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samedi 18 juin 2011

Médias et politique : liaisons dangereuses...

Médias et politique : liaisons dangereuses
On le sait, la démocratie des droits de l'homme s'érige d'autant mieux qu'elle s'appuie sur quelques principes clairs de séparation : préserver le politique et le religieux de leurs instrumentations réciproques ; éviter la confusion entre la vie publique et la vie privée ; enfin, séparer et équilibrer les pouvoirs, qu'ils soient exécutif, législatif, judiciaire, bien sûr, mais également médiatique et financier.
Il est désolant de constater que lorsque le pouvoir s'intéresse aux médias, il préfère entériner son pouvoir de contrôle (loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France) plutôt que de réfléchir, par exemple, à la non-systématicité d'un renouvellement de concession attribuée aux chaînes ou encore de corréler cette attribution à quelques obligations d'éthique de codécision, comme la mise en place d'une société de rédacteurs à leur tête. Et quand l'initiative n'est pas inintéressante - prenons le cas des Etats généraux de la presse écrite -, le bilan est tel qu'il révèle le leurre de toute cette affaire.
Concernant la sphère médiatique, un nouvel enjeu apparaît peut-être davantage aujourd'hui, dans la mesure où les citoyens cherchent à rendre l'exercice plus "continu" de la démocratie, en défendant par exemple une conception moins intermittente (ayant lieu tous les cinq ans) de la souveraineté, et donc nécessairement plus délibérative et pluraliste. Par rapport à cette idée d'une continuité renforcée de la démocratie, les médias joueront sans doute un rôle déterminant, soit en consolidant l'espéré paradigme délibératif, soit, à l'inverse, en organisant son simulacre
Certes, il est loin le temps où chacun assimilait les médias à un contre-pouvoir. A juste titre, Marcel Gauchet préfère le terme de "méta-pouvoir", parce que conditionnant sans cesse les pratiques des pouvoirs politiques et constituant tant leur infrastructure que leur superstructure. Pour autant, le méta-pouvoir médiatique se révèle un réseau pour le moins intriqué aux pouvoirs qu'il est censé observer et critiquer, expliquer et inspecter.
Une information dont le modèle économique est, par ailleurs, de plus en plus sous tutelle de la marchandisation. Les réseaux sociaux et les nouveaux médias - qui démocratisent la donne, hybrident les contenus, donc croisent les savoirs profanes et experts - rendent certes l'offre d'information plurielle mais demeurent encore trop les chambres d'écho des cycles d'engouement et des rumeurs invérifiables. En ce sens, rien n'est moins sûr que le bel avenir d'une information libre, éclairée, gratuite, indépendante et pluraliste.
Le récent épisode du Huffington Post est, dans son genre, lui aussi symptomatique de cette piètre situation. Voilà un site Web qui tient son succès des plumes de qualité qu'il regroupe, rédacteurs qu'il ne paye - ô étonnement - bien sûr pas, leur vendant en échange visibilité professionnelle et belle reconnaissance sociale, et qui se voit racheté par AOL pour 225 millions d'euros. Et l'on doute encore de savoir qui tire de l'autre sa valeur ajoutée ?
Si les médias ont un rôle si fondamental dans la démocratie, c'est certes pour défendre le lien irréductible entre la citoyenneté et l'information qualitative et gratuite, mais aussi parce que le pacte social est par essence un pacte avec la parole.
Oui, la démocratie est le lieu de la démagogie et de la sophistique. Elle partage, d'ailleurs, cette malchance avec d'autres régimes politiques. Mais ce qu'elle ne partage avec aucun d'eux, c'est le fait qu'elle se fonde sur un double engagement qui consiste, pour l'un, à prendre le risque de dire la vérité et, pour l'autre, à accepter de l'entendre, sans porter préjudice. Ces jeux, comme le souligne le philosophe Michel Foucault, sont au coeur de l'espace public démocratique, soit de la vitalité et de la pérennité démocratiques. Ce pacte, avec le courage de la vérité, les médias ont à l'assumer sans réserve.
Cynthia Fleury, chercheur à la Conservation des espèces, restauration et suivi des populations au Muséum national d'histoire naturelle
Ouvrage : "La Fin du courage" (Fayard, 2010).

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