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dimanche 12 juin 2011

La guerre des valeurs au coeur des banlieues


Vu sur le web ce matin dans la "Bise billes de Malik: les billets d'humeur de la Bise de Malik", blog de Malik Lounès, cette information et le point de vue de son auteur. Une réflexion citoyenne qu'APIS partage avec les lecteur(trice)s de Médias Citoyens Diois.




"C'était une camionnette belle comme un camion. Peinte de toutes les couleurs de l'univers, avec d'immenses fleurs qui rendent heureux. Elle était de toutes les fêtes du quartier, des repas d'été, comme des sapins de Noël, de tous les Carnavals. Sa présence était signe de joie, de cris d'enfants, de rires d'adultes. La belle camionnette a brûlé, un soir de printemps. Rien d'accidentel à ce brutal embrasement. C'est le fait d'une main criminelle.


La camionnette a été victime de l a «guerre des territoires». N'y voir là aucune allusion à des m2 de bitume. La présence de la camionnette n'a jamais empêché la vente du moindre gramme de cannabis, ni d'autre chose d'ailleurs. Le champ de bataille est celui du symbolique, du mental, des valeurs, de l'idéologie. La chaleur humaine, la solidarité, le bonheur gratuit d'être bien ensemble, n'ont pas de place dans le monde des dealers. Ils ont donc brûlé la belle camionnette.


À défaut de s'adapter à des normes incompatibles avec la mentalité qui accompagne leur bizness, ils adaptent le monde à leur système de valeurs. Pour pouvoir se regarder dans une glace, être fier d'eux-même, il faut forcément que le monde soit fait de haine et de violence, partagé entre deux catégories, les forts et les faibles. Il faut être le fort chez les forts, le chef de clan, le mâle dominant de la meute. Et surtout ne pas être une femme, automatiquement classée dans la catégorie «faible», par la malchance d'une naissance sans phallus. Pour les dealers, une femme, «c'est un trou à troncher», qui s'occupera des «chiards» dans la maison que l'on voudra bien lui donner. Ils haïssent la République et ses valeurs. La liberté ? C'est l'apanage des plus riches, donc des plus forts. L'égalité ? Et puis quoi encore ! La fraternité ? Bien sûr, mais toi dessous et moi dessus. Pour eux, tout ça, ce sont des trucs de petit-bourges qui vivent le cul bordé de coton ( bio, bien entendu).


La «preuve» que leur conception du monde est la bonne leur est fourni par l'hypocrisie du système sur laquelle ils construisent leur fortune. Il y a-t-il une raison qui légitime l'autorisation de l'alcool qui ne s'appliquerait pas au cannabis ? Aucune. Inversement, il y a-t-il une raison qui légitime la prohibition du cannabis qui ne s'appliquerait pas à l'alcool ? Aucune également. Pour les dealers, c'est bien la démonstration du complot dont ils seraient les victimes. Incapable de fournir du boulot à tout le monde, le système laisse à ses pauvres une soupape. Assez d'argent pour ne pas se révolter, avec ce qu'il faut de précarité pour les tenir en laisse, grâce à la prison et la répression.


Pour les dealers, dans la vie, c'est chacun pour soi et Dieu pour tous. Il n'est pas rare de les voir se racheter une virginité morale en investissant dans la religion. Ils achètent leur rédemption, comme d'autres achètent des actions. Leur conception du monde et de l'humanité, qui fait de l'argent l'étalon-roi de tout, n'a rien à envier à celle d'un trader de Wall-Street qui affame l'humanité en spéculant sur le cours des denrées alimentaires, ou d'un oligarque russe qui spolie les ressources géologiques de son pays. Ils sont pareils. Les dealers de nos Cités de France adorent le capitalisme ultra-libéral. Il est la preuve qu'ils ont raison, que le monde correspond à leur conception.


La belle camionnette appartenait à la Compagnie des Contraires. C'est une troupe d'artistes au carrefour de la création artistique et de l'action sociale. Elle mélange avec bonheur de multiples disciplines, théâtre, danse, musique, mais aussi arts plastiques, peinture, vidéo, photo. C'est une compagnie citoyenne qui, à travers ses ateliers et ses actions de rue, permet la rencontre, favorise l'entraide, véhicule la tolérance, lutte contre les préjugés de toutes sortes, éduque à l'écologie. La Compagnie intervient aux quatre coins de la planète, à Soweto comme à Rio, mais son point d'ancrage depuis quinze ans, c'est Chanteloups-les-Vignes, dans les Yvelines. Tant et si bien que le petit con qui a mis le feu à la belle camionnette a probablement participé aux multiples initiatives de la Compagnie des Contraires...

La suite de cet article encore long mais qui peut vous intéresser sur:

http://www.lepost.fr/article/2011/06/10/2519502_flower-power-plus-fort-que-les-dealers_1_0_1.html

APIS
Jean-Noël Chassé

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