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mardi 6 septembre 2011

L' Islam soufi : nouvelle Chevalerie...

Faouzi Skali
L’Islam soufi, action chevaleresque dans le monde
Le Festival de Fès de la Culture Soufie veut éveiller le plus grand nombre au soufisme en tant que patrimoine historique de l’humanité. Les œuvres de Rûmi, d’Ibn Arabi, d’al-Hallaj ou encore d’Iqbal, peuvent être lus et appréciés sans pour autant que l’on devienne musulman.
Docteur en anthropologie, ethnologie et sciences de religions, Faouzi Skali est né en 1953 à Fès (Maroc). A 23 ans, la lecture du Livre du dedans de Jalâl ud Dîn Rûmî l’oriente vers le soufisme, dimension mystique de l’islam. Un an plus tard, il rencontre Sidi Hamza al Qâdiri al Boutchichi, dont il devient disciple. Il soutient une thèse à la Sorbonne sur les saints et les sanctuaires de Fès. Membre du « Groupe des Sages » nommé par le président de la Commission européenne, il a contribué à la réflexion sur le « Dialogue entre les peuples et les cultures dans l’espace euro-méditerranéen ». Il est par ailleurs le fondateur du colloque international Une âme pour la mondialisation - depuis 2001 - en parallèle du Festival de Fès des musiques sacrées du monde, dont il est également à l’origine, en 1994, mais dont il s’est séparé en 2006. L’année suivante, il fondait, toujours à Fès, le Festival de la Culture Soufie qui proposera sa quatrième édition, en avril, cette année. Ce festival veut éveiller le plus grand nombre au soufisme en tant que patrimoine historique de l’humanité. Les œuvres de Rûmi, d’Ibn Arabi, d’al-Hallaj ou encore d’Iqbal, peuvent être lus et appréciés sans pour autant que l’on devienne musulman.
REQ : A l’instar du bouddhisme ou des traditions de l’Inde, l’Islam soufi constitue, pour de nombreux européens, l’un des visages de cet Orient qui figure, illustre et accompagne de nombreuses quêtes spirituelles. Depuis une trentaine d’années, vous parcourez les terres d’Orient, notamment celle de votre Maroc natal, et les terres d’Occident. Votre appartenance à la confrérie soufie de la Boutchichiya, dont le maître est Sidi Hamza, ne fait pas de vous un contemplatif séparé du monde. La pluralité de votre engagement dans vos actions concrètes témoigne du fait que vous vivez un soufisme au cœur du monde. La cité de Fès représente en quelque sorte le pôle de ce soufisme incarné. Pourriez-vous nous décrire les diverses expressions de cet engagement, les formes qu’il prend aujourd’hui ?
Faouzi Skali : Il me faut commencer par le présent. Ce point de départ n’est pas de pure rhétorique, car le soufi, nous dit la tradition, est fils de l’instant. L’ici et maintenant est représenté par le projet Par Chemins. De quoi s’agit-il ? Le défi est de créer un outil afin, non seulement, de vivre le soufisme dans la cité, mais également d’ouvrir le monde au soufisme lui-même. Il doit y avoir une réciprocité entre la tradition vivante de l’Islam et la pluralité des cultures spirituelles de l’humanité. Avec l’aide de Dieu, et avec nos bonnes volontés, Par Chemins, depuis sa création en 2006, entend être précisément cet outil, cet instrument. Dit autrement, il s’agit d’une « agence soufie » qui veut se consacrer à la communication interspirituelle et interculturelle. Ce projet est à la fois tout neuf et en même temps, il repose sur une longue histoire d’initiatives, de réalisations, de manifestations. Mon maître, Sidi Hamza, me dit souvent que ma vocation personnelle ne réside pas d’abord dans le fait de cultiver mon jardin intérieur, mais de faire vivre les trésors spirituels de l’Islam soufi dans le temps présent. En ces temps de mondialisation, de fondamentalisme et de clash de civilisation, je me réalise intérieurement dans cette vocation de médiation. Par Chemins est donc un projet spirituel à l’intersection entre le présent sur lequel il faut agir, le passé que nous devons assumer et le futur que nous devons ouvrir pour le bien de l’humanité. Mais avant de parler des nouvelles directions que prennent mes activités concrètes, je voudrais, ici, faire, non pas le bilan de mes actes passés, mais plutôt l’exposition de ce qui, en eux, est utile et juste.
