Élection au Sénat : victoire historique de la gauche…
La gauche emporte une majorité inédite, la bataille pour la présidence s'engage...
Vent de révolution ce dimanche dans les dorures du palais du Luxembourg. La gauche a remporté, à l’occasion des sénatoriales et pour la première fois de l’histoire de la Ve République, la majorité absolue au Sénat. En début de soirée, le président du groupe PS à la chambre haute, Jean-Pierre Bel, a revendiqué 175 sénateurs de gauche sur un total de 348.
Une majorité très courte donc qui n’a pas empêché Jean-Pierre Bel de saluer un «jour qui marquera l’histoire». Et qui sonne surtout comme un avertissement pour Nicolas Sarkozy à quelques mois de la présidentielle. L’Elysée s’est contenté de «prendre acte» des résultats. L’UMP n’a en tous les cas pas de quoi se réjouir: en métropole, elle ne progresse qu’en Moselle alors qu’elle laisse la gauche lui rogner des sièges dans de nombreux départements clés.
Bataille pour la présidence du Sénat
A Paris - où le dissident de droite Pierre Charon arrive également à se faire élire - mais aussi dans le fief sarkozyste des Hauts-de-Seine ou dans les Yvelines, département d’origine du président sortant (UMP) du Sénat Gérard Larcher. Même des départements ruraux, comme la Lozère, ont voté à gauche.
«Ces résultats changent la donne institutionnelle mais dans une certaine limite seulement, précise Dominique Chagnollaud, spécialiste de droit constitutionnel. Le Sénat ne dispose pas de pouvoir de blocage comme à l’Assemblée nationale.» Et la bataille pour la présidence de la chambre haute ne fait que commencer. «Au Sénat, les clivages ne se calquent pas sur une logique binaire. C’est un peu comme pour l’élection du pape, on ne sait jamais qui va l’emporter!»
«La nouvelle majorité reste à construire»
D’ici à samedi, date de l’élection du président, les tractations devraient aller bon train d’un côté comme de l’autre pour draguer les voix des sénateurs centristes. «La majorité, celle de dimanche, n’avait pas les contours de la majorité présidentielle, a déclaré Gérard Larcher qui entend rester au perchoir. La nouvelle majorité reste à construire.»
Le PS devrait choisir mardi son candidat pour la présidence. Outre le candidat «naturel» Jean-Pierre Bel, Catherine Tasca ou François Rebsamen seraient sur les rangs. A droite, l’heure est au rappel des troupes. Dimanche, Roger Karoutchi, tout frais élu, a indiqué que «tous ceux qui veulent revenir à l’UMP sont les bienvenus!» Il y a quelques jours, il avait obtenu l’exclusion du sénateur sortant Jacques Gautier pour dissidence.
Avec un Sénat à gauche, l'horizon s'obscurcit pour Sarkozy
Au-delà de la portée symbolique de la défaite, quelles conséquences pour l'Elysée?...
A sept mois de la présidentielle, la défaite historique de la droite dimanche aux sénatoriales constitue un nouveau revers inquiétant pour Nicolas Sarkozy, déjà en difficulté pour cause de crise financière, de hausse du chômage et d'affaires politico-financières.
Si l'Elysée s'est contenté très sobrement de «prendre acte» du basculement inédit de la chambre haute à gauche, les principaux responsables du PS se sont plu à «personnaliser» les résultats de ce scrutin atypique considéré comme une défaite «prémonitoire» pour le chef de l'État.
«C'est plus qu'un échec, c'est un traumatisme pour la droite (...), c'est d'une certaine façon prémonitoire de ce qui va se passer en 2012», a pronostiqué le favori de la course à la primaire socialiste, François Hollande. C'est «le premier acte de la reconquête pour la gauche», a renchéri le premier secrétaire par intérim du PS Harlem Désir.
A droite, seul le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé a concédé une «défaite» de son camp, alors que le Premier ministre François Fillon s'est contenté de constater une «forte poussée» de l'opposition.
