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mardi 5 avril 2011

L' autre mémoire...

34 ans après, souvenirs du manifestant tué à Malville.
Vital Michalon, originaire de Die, physicien de 31 ans, a trouvé la mort le 31 juillet 1977 en manifestant contre la construction de la centrale nucléaire Superphénix à Creys-Malville. Ce jeune manifestant antinucléaire avait trouvé la mort, il y a trente ans, en protestant contre la construction de la centrale nucléaire Superphénix à Creys-Malville. Une centaine de personnes étaient présentes.
Le 31 juillet 1977, 5500 hec­ta­res autour du péri­mè­tre de la cen­trale sont inter­dits à toute cir­cu­la­tion, 60 000 antinucléaires, habitants de la région, paysans, syndicalistes, écologistes de plusieurs pays d'Europe (Suisse, Allemagne, Italie), marchent contre Superphénix. Le préfet René Jannin a déployé des moyens importants : 5 000 CRS gendarmes et gardes mobiles, hélicoptères, véhicules amphibies, ponts mobiles, un régiment de gendarmes parachutistes et des membres des brigades anti-émeutes.
Avant la manifestation, il avait été annoncé aux organisateurs de la manifestation qu'il serait interdit d'approcher du site de la centrale nucléaire. 5 500 hectares autour du périmètre de la centrale avaient été interdits à toute circulation.
Lors de la manifestation, quelques milliers de manifestants prennent place dans les champs face à la police. Derrière eux, plusieurs milliers de personnes s'engagent sur la route. Quelques manifestants sont armés de bâtons, de barres de fer, ou de cocktails Molotov, certains jettent des pierres. La police riposte avec des grenades offensives et charge. Du côté des manifestants, le service d'ordre est dépassé et des échauffourées éclatent. Vital Michalon est tué, les poumons éclatés par la déflagration d’une grenade offensive et plusieurs dizaines de manifestants sont blessés, dont deux mutilés (Michel Grandjean et Manfred Schultz) : l'un perd une main et l'autre un pied.
Du côté des forces de l'ordre, un premier bilan fait état de 5 blessés dont 2 grièvement (un Gendarme mobile a la main arrachée par l'explosion d'une grenade offensive qu'il venait de dégoupiller).
Le 31 juillet 1977, sous une pluie fine et dans le brouillard, quelques soixante mille manifestants tentaient de converger vers le site où l’Etat prévoyait de construire cette centrale nucléaire. Durement réprimée, la manifestation s’était soldée par la mort de Vital Michalon, 31 ans, physicien de formation, les poumons éclatés par la déflagration d’une grenade offensive dont les forces de l’ordre avaient largement fait usage. Un autre manifestant avait eu la jambe arrachée, tandis qu’un gendarme voyait la grenade qu’il s’apprêtait à lancer contre la manifestation lui exploser dans la main.
Une telle violence policière qui exténua la contestation nucléaire.
L’issue de cette manifestation, la plus importante contre un projet d’établissement nucléaire, avait durement traumatisé toute une génération de militants qui l’avait vécue comme un des derniers soubresauts de mai 68.
Le nombre des manifestants, l’ampleur de la mobilisation n’avaient cependant pas ralenti les plans gouvernementaux puisque Superphénix était construit et couplé au réseau électrique en 1986. Mais ce prototype de réacteur à neutrons rapides, qui a longtemps cristallisé l’opposition des antinucléaires, n’a jamais fonctionné correctement. En neuf ans il n’aura été vraiment en service que pendant dix mois et sera toujours déficitaire.
En 1997 le gouvernement de Lionel Jospin, dont Dominique Voynet était ministre de l’environnement, mettait fin à l’expérience Superphénix dont le démantèlement a depuis bien avancé mais qui de devrait être totalement terminé qu’en 2023.
Qui était Vital Michalon ?
-. C’était "militant antinucléaire", mais il n’était inscrit dans aucun parti, aucune association. C’était un homme de 31 ans, non violent. Dans les années 60 il avait visité, à pieds, le Népal, puis il était allé vivre dans un kibboutz en Israël. Il était libre de tout engagement et possédait une formation scientifique. Il avait d’ailleurs fait un stage de quelques semaines au Centres d’études nucléaires de Grenoble. C’est fort de ses connaissances scientifiques qu’il pensait que Superphénix était une folie. C’est uniquement pour cela qu’il était allé manifester.
Il avait fait son service militaire, en suivant l’école des officiers de réserve, dans les chasseurs alpins. Il connaissait les réalités du danger, il connaissait les explosifs militaires, mais c’était un pacifique. Il s’est retrouvé par hasard en première ligne de la manifestation lorsque celle-ci avait été coincée dans l’entonnoir où le préfet de l’époque avait fait s’installer les forces de l’ordre. Il a identifié les grenades lacrymogènes, puis les grenades offensives qui étaient expédiées, à tirs tendus, sur les manifestants. Il donnait des conseils aux copains pour qu’ils puissent respirer, et ne perdent pas leurs tympans dans les explosions.
