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mercredi 21 septembre 2011

La crise est devenus le système du néolibéralisme...


La «crise» et la rigueur contre la démocratie
«Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux…» Jacques Brel chantait ça, jadis, et c’est à ça qu’on songeait dimanche, dans le bruyant débitage en flashes lancinants des deux saucissons de l’été à teneur médiocrement politique, mais qui firent feuilleton, cependant. «Du bout des yeux…» : ceux à nouveau pétillants de Dominique Strauss-Kahn, retour de ses monétaires Amériques et de ses frasques hôtelières, et ceux opportunément éteints de Jacques Chirac, à la veille de l’ouverture de son impossible procès.
Ces deux vieux renards-là ne parlent pas, mais leurs proches et leurs partisans, leurs séides et leurs obligés, parlent pour eux. Du premier ils disent qu’il va donner bientôt un entretien à quelque magazine ou quelque télévision, rubrique psycho-people ; du second que rien n’empêcha, et surtout pas les exhortations socialistes et minoritaires d’impeachment portées par Arnaud Montebourg, ils invoquent à la chronique médicale un symptôme d’anosognosie ; l’anosognosie est un truc extrêmement malin qui rend pérennes, avec l’onction de la Faculté, le fromage des exactions et le dessert de l’impunité, avec, cerise sur le gâteux, le salaire assez croquignolet, tout de même, d’un membre du Conseil constitutionnel. De l’un et de l’autre de nos chevaux de retour, l’exercice viendra à point faire larmoyer dans les chaumières. C’est le but, en tout cas, même si, c’est vrai, ce n’est pas gagné.
C’est qu’une autre actualité, moins brillante et plus rigoureuse, où il est prosaïquement question de classes surchargées, d’augmentation du chômage et des impôts, de croissance en berne, fait que l’on s’en fout un peu, du devenir de ces désormais seconds rôles. On écoutera consciencieusement Strauss-Kahn à la télé avec la curiosité relative qu’on accorda à Zinédine Zidane, un soir qu’il confessa que les coups de boule sur adversaire, même en finale de Coupe du monde de football, ne constituent pas un bon exemple pour les petits nenfants. On surveillera distraitement, au terme des audiences sans Chirac du procès Chirac, les compassionnelles plaidoiries de ses avocats matois. Mais nous savons d’avance trop bien que, dans un cas comme dans l’autre, la vérité ne sortira pas, dont nous serons dépouillés aussi impitoyablement que par «les marchés», leurs agences de notation, leurs banquiers véreux et leurs traders pourris.
Au-dessus de ce champ de ruines économico-monétaires, dans le grand enfumage de «la dette» que si on se saigne pas à blanc pour la payer fissa, on est morts, planent sans souci de majesté des «lobbies». Mais de cette nouvelle espèce de charognards, ni Strauss-Kahn ni Chirac n’ont de souci à se faire car «les hommes politiques ne meurent jamais».
Des souffleurs vont répétant cette doxa d’Ancien Régime qui nous suggère non seulement de nous résigner, mais de nous attendre au pire. En sa partition propagandiste, elle fait écho, dans le grand orchestre des cabinets noirs et du cumul des mandats, des florissantes affaires des marchands de canons et des stupéfiants trafics des labos pharmaceutiques, au dogme de «la crise» et de «la rigueur» corollaire, évidemment obligée. Ainsi la querelle des intérêts croisés de Mme Cinq Etoiles et de M. DisneyWorld élabore-t-elle la fiction d’une démocratie sans peuple. Une démocratie de comptables.
L’approche de la présidentielle, ici plus qu’ailleurs, étroitise encore des enjeux dont le scrutin à venir ne donne pas la mesure. A l’échelle de l’Europe, pour des dizaines de millions de chômeurs et autant de précaires sans toit ni foi en cette démocratie-là, des gouvernants entretiennent la fiction d’une absurde «règle d’or», serment d’ivrogne fait par des Etats à des spéculateurs, au zinc du Congrès ou à la terrasse du référendum.
«La détermination [de Nicolas Sarkozy] à la faire adopter est intacte», clamait mercredi encore la porte-parole Pécresse. Pathétique incantation ou chantage misérable, cette autre menterie nourrit le bourbier dans lequel s’enlise la parole publique, quand qui la profère ne fait même plus semblant d’y croire, quand ceux auxquels elle s’adresse ont cessé de faire mine de l’écouter.
Dans ces instants, les apparences de la démocratie, sinon les peuples, ont, de Strauss-Kahn et de Chirac, un besoin pressant.
PS : On évoquait ici, la semaine dernière et à propos de la bande à élus UMP, «le sexe (qui) les titille dans d’assez misérables saillies de soudards». Il suffisait de demander. Celle de la semaine a pour auteur le fameux prébendier du premier cercle sarkozien Pierre Charon, et pour objet la ministre des Sports Jouanno. De l’ex-karatekate avec laquelle il est en rivalité électorale, l’ex-administrateur des chasses présidentielles dit qu’elle serait élue dans tous les cas, «qu’elle soit sur les tatamis ou au lit». Classe. Le style, c’est l’homme, mais c’est aussi le parti.
PIERRE MARCELLE

Solitude
Il est bientôt minuit en Europe et les pyromanes s’en donnent à cœur joie. A Berlin, à Francfort, à Paris ou à Amsterdam, des responsables politiques de premier plan se déchirent publiquement sur les mesures à prendre pour sauver l’euro. Plusieurs beaux esprits kamikazes clament qu’il n’est désormais d’autres solutions pour la Grèce que le défaut de paiement et la faillite organisée. Ils répètent avec le cynisme d’Oscar Wilde qu’«on ne meurt pas de ses dettes, mais qu’on meurt un jour de ne plus pouvoir en faire…» Au même moment, les marchés assassinent en Bourse les valeurs bancaires, jouant avec le risque d’une crise systémique dont les peuples seraient, là encore, les premières victimes. Chacun manie de l’explosif, en toute inconscience, en toute irresponsabilité. En France, mais aussi dans bien d’autres pays de l’Union, on glose depuis longtemps sur la nécessité de remettre de la politique dans l’Europe et de rééquiliber enfin les rapports de forces. Mais les dirigeants de l’Union sont aujourd’hui davantage otages de leur propre paralysie que des marchés financiers. Ils laissent dans une dangereuse solitude la Banque centrale européenne, qui ne peut pas, et ne doit pas, tout régler. Seule l’affirmation claire d’une vision politique de l’euro pourrait ramener un peu de calme et de raison. La Cour constitutionnelle allemande ne s’y est pas trompée, la semaine dernière, en affirmant haut et fort que les peuples, via leurs Parlements, doivent être associés aux mesures d’urgence et aux grands choix politiques. «L’Europe ne progresse que sous l’aiguillon des menaces», disait Jean Monnet. Pourvu que ce soit vrai !
VINCENT GIRET

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