Vous avez raison de dire que la ville de Fès est pour moi un pôle spirituel. C’est à partir de cette cité, fondée par un soufi, Moulay Idriss, il y a 1200 ans, que se déploie mon action. Mis à part mon investissement personnel au sein de la confrérie, c’est surtoutà travers le Festival des Musiques Sacrées et les Rencontres de Fès que j’ai essayé d’être présent au monde et de diffuser à un large public les intuitions, les intentions et les valeurs du soufisme, dans un esprit de dialogue et de partage. Cette aventure a duré plusieurs années.
Concernant les Rencontres de Fès, nous avons, providentiellement, anticipé les crises planétaires issues des événements du 11 septembre. Effectivement, c’est au moins de juin 2001, que nous avons réuni un panel de personnalités venant de tous les continents culturels, rattachés à toutes les traditions spirituelles et philosophiques. Alors que nous pouvions entendre, à travers une écoute subtile, les bruits de bottes des armées, des figures humanistes aussi prestigieuses qu’Edgar Morin, Pierre Rabhi, Arnaud Desjardins, Bernard Ginisty ou encore Katia Legeret, ensemble et diversement, faisaient l’éloge d’un monde pluriel et réconcilié, juste et écologique, social et spirituel.
REQ : Depuis que vous avez quitté vos fonctions de directeur du Festival des Musiques Sacrées et des Rencontres de Fès, avec Par Chemins, vous avez initié une nouvelle manifestation, en avril 2007, que vous avez baptisé Festival de Fès de la Culture Soufie. À la différence de vos anciennes activités, l’accent est explicitement mis sur la spiritualité musulmane qui est la vôtre. Quelles sont les valeurs que ce nouveau Festival veut promouvoir ? Quelle est la philosophie spirituelle qui sous-tend la programmation ?
F.S. : Le chaos dans lequel nous vivons aujourd’hui dans le monde impose, en quelque sorte, que nous dépassions le caractère superficiel, aérien, syncrétique de beaucoup de nos rencontres interspirituelles. Le monde a besoin que les spirituels, les visionnaires, les sages apportent leur lumière, contribuent à la paix, participent à la résolution des crises, et cela à partir de leurs traditions respectives. Avec Par Chemins, et ce nouveau festival consacré à la culture soufie, je veux être, partie prenante des débats du monde en tant que musulman soufi. Concernant les valeurs et la philosophie spirituelles qui guident le festival, je souhaite poser cette orientation générale : la vocation de Par Chemins repose sur une compréhension particulière de la culture. Celle-ci n’est pas pour nous une affaire d’élite, un ensemble d’activités monopolisées par un groupe social particulier. En insistant sur la dimension culturelle du soufisme, nous souhaitons valoriser un vécu communautaire (qui n’est pas communautariste) et en même temps personnel (qui n’est pas individualiste). L’une des valeurs principale est l’éducation, à travers une pédagogie de la responsabilité et du service social. Il y a, au cœur de la culture soufie, une éthique chevaleresque qui est celle de Futuwah. D’une certaine manière, le festival est un espace d’initiation à la chevalerie spirituelle avec tout ce que cela porte en terme de dévouement, de courage, d’abnégation, de compassion et de solidarité. Cette dimension éducative est pour moi essentielle, car le soufisme ne doit pas être seulement connu en Occident mais aussi à l’intérieure des sociétés musulmanes, notamment auprès de la jeunesse. Il ne s’agit pas seulement d’un forum mystique ou artistique, car j’insiste énormément sur la finalité éducative de notre action. Les jeunes constituent l’avenir de la société, et sont donc notre avenir. J’interviens souvent auprès de ce public. Je voudrais vous donner une illustration. Récemment, je me suis rendu dans la ville d’Ifrane afin de donner une conférence dans un cadre universitaire. Il y avait une grande soif de savoir chez ces jeunes ; en particulier sur les origines et les enseignements du soufisme. Certains, au cours de leur vie, n’ont jamais entendu prononcer le mot soufisme et aspirent à comprendre ce qu’il est réellement. C’est, notamment, pour répondre à cet intérêt naissant des jeunes générations, qu’il est important de créer des lieux de rencontre autour du soufisme. Le Festival de Fès de la Culture Soufie aspire à jouer ce rôle de pôle culturel et spirituel.
