à 3,5 % de 135,8 millions d'euros qui, même taxé selon une fiscalité redistributive laisse de quoi vivre sans travailler…

Bill Gates veut donc "sauver des vies". Mais le hic, c'est que les mécanismes qui permettent à une poignée d'hommes de devenir milliardaires, laissent aussi dans le même pays plusieurs dizaines de millions d'Américains sous le seuil de pauvreté, et ces mécanismes là ne sont ni interrogés ni remis en cause.

Or, croire que le système s'amendera par les seules vertus d'une politique fiscale équitable, c'est-à-dire prélevant un impôt à la fois proportionnel et progressif alors que depuis trente ans les impôts sont montrés comme un frein à l'initiative, à l'investissement productif et à l'enrichissement généralisé – leurres idéologiques inclus évidemment dans ces formules – et que depuis l'origine du capitalisme l'impôt progressif fait sortir de leurs gonds tous les possédants et tous leurs porte-parole, relève de la douce rêverie.

Selon le Crédit suisse, 24,2 millions de personnes sont millionnaires en dollars et concentrent 35,6 % de la richesse mondiale. Plus du tiers de la richesse monétarisée, fût-ce virtuellement, pour 4 millièmes de la population mondiale donc.

On pourrait en conclure que des changements sont non seulement possibles mais nécessaires. Ce n'est pas la voie choisie, ni par les milliardaires "philanthropes" d'outre-Atlantique ou de Chine, ni par les Harpagons français, ni par les gouvernements qui s'efforcent de gérer au mieux les conditions de valorisation de leurs patrimoines.

La charité n'est pas la justice, on le sait depuis que la philosophie existe et l'égalité, même des "droits" n'est pas admise comme valeur universelle ! Il est donc certain que l'on continuera de voir des politiques dont la transformation sociale n'est pas l'objectif.

D'ailleurs et pour ceux qui en douteraient, le même numéro des Echos en fournit une éclatante illustration et manifeste ainsi la permanence d'un travail idéologique qui permet la poursuite de politiques si contraires aux intérêts de l'écrasante majorité des habitants de la planète : on ne parle plus de la crise du capitalisme financier mais de la crise de la dette…

Entendez la dette contractée par les Etats pour l'accomplissement de leurs missions, la dette des ménages artificiellement comparée à celle des Etats mais point du tout la dette des banques qui seraient incapables d'honorer les retraits de leurs clients et qui ne bénéficient de la possibilité de mélanger leurs fonds propres et ceux de leurs déposants ou de ne disposer en caisse que de 10 % de leurs encours que par des législations taillées sur mesure… Dettes réelles pour les uns, dettes "virtuelles" pour les autres. Ce que la crise a mis en évidence c'est l'insondable cupidité des banquiers, manieurs de l'argent des autres, vrais alchimistes qui transmutent ce qui ne leur appartient pas en patrimoine personnel ! Bonus et stocks-options compris… Fidèlement imités en cela par les patrons du CAC 40, dont pas un ne serait ce qu'il est sans l'active et permanente complicité desdits banquiers.

"Signes porteurs d'avenir, des entrepreneurs ayant connu une réussite exceptionnelle, le plus souvent dans la finance ou les nouvelles technologies, éprouvent le besoin de consacrer une partie de leurs gains à des œuvres d'intérêt général" écrit Yves Sabouret dans son article. On notera sans surprise qu'il est question d'exceptionnelle réussite, sans interrogation ni sur la nature, ni sur les conditions d'acquisitions de gains réputés a priori légitimes… Il y aurait donc des traders vertueux ?

Jean-Paul Beauquier, syndicaliste (FSU)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire