Un procès de faucheurs volontaires ne ressemble à aucun autre
Les 60 faucheurs volontaires jugés depuis hier en correctionnelle à la cour d’assises de Colmar. (Photo Thierry Gachon)
Les 60 faucheurs volontaires des vignes transgéniques de l’Inra sont jugés depuis hier et jusqu’à vendredi à Colmar.
Un procès de faucheurs volontaires ne ressemble à aucun autre. Déjà parce que les prévenus sont heureux et « fiers » d’être là. Une d’entre eux a même confié sa déception de n’avoir jamais, jusqu’alors, comparu malgré sa participation à diverses opérations de fauchages. « J’étais pourtant comparante volontaire. Ils ne m’ont pas appelée peut-être parce que je suis une femme… »
Le procès des 60 faucheurs volontaires qui avaient arraché 70 pieds de vigne transgéniques à l’Inra de Colmar le 15 août 2010 a donc débuté hier à la cour d’assises pour se terminer vendredi. La première journée a entièrement été consacrée à l’audition des prévenus auxquels la présidente, Martine Al-Kanje, a donné la parole ; elle en a d’ailleurs été remerciée par un des militants. Il faut dire que si ceux-ci étaient heureux d’être là, c’est notamment pour pouvoir s’exprimer. Et on le comprend, puisque beaucoup ont expliqué que faucher leur faisait « mal au cœur », mais que c’était le seul moyen qu’ils avaient trouvé pour imposer le débat sur les OGM.
On a donc vu défiler ces militants, venus des quatre coins de France, âgés de 20 à 76 ans, aux métiers les plus divers : agriculteurs bien sûr, mais aussi enseignants, médecin, infirmière, gérant de pressing, chef d’entreprise dans le bâtiment, journaliste, bûcheron ou sans profession. « Je travaille à mon autonomie. Ce n’est pas une profession salariée », a indiqué la cadette de la bande.
On a aussi passé la journée à entendre les motivations des uns et des autres, personnelles ou générales. Beaucoup se sont lancés dans une diatribe globale contre les OGM. Il a été question de Monsanto, bien évidemment, mais aussi de la misère des paysans indiens, du suicide quotidien des paysans bretons, de Fukushima, de la famine dans le monde, de l’amiante, des veaux aux hormones… Face aux tentatives de recadrage de la présidente Martine Al-Kanje, ils répondent tous que « tout est lié ».
À plusieurs reprises, la magistrate suggère qu’il existe des voies légales pour exprimer son opposition. Les prévenus rétorquent avoir essayé, sans succès. « On avait interrompu une opération sur du soja transgénique parce que le ministre nous avait promis de nous recevoir. On ne l’a jamais vu. On se fait bananer et on en a ras la casquette ! ». Et d’appeler à « un référendum populaire » sur le sujet. Quand la présidente souligne « la violence » de l’arrachage, les prévenus indiquent que la violence des OGM est plus grande encore.
Nombreux ont parlé de « devoir », de « r esponsabilité morale », de « désobéissance civique », de « résistance ». « Je préfère être jugé par vous que par mes enfants ou ma conscience », a affirmé un faucheur.
Est revenu très souvent également le déni de démocratie. « 80 % de la population est contre les OGM et une structure publique entreprend des recherches dans ce sens, avec nos derniers. C’est incompréhensible ! ». Et d’inviter l’institut à travailler pour l’agriculture vivrière.
D’autres ont affirmé que le but réel de l’Inra n’était pas la lutte contre le court-noué, mais de contribuer à faire passer en force dans les esprits l’acceptation des OGM. « Cet essai est intervenu à un moment où les OGM étaient très critiqués. Et cette vigne dit, par son existence, qu’on peut faire un essai OGM en plein champ. L’Inra a essayé de faire passer l’idée en organisant un simulacre de concertation ».
À plusieurs reprises, M e Ledoux, représentant l’Inra, a mis en cause les prévenus sur leurs compétences scientifiques : « C’est un feu d’artifice d’approximations ! ». À cette attaque, les prévenus ont répondu sur le terrain de la citoyenneté et de la faillibilité de la science. « Même si je ne suis pas un scientifique, j’ai le droit d’avoir une position en tant que citoyen », a dit l’un ; « J’ai eu mon bac et pourtant, aujourd’hui, la science évoluant, on sait que la moitié de mon sujet était fausse », a déclaré un professeur de biochimie.
Enfin, plusieurs agriculteurs bio ont confié leur désappointement : « Je travaille dans la zone du Comté et l’Inao nous impose une charte où les OGM sont strictement interdits. Parallèlement l’ancien ministère Barnier nous a dit que la France avait opté pour la transgénie. Cette contradiction est incompréhensible ! ».
Jeudi, le tribunal entendra les témoins des deux parties.
le 29/09/2011 à 05:00 par Annick Woehl
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