Je voudrais insister sur une dimension du soufisme qui est l’art. L’éducation dont je parlais est aussi une éducation artistique. Le soufisme porte en son sein le culte de la beauté, du beau. Le beau est la splendeur du vrai, comme disait Platon, un grand sage reconnu par le soufisme et la philosophie musulmane. Cette beauté, vue par le soufisme, se manifeste dans l’art mais aussi dans le comportement humain. Les valeurs de ce beau qui, on le voit, est global, se retrouvent dans l’élévation intérieure, le service au sein de la vie collective, le respect pour les autres, l’humilité... Les corporations de métier, qui étaient très liées au soufisme à travers la Futuwah chevaleresque, constituaient des écoles de la beauté de l’art et d’une haute éthique du travail.
La Futuwah est un esprit de service et une pratique de la solidarité, du lien, de la relation entre soi et l’autre, entre soi et Dieu. L’éducation soufie ne se fait pas uniquement par des mots, mais par le biais d’une atmosphère culturelle, sociale, familiale et amicale. Les cultures populaires portaient ces valeurs dans la vie de tous les jours. Je crois que c’est à partir de cela que nous pouvons créer les conditions afin de permettre l’éclosion, chez un maximum de personnes, des trésors de créativité qu’elles possèdent.
REQ : Si le soufisme est le cœur spirituel de l’Islam, c’est aussi à travers lui que de nombreux musulmans entrent dans un dialogue avec d’autres traditions. La culture soufie dont vous nous parlez est intimement liée à une interculturalité. Il y a malgré tout des problèmes spécifiques à l’Islam. Certains, à tort ou à raison, évoquent une stagnation voire une décadence de la spiritualité...
F.S. : Nous n’avons pas pour ambition de donner, artificiellement, une « bonne image » de l’Islam. Le véritable projet est ailleurs : il s’agit de présenter l’Islam dans sa profondeur, et cette profondeur, ce cœur, est le soufisme. Le soufisme a pour but, fondamentalement, le développement et l’épanouissement humains, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif. C’est, à mon sens, la justification ultime de l’Islam. Dans ma compréhension, l’Islam est en même temps une foi religieuse, une culture et un espace de civilisation. C’est la raison pour laquelle, nous voulons être attentifs aux perspectives civilisationnelles et historique. La civilisation, et celle de l’Islam ne fait pas exception, est une forme historique qui n’est pas figée. Elle se transforme sans cesse. Elle vit, mais elle peut aussi mourir. La mort d’une civilisation a lieu lorsque ses formes se durcissent, se cristallisent, s’ossifient. Il ne s’agit donc pas de transposer, ici et maintenant, une forme civilisationnelle passée et donc dépassée. Les hommes et les femmes qui appartiennent à la civilisation musulmane doivent trouver l’inspiration afin de créer des formes nouvelles, de renouveler les structures, de revitaliser la société.
La question essentielle qui se pose pour moi est celle-ci : comment opérer cette transformation de la forme tout en demeurant fidèle à l’esprit civilisationnel, tout en restant connecté à la source ? Je crois que la réponse à cette question nécessite une réflexion sur les finalités mêmes de l’entreprise de civilisation. Les musulmans et les musulmanes doivent avoir le courage historique de l’autocritique et de la modernité. Il me semble que le développement humain constitue l’horizon de la civilisation. Nos valeurs, nos buts, nos pratiques doivent tendre vers cela. Le soufisme, dans la mesure où il n’est pas uniquement une tradition du passé, mais aussi et surtout une présence, une actualité spiritualité dans le monde d’aujourd’hui, peut contribuer à cette réflexion. C’est là le projet du Festival de la Culture Soufie : mettre en place les conditions d’une véritable discussion collective pour que, à partir du soufisme culturel, nous puissions redynamiser la société. La culture soufie contemporaine porte profondément en elle cette idée de la redynamisation sociale. Elle est un germe de développement authentique. La spiritualité islamique pense le monde en terme de solidarité et de service contrairement aux guerriers de l’économie néolibérale qui nous contraignent et nous essoufflent continuellement. Cet essoufflement vient du fait que ce système nous demande sans cesse d’être dans la compétitivité, de devenir le meilleur ! Pourquoi le travail serait-il la valeur centrale de nos existences ? Pourquoi serions-nous des « conducteurs de chars » toute notre vie ? L’une des ambitions de Par Chemins est justement de montrer qu’il y a d’autres alternatives de vie.
Pour revenir à la première partie de votre question, oui, effectivement, le festival aura une dimension internationale et interculturelle. La première raison est que le soufisme lui-même est international. Il y a une universalité du soufisme. L’impact du soufisme est immense et touche des centaines de millions de personnes de part le monde. La culture soufie a influencé une grande partie des cultures du monde, dans le monde arabe, mais aussi en Afrique noire, en Asie centrale, en Asie du Sud-Ouest, en Europe. Ce Festival aurait pu s’appeler aussi « Civilisation de l’Islam portes ouvertes ». C’est pourquoi, le soufisme culturel n’est pas du tout une spiritualité abstraite, éthérée, mais, au contraire, une spiritualité incarnée. Cette incarnation de la spiritualité soufie s’est faite à travers l’architecture, l’urbanisme, les corporations de métiers, la calligraphie, les sciences, etc. Par Chemins entend être un outil pour valoriser non seulement la pluralité culturelle du monde mais aussi la pluralité culturelle au sein même du soufisme. Une entreprise comme Par Chemins est un monde en miniature. Ce n’est pas l’aspect quantitatif d’un projet qui compte pour nous mais sa dimension qualitative et le sens qu’elle porte.
REQ : Quel sens donnez-vous à cet intérêt croissant que des Occidentaux ont pour le soufisme ?
F.S. : Il y a deux types d’intérêt, me semble-t-il. Le premier est celui qui correspond à une véritable recherche spirituelle intérieure. L’Europe a connu, et connaît encore, de nombreuses personnes qui sont devenues musulmanes à travers la voie soufie. Je pense en particulier à une femme que j’ai bien connue, Eva de Vitray Meyerovitch. Elle a joué un rôle fantastique dans la diffusion du soufisme en Occident, notamment en rendant accessible, par le biais de belles traductions, tout un patrimoine littéraire, poétique et métaphysique. Elle avait une passion pour Rûmi. L’autre type intérêt pour le soufisme est plutôt d’ordre culturel et psychologique avant d’être spirituel. Je respecte ces deux approches du soufisme et je ne recherche nullement à convertir qui que soit.
Je peux, et c’est le cas, être intéressé par un livre comme le Vedanta, sans être hindouiste, ou être sensible au Livre des morts des tibétains sans être bouddhiste. Le Festival de Fès de la Culture Soufie veut éveiller le plus grand nombre au soufisme en tant que patrimoine historique de l’humanité. Les œuvres de Rûmi, d’Ibn Arabi, d’al-Hallaj ou encore d’Iqbal, peuvent être lus et appréciés sans pour autant que l’on devienne musulman.
Ces œuvres et, avec elles, le soufisme tout entier, peuvent devenir des sources d’inspiration pour des personnes qui se situent, qui vivent, qui se déploient dans d’autres aires culturelles. La vie de Goethe est ainsi exemplaire de ce dialogue des cultures. Nous savons l’immense respect qu’il avait pour le Prophète Mohammed et nous connaissons son œuvre poétique intitulée le Diwan Oriental et Occidental. Je pourrais prendre aussi l’exemple de Dante, dont certains travaux universitaires nous disent qu’il trouva une inspiration certaine chez Ibn Arabi. Les cultures spirituelles ne sont pas des îlots, mais des organismes vivants.
Chacune s’inscrit dans une mémoire civilisationnelle spécifique et dans cet impératif de vie qu’est la rencontre. Nous sommes ici dans une perspective qui prend le contre-pied de cette globalisation qui standardise et nivelle les imaginaires, blessent les mémoires d’inspirations culturelles et spirituelles. Il faut inventer une autre mondialisation qui, à l’inverse de celle qui domine, a une âme !
REQ : Outre la valorisation du soufisme culturelle Par Chemins souhaite être une agence de promotion d’un nouveau type d’économie qui articulerait l’entreprise et la culture, le travail et le sens, le management et la spiritualité. C’est là le projet spécifique de l’Académie de Médiation Interculturelle....