Pour en réduire l'impact, l'Elysée comme la majorité a voulu d'abord souligner que cette défaite n'était qu'une «conséquence» des victoires successives de la gauche dans les scrutins locaux et préféré renvoyer aux «vrais rendez-vous» de 2012. Mais d'ici-là, cette défaite devrait compliquer encore un peu plus la tâche du Président.
«Concrètement, cela ne va pas changer grand chose puisque le dernier mot revient à l'Assemblée nationale», résume un ministre, «mais, c'est vrai, cette défaite envoie un mauvais signal pour 2012».
Double victoire au Sénat pour la gauche et les écologistes
Ce dimanche 25 septembre était bel et bien un jour historique : pour la première fois depuis 53 ans, la gauche devient majoritaire au Sénat, mais surtout Europe Ecologie Les Verts obtient une dizaine de sièges, passant ainsi de quatre à dix sénateurs.
EELV pourra de ce fait revendiquer pour la première fois un groupe parlementaire à part entière à la Haute assemblée!
Cerise sur le gâteau, avec cinq femmes et cinq hommes, la parité est parfaitement respectée : Jean Desessard et Leila Aichi ont été élus à Paris, Marie-Christine Blandin dans le Nord, Aline Archimbaud (qui remplace Dominique Voynet) en Seine-Saint-Denis, André Gattolin, dans les Hauts-de-Seine, Esther Benbassa dans le Val-de-Marne, Ronan Dantec en Loire-Atlantique, Corinne Bouchoux dans le Maine-et-Loire, Joël Labbé dans le Morbihan et enfin Jean-Vincent Placé dans l’Essonne.
Il s’agit donc d’une double victoire pour la gauche et, espérons-le, un avant goût de ce qui nous attend en 2012.
Les dix éluEs Europe Ecologie Les Verts auront à cœur de porter à la Haute assemblée les couleurs de l’écologie politique, pour un Sénat moderne, féminisé, rajeuni et plus transparent, tourné vers les citoyens et leurs préoccupations.
La règle d'or, «c'est mort»
Première victime de ce scrutin, la fameuse «règle d'or» de retour à l'équilibre budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait inscrire dans la Constitution ne le sera pas. «C'est mort», concède un cadre de la majorité. Avec le basculement du Sénat, le gouvernement a perdu toute chance de réunir une majorité des trois cinquièmes des députés et sénateurs.
Autre conséquence, une majorité de gauche au Sénat pourrait retarder l'adoption de certains textes législatifs, même si l'actuel président du groupe PS au Sénat et désormais candidat au perchoir du palais du Luxembourg Jean-Pierre Bel s'est défendu de toute volonté d'obstruction.
«Sans doute le Sénat aura des exigences sur certains textes, en matière de fiscalité ou de République exemplaire», anticipe un responsable de droite, «il pourrait aussi adopter des textes qui, comme ils seront refusés par l'Assemblée et le gouvernement, feraient passer Nicolas Sarkozy pour un président qui bloque. Cette victoire est un vrai beau levier pour le PS».
Autre souci pour le chef de l'Etat, cette nouvelle défaite de la droite, après celles des municipales et des régionales, a relancé le débat qui déchire les centristes et l'UMP sur la stratégie pour 2012.
François Fillon a lancé un message aux centristes en attribuant la responsabilité de la défaite aux «divisions de la majorité» et sonné «l'heure du rassemblement». Comme Jean-François Copé, qui a invité son camp à «réfléchir à la nécessité d'être rassemblés et de ne pas être divisés».
«On est déjà dans l'après-Sarkozy»
«Cette défaite est essentiellement une défaite de l'UMP due au sectarisme de ses dirigeants», analyse pour sa part le vice-président du Parti radical et soutien de Jean-Louis Borloo, Dominique Paillé. «La majorité doit tenir compte de la nécessité d'avoir une expression plurielle pour 2012, sinon nous serons dans la chronique d'un désastre annoncé», dit-il.
«Cela devient très compliqué pour le président», résume un centriste. «Cette nouvelle défaite va inciter de plus en plus de responsables de droite à jouer leur carte personnelle et à se positionner pour 2017», ajoute celui-ci pour qui «on est déjà dans l'après-Sarkozy».
APL
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