Maternité et chirurgie : un nouveau sursis jusqu'en décembre 2012 (encore 13 mois et demi) après les élections présidentielles et législatives.
Le Directeur de l’Agence Régionale de Santé vient de rendre sa décision : Maintien de la maternité et de la chirurgie jusqu’en décembre 2012, date à laquelle se mettra en place le nouveau schéma régional d’organisation sanitaire (SROS)… et quand sera opérationnel l’hôpital de Crest.
Appel pour une santé plus juste : le combat des "hussards blancs"
Le coût de leur santé et l’accès aux soins sont en passe de devenir une des préoccupations majeures des français. Obligés de payer des mutuelles toujours plus coûteuses ou de se serrer la ceinture pour se soigner, de parcourir parfois des kilomètres pour trouver un praticien, ou d’attendre dans des services d’urgence embouteillés, ils ont pris conscience des crises qui minent le formidable système de soins hérité de la Résistance. Les principes de solidarité sont remis en question. Pourtant, si prolixes sur l’école, la police ou l’immigration, les politiques sont singulièrement discrets sur cette évolution.
C’est pourquoi les professeurs André Grimaldi et Olivier Lyon-Caen, ainsi que Didier Tabuteau, prof à Sciences Po, François Bourdillon, médecin de santé publique, et Frédéric Pierru, chercheur au CNRS, ont pris la plume pour alerter les futurs candidats. Ils ont recueilli le soutien d’un large éventail de représentants de la société civile : pontes de la médecine, comme Laurent Sedel, professeur d’orthopédie, ou médecins de quartier, comme Mady Denantes, comédiens (Charlotte Gainsbourg), scientifiques (Serge Haroche, professeur au Collège de France), chefs d’entreprise (Brigitte Taittinger), représentants d’associations de malades (Christian Saout) ou autorités morales, comme Stéphane Hessel.
Ils ne se contentent pas de pointer les symptômes dont le malade – notre système de santé - est atteint : privatisation rampante, crise de la démographie médicale, remise en question des principes de solidarité et d’égalité qui fondent notre service public. Ils avancent des propositions, qu’ils soumettent à la réflexion collective. Des politiques d’abord, qui à l’orée de la campagne présidentielle ne pourront rester sourds à ce manifeste. Et au-delà de tous les citoyens concernés : professionnels de santé, malades (présents ou futurs), ou simples cotisants. Que le débat commence !
Pourquoi ce "Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire" (Ed. Odile Jacob) ?
Olivier Lyon-Caen Aujourd'hui, près de 15% de la population française, 30% de ceux qui n'ont pas d'assurance complémentaire, renoncent délibérément à des soins parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers d'y accéder. Nous sommes en période préélectorale. C'est le moment de poser la question : "Jusqu'où voulez-vous aller, vous citoyens français, pour conserver un système basé sur la solidarité et l'égalité ?"
Didier Tabuteau La santé, contrairement à l'éducation par exemple, est absente du débat politique, pour de multiples raisons historiques. La République a eu ses "hussards noirs" mais pas ses "hussards blancs" ! Nous voulons que cette fois-ci, à l'occasion de l'élection présidentielle, la santé soit au coeur des réflexions collectives. D'autant qu'il ne faudrait pas renoncer à la solidarité sous prétexte qu'il y a une crise économique. Une population en bonne santé, c'est un investissement d'avenir.
André Grimaldi Nous voulons combattre l'idée que la santé est un bien comme un autre. La concurrence, en santé, fait monter les coûts, et les résultats sont catastrophiques. Le malade, encouragé par les assurances privées, croit que plus c'est cher, plus c'est efficace. C'est faux. Aux Etats-Unis, où règne la concurrence, la santé est chère mais l'espérance de vie a baissé. Dans certains Etats américains, le système public ne rembourse plus les greffes d'organe. Si les gens ne peuvent pas payer, ils meurent. Aujourd'hui, en France, nous sommes à un carrefour : ou bien on régule en décidant que chacun finance ses soins et recourt à l'assurance privée; ou bien l'Etat revoit tout le système de la Sécurité sociale.
Lesquelles des propositions que vous soumettez au débat vous paraissent-elles les plus essentielles ?
D. Tabuteau Celles qui visent à s'attaquer aux inégalités de répartition de l'offre de soins sur le territoire et celles qui empêcheront que le taux de prise en charge de l'assurance-maladie ne continue de se dégrader. Le taux actuel de remboursement de 75,5% - très satisfaisant par rapport aux autres pays - est un mirage. Si les affections de longue durée sont bien remboursées, les soins courants ne le sont qu'autour de 50%. On doit revenir au taux de 80% de 1945. Contrairement à une idée reçue, c'est possible : il y a un régime qui y parvient, celui, particulier, d'Alsace-Moselle. Cela suppose une augmentation des cotisations, un élargissement de l'assiette, mesures qui seront compensées par une baisse des complémentaires : les cotisations sociales étant proportionnelles aux revenus, cela favorisera les plus démunis et les classes moyennes. C'est une grande négociation à mener, difficile, mais c'est un vrai projet politique.
A. Grimaldi Il faut également réviser le "panier" des soins remboursés. Il y a beaucoup à faire comme le montre l'exemple du Mediator qui indépendamment des drames qu'il a provoqués - a coûté 1,2 milliard d'euros ! Nous voulons également revenir sur ce qu'on appelle la "convergence tarifaire", qui consiste à rémunérer de la même manière les hôpitaux publics et les cliniques commerciales. Or les uns et les autres n'accueillent ni les mêmes malades, ni les mêmes pathologies.
O. Lyon-Caen Nous souhaitons que soit engagé un vaste débat sur santé et profit. Ce n'est pas un hasard si les fonds de pension américains investissent dans des chaînes de cliniques privées en France. Dans un système qui cherche à faire du profit, la prévention est le parent pauvre de la santé. Dans ce domaine, la France est comparable à des pays en voie de développement. Il faut donc absolument sanctuariser les fonds consacrés à la prévention, à l'éducation, à la santé publique.
D. Tabuteau Et tout cela, on n'a pas trente ans pour le faire !
Olivier Lyon-Caen est professeur de neurologie (Pitié-Salpêtrière).
André Grimaldi est professeur de diabétologie (Pitié-Salpêtrière).
Didier Tabuteau est responsable de la chaire santé à Sciences Po
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