F.S. : C’est dans cette perspective, en effet, que nous avons créé, en 2007, l’Académie de Médiation Interculturelle (AMI). Les cultures, plus particulièrement dans leur composante religieuse, que nous le voulions ou non, constituent un ensemble d’acteurs essentiels dans les relations internationales et la compréhension de ce qu’elles sont représentes un enjeu politique majeur. Il est important que les responsables politiques comprennent les débats, les polémiques et les tensions qui existent dans les différentes aires culturelles. L’idée de l’Académie, avec la dynamique générale de Par Chemins, est de développer une intelligence politico-spirituelle qui permettrait de valoriser et d’intensifier les processus de co-existence et de convivialité. Plus précisément, l’AMI souhaite proposer une expertise professionnelle pour des associations, des collectivités, des institutions et des entreprises. Ces dernières sont, pour nous, d’autant plus importantes que l’entreprise représente un formidable espace dans lequel la question du sens peut être posée. Si le projet général, et l’Esprit de Fès le dit bien, est de remettre en cause la mondialisation qui marchandise et désacralise le monde, il est nécessaire, en même temps, de proposer à l’entreprise économique une alternative. L’idée de la Médiation Interculturelle est de faire de l’entreprise un lieu qui a du sens. Nos premiers documents précisent les projets et les valeurs de l’AMI : « L’Organisation d’ateliers et de séminaires sur l’entreprise de demain qui allie expertise professionnelle et quête de sens. Faire de l’entreprise un lieu d’accomplissement et de valorisation humaine. Le développement de l’entreprise par des valeurs éthiques et spirituelles .L’initiation aux méthodes de gouvernance de la diversité culturelle en tant ressource de créativité et de médiation. »
REQ : Soufi avec la confrérie de Sidi Hamza, chef d’entreprise avec Par Chemins, on peut voir dans cet itinéraire une grande diversité. Comment envisagez-vous la réussite et, peut-être, l’échec de vos initiatives ?
F.S. : Aujourd’hui, il est vrai que je suis directeur de l’Agence Par Chemins. Même si j’inscris cette nouvelle activité dans le temps, celui-ci, finalement, ne nous appartient pas. Je sais que, demain, ce projet peut s’arrêter. La spiritualité soufie m’apprend à vivre pleinement mes actions. Mais, elle me dit aussi de cultiver une certaine distance : c’est le détachement. Il n’est ni renoncement, ni indifférence. Sidi Hamza dit souvent à ses disciples que celui qui parcourt la voie initiatique ne doit pas être attaché aux résultats de ses actes. Comme l’affirme la tradition musulmane, la réussite ou l’échec, pour répondre à votre question, n’appartiennent qu’à Dieu.
REQ : Ce Festival, qui vise à mettre en lumière la hauteur et la grandeur du soufisme, n’est-il pas, d’une certaine façon, un témoignage de gratitude que vous rendez à votre maître spirituel Sidi Hamza ?
F.S. : C’est comme le jardinier qui plante une graine et l’arbre grandit et la famille se nourrit de ses fruits. L’enseignement spirituel permet à la vie de jaillir. C’est un processus qui amène à la conscience un certain nombre d’idées spirituelles novatrices, qui ouvre des perspectives merveilleuses... Ces fruits sont ceux de la Voie, du chemin intérieur que je parcours depuis plus de trente ans. Si mes actes sont d’abord dédiés à Dieu et à la Communauté des croyants (oumma), ils expriment aussi la reconnaissance que j’ai pour mon maître. C’est lui qui a semé des graines dans le cœur du disciple.
À lire de Faouzi Skali :
- La voie soufie, éd. Albin Michel
- Le face-à-face des coeurs : Le soufisme aujourd’hui, éd. Albin Michel
- Traces de lumière : Paroles initiatiques soufies, éd. Albin Michel
- Jésus dans la tradition soufie, éd. Albin Michel
- Cosigné avec Jean-Yves Leloup, Guérir l’esprit, éditions Albin-Michel
6e édition du Festival de Fès de la Culture Soufie du 17 au 24 avril 2012
La sixième édition du Festival de Fès de la Culture Soufie et le Forum : « Une âme pour la mondialisation » auront lieu du 17 au 24 avril 2012 dans le Palais Batha, Riads et Jardins andalous de Fès. Des thèmes tels que « Mystique et Poésie » ou « Les biens communs de notre humanité » seront déclinés sous forme d’échanges d’idées, d’expressions poétiques, artistiques et musicales. Cette année la poésie sera notre invitée d’honneur. Nous comptons sur elle pour élargir le champ de notre conscience et de notre pensée et une autre vision de la société où l’alliance entre projet politique et quête de beauté pourrait initier; pour paraphraser la fameuse formule d’Edgar Morin dans une « Poétique de Civilisation ».

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