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samedi 18 juin 2011

La Démocratie confisquée par les pétroliers...

Energie et démocratie
Et si le régime politique dépendait des bases physiques sur lesquelles repose la société ? Cette question, posée jadis par Montesquieu et abandonnée depuis Tocqueville, mérite sans doute une attention renouvelée, à l'heure où la crise écologique s'impose au monde.
Le chercheur Timoty Mitchell , professeur à l'université Colombia de New York, l'éclaire de façon stimulante. Dans Petrocratia, version rallongée d'un article remarqué paru dans Economy and Society et précédant un livre plus détaillé à paraître en anglais à la fin de l'année, il démontre comment l'histoire de la démocratie dans les pays occidentaux depuis près de deux siècles ne peut pas être séparée de leur histoire énergétique.
Jusqu'à la révolution industrielle, rappelle-t-il, la principale source énergétique était l'énergie solaire que l'on convertissait, grâce à la photosynthèse, par les cultures et les forêts. Ce mode énergétique supposait de vastes surfaces et un habitat dispersé. Mais, "à partir des années 1840, écrit Mitchell, le charbon fournissait une quantité d'énergie qui aurait exigé une surface forestière équivalente à deux fois la surface du pays (Grande-Bretagne), puis deux fois plus en 1860, et encore deux fois plus en 1890. Grâce à ce "nouveau métabolisme énergétique", une majorité de la population pouvait désormais se concentrer dans des zones éloignées des terres agricoles - dans des villes dont la taille n'était plus limitée par les anciennes contraintes énergétiques".
Cette concentration d'énergie a donné aux travailleurs qui en étaient les producteurs un pouvoir nouveau, qu'ils ont su exploiter pour transformer leur position stratégique dans la nouvelle économie industrielle en puissance politique. "Les systèmes énergétiques traditionnels, par définition dispersés car dépendants des rayons du soleil, n'avaient jamais offert à aucun groupe de travailleurs une telle capacité d'action politique", explique le chercheur.
Entre les années 1880 et l'entre-deux-guerres, "les ouvriers des pays industrialisés d'Europe et d'Amérique du Nord utilisèrent ce pouvoir nouvellement acquis sur les flux énergétiques pour acquérir ou élargir le droit de vote, et surtout pour obtenir le droit de former des syndicats, de créer des organisations politiques et de mener des actions collectives, notamment des grèves".
Moins de travail
Il y a donc une liaison forte entre le système énergétique et le système politique. Mitchell poursuit l'analyse en montrant comment l'avènement du pétrole, à partir des années 1930, a été utilisé par le capitalisme pour affaiblir le mouvement ouvrier. En effet, la production du pétrole est éloignée des zones industrielles, elle exige moins de travail, les ingénieurs y ont plus d'importance que les ouvriers.
Nourri d'une historiographie peu connue, le livre de Mitchell met au jour des stratégies politiques ignorées. Sa dernière partie, dans laquelle il relie les politiques monétaires depuis les années 1970 à la stratégie pétrolière, est plus faible, et l'on espère qu'elle sera plus aboutie dans son livre à paraître chez Verso, à Londres. Mais l'hypothèse de départ de Petrocratia, le lien entre régime politique et régime énergétique, est très forte. Elle doit nourrir la réflexion au moment où les énergies renouvelables, déconcentrées, s'opposent au nucléaire et aux fossiles, et alors que le pic pétrolier est entré dans l'actualité.
Petrocratia. La démocratie à l'âge du carbone
Timothy Mitchell
Editions Ere, 128 p., 14 €
Hervé Kempf

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