On n’a aucun témoignage décisif sur ce qu’il s’est réellement passé. Seulement deux éléments : le premier c’est que des témoins l’ont vu sortir d’une haie, courbé en deux, se tenant le ventre, suivi par deux membres des forces de l’ordre qui lui ont tourné autour, fusils pointés vers lui, alors qu’il était au sol, puis qui sont partis. Le deuxième c’est la trace d’un impact circulaire de 6 centimètres relevé sur son thorax. C’est la taille d’une grenade. Les autorités ont dit dans un premier temps qu’il était mort d’un arrêt cardiaque, mais l’autopsie a conclu qu’il était décédé parce que ses poumons avaient explosé. Les enquêtes n’ont rien donné. Tout cela s’est terminé par un non lieu et la famille a du payer les frais de justice. Depuis trente ans l’Etat ne s’est jamais manifesté auprès de la famille, quels que soient les gouvernements : ni regrets, ni excuses, ni même de la simple compassion.
Que penser de ce rassemblement ?
Plusieurs dizai­nes de mani­fes­tants sont bles­sés, dont deux muti­lés, Michel Grandjean et Manfred Schultz : l’un perd un pied et l’autre une main. Le CRS Tousot perd aussi une main avec la gre­nade qu’il vou­lait lancer.
Le réseau "sortir du nucléaire" dénonce toujours cet acte criminel de l’Etat. Nous voulons que l’Etat soit véritablement démocratique, comme le souhaitait Vital pour le nucléaire. Pour lui l’Etat devait permettre un véritable débat des citoyens sur l’opportunité ou non de construire des centrales nucléaires. Ce qu’il n’a pas fait. Pour nous cette demande est donc toujours d’actualité, comme elle l’est pour le débat sur les OGM qui pourrait se traduire, ensuite, par un référendum auprès de citoyens informés. Car tant que l’Etat n’a pas montré qu’il est réellement démocratique cela peut conduire au drame comme pour Vital, et on ne peut pas dire que Vital n'est pas mort pour rien. Mais c’est aussi pour cette raison que nous y associons la mémoire du photographe de Greenpeace tué dans le sabotage, par les services français, du "Rainbow warrior" et celle de Sébastien Brillat tué il y a deux ans alors qu’il manifestait contre un convoi transportant des déchets nucléaires.
Il faut rap­pe­ler qu’à l’époque, tous les moyens ont été uti­li­sés pour impo­ser la cons­truc­tion du Superphénix :
- aucune pro­cé­dure de consul­ta­tion de la popu­la­tion,
- de puis­san­tes cam­pa­gnes de dés­in­for­ma­tion de la part d’EDF et du CEA,
- de graves vio­len­ces poli­ciè­res dont celles abou­tis­sant à la mort de Vital Michalon, et à l’ampu­ta­tion de Michel Grandjean et de Manfred Schultz.
Un docu­ment récu­péré par des anti­nu­cléai­res a montré que le PDG d’EDF d’alors, M. Boiteux, avait demandé que soit accé­lé­rée l’auto­ri­sa­tion admi­nis­tra­tive de cons­truc­tion pour empê­cher toute expres­sion démo­cra­ti­que : « La meilleure façon de contre­car­rer la contes­ta­tion (...) est d’enga­ger au plus vite, de manière irré­ver­si­ble, l’opé­ra­tion ».
La suite des évènements a donné raison à Vital et à l’ensem­ble des mani­fes­tants puis­que Superphénix a été défi­ni­ti­ve­ment arrêté en 1998 après une suite invrai­sem­bla­ble d’ava­ries. En décem­bre 2006, EDF a annoncé n’avoir déman­telé que 38% du réac­teur, mais le plus dif­fi­cile reste à venir avec les 5500 tonnes de sodium liquide (matière qui s’enflamme au contact de l’air et explose au contact de l’eau…). Depuis son arrêt, 200 per­son­nes sont obli­gés de tra­vailler en per­ma­nence sur le site pour éviter que ça ne s’emballe... alors qu’il n’y a aucune pro­duc­tion. Le bilan économique et indus­triel de ce sur­gé­né­ra­teur est catas­tro­phi­que : 10 mil­liards d’euros pour 178 jours de fonc­tion­ne­ment effec­tif. Sans comp­ter ce que cela va coûter en plus pen­dant des années ; en effet chaque jour on est obligé de four­nir à cette cen­trale à l’arrêt l’énergie com­pa­ra­ble à ce que consomme une ville de 15.000 habi­tants.
Or, malgré l’échec total de Superphénix, l’État fran­çais entend renou­ve­ler l’expé­rience : le projet appelé « réac­teur de qua­trième géné­ra­tion » n’est autre qu’une nou­velle ten­ta­tive de faire fonc­tion­ner un réac­teur de type Superphénix.
Rien n’a changé
« Etat Nucléaire = Etat Totalitaire ! » : C’est ce que criaient les mani­fes­tants en 1977. Nous en sommes tou­jours au même point. En sou­ve­nir de Vital Michalon, et pour pré­ser­ver les géné­ra­tions futu­res, nous devons conti­nuer à exiger un débat démo­cra­ti­que sur ce projet dont la dan­ge­ro­sité pla­né­taire est établie.
Souvenirs de Pierre Mousselin (Ponet) , Jean Claude Rochon
(Saint Auban), Claude Veyret ( Menglon) et Sjord Watena ( Vachères-en-Quint) du Comité Maleville du Diois (1975-1977) et organisateurs et participants drômois de la manifestation de ces 30 et 31 Juillet 1977.

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