C'est une première mondiale: l'Islande veut se doter d'un nouveau texte constitutionnel, et tout le monde peut participer. Via Internet et les réseaux sociaux, citoyens islandais et étrangers font évoluer le projet en débattant et en soumettant leurs propositions...
Frappée de plein fouet par la crise économique, l'Islande avait besoin d'un nouveau souffle. Il pourrait bien venir d'Internet. Les 25 membres du Conseil constitutionnel invitent en effet les citoyens à participer en ligne à l'élaboration de la nouvelle Constitution de l'île. Sur la toile, toutes les plateformes sont mises à contribution pour générer le débat. Le Conseil s'est doté d'une page Facebook, d'un compte Youtube pour partager des vidéos, d'un compte Flickr pour publier des photos et d'un compte Twitter. D'où le surnom de "Constwitution" donné au projet sur le réseau social.
L'Islande met en pratique le "crowdsourcing", néologisme apparu en 2006 qui désigne le fait d'utiliser le savoir-faire et la créativité d'un grand nombre d'internautes afin de réaliser un projet. Les 25 membres du Conseil constitutionnel sont chargés de remplacer la Constitution actuelle, rédigée à partir du modèle danois en 1944. Elus par un vote populaire en novembre 2010, ils travaillent sur la base d'un rapport de 700 pages préparé par un comité, qui a lui-même pris en compte les conclusions du Forum national composé de 950 Islandais choisis au hasard et rassemblés pour une journée de débat. Ils comptent aujourd'hui sur les bonnes idées des citoyens numériques pour les aider à améliorer leur nouveau texte.
Tous sont égaux. Mais que signifie "Tous"?
"Le public voit la Constitution naître devant ses yeux. C’est très différent des temps anciens, où les auteurs de la Constitution estimaient parfois qu'il valait mieux s'isoler et se réunir loin de tout contact extérieur", explique Thorvaldur Gyvalson, un membre du Conseil constitutionnel, au quotidien anglais The Guardian. La population islandaise est a priori prête pour ce genre d’initiative. Selon Statistics Iceland, plus de 90% des foyers islandais possèdent au moins un ordinateur et une connexion Internet. 94% des habitants de l'île lisent la presse et 70% sont inscrits sur les réseaux sociaux.
Sur le site Stjórnlagaráð, les citoyens sont ainsi directement mis à contribution, et sur tous les sujets. Droits humains, élections, système de santé, justice, politique étrangère… chaque domaine fait l'objet de différents articles visibles sur le site, que les internautes peuvent librement commenter. Pas de conditions particulières - pas même celle d'être Islandais! - pour ajouter sa pierre à l’édifice sinon celle de donner son nom et son adresse.
Ainsi, on retrouve aussi bien les propositions de Wolves Nathanaelsson, habitant de Reykjavik que celles de Michael-Paul Gionfriddo, candidat américain à la mairie de Grand Rapids, dans le Michigan. Helgi Briem suggère par exemple que toute discrimination basée sur la religion des individus soit bannie. D'autres préfèrent alimenter le débat et interrogent simplement les membres du Conseil sur certains aspects du texte en cours. "Tous sont égaux devant la loi et jouissent de droits humains sans discrimination", cite Nils Gislason, un internaute islandais. "Mais que signifie 'tous'? Seulement les citoyens islandais? Les étrangers sur le sol islandais? Les groupes d’étrangers choisis?"
Une démocratie véritable
Toutes les semaines, le projet de Constitution est enrichi et mis à jour grâce à ces commentaires déposés sur le site et sélectionnés par les membres du Conseil. Il existe déjà 8 versions du texte. Et leurs réunions hebdomadaires sur la dernière mouture sont retransmises en direct sur la toile.
Sur la page Facebook, ce sont les internautes étrangers qui ont pris le pouvoir. Ils soumettent également leurs propositions et abordent tous les sujets qui font polémique dans leur propre pays, du port des armes à l'euthanasie, de la légalisation du cannabis à la liberté d'expression sur Internet. C’est sans doute ici que l’interaction est la plus forte, puisque les membres du Conseil répondent aux différents commentaires en utilisant leur compte personnel.
Des internautes du monde entier s’enthousiasment pour cette initiative et veulent en faire un modèle pour leur propre pays. "Je suis honoré de vivre à une époque où une démocratie véritable et impliquée est possible. Merci d'avoir créé un nouveau modèle!" s'enthousiasme Sam Long, un jeune Américain. "Pour le peuple, par le peuple... quel concept original!" commente Julie Higgins, une autre internaute. "J'espère que cela marchera pour votre pays."
Le projet modelé et remodelé devrait être prêt à la fin du mois de juillet. Il pourrait ensuite faire l'objet d'un référendum, avant que le Parlement ne l’approuve, donnant naissance à la nouvelle Constitution islandaise.
Reçu du mail groupe de la CEN (Coordination de la Nouvelle Education Populaire http://la-cen.org/), la copie d'un article de Julie Gonnet, journaliste, paru le 22 juin dernier dans l'hebdomadaire La Vie
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