Hautes-Alpes à hurler avec les loups sous la pleine lune.
(Photo : ONCFS)
L’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) compte les chamois,…. et les loups. Ce comptage permet à tous d’avoir une idée de la présence de la Faune dans la Drôme. Mais en 2010 la Fédération Ovine de la Drôme (FDO) s’est opposée au comptage des loups. « Une bonne façon d’affirmer qu’il y a beaucoup de loups et que l’espèce n’est plus menacée. Et donc que la convention de Berne sur la « Protection d’une espèce protégée » ne s’appliquerait plus. Et comble d’irresponsabilité, le Préfet de la Drôme a accepté ce dictat des éleveurs. Alors que le comptage aurait pus les aider. La vérité ne peut nuire…
Hurler pour compter.
Il est 21 heures dans les locaux de l’office national des forêts. « Alors, prêts à hurler ? » plaisante Christophe Duchamps, directeur de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), en charge de l’opération. Cette nuit, 24 volontaires participent à l’opération spéciale de hurlements provoqués. Répartis sur des points clés de la vallée, ils doivent imiter le loup dans l’espoir d’une réponse, authentique cette fois, provoquée par le réflexe canin de base. L’objectif de l’opération est de faire répondre une meute, et « de mettre en évidence la reproduction printanière », autrement dit la présence de louveteaux.
Avant de partir, l’initiation au hurlement est obligatoire. Inspiration, mains en cornet autour de la bouche, « Ahou ahouuuuu... ». Quelques non-initiés ont beau esquisser un sourire, la situation est très sérieuse. Car il faut bien distinguer les adultes de leurs louveteaux, dont on cherche justement à démontrer la présence. Il va donc falloir tendre une oreille bien aiguisée.
Chasse
Christophe débite les informations avant de répartir les équipes sur les différents secteurs, il n’y a pas une minute à perdre, car la fenêtre est serrée. Les loups se remettent en chasse dès le milieu de la nuit, et Christophe espère qu’on les surprendra avant. Équipé d’une simple carte IGN, chaque responsable de groupe porte sous le bras un cône en plastique orange qui sert à amplifier les hurlements. « Le loup, c’est quand même une légende » souffle un des bénévoles avant de s’engouffrer dans la voiture. Une légende réfutée par Christophe et ses collègues, « on n’a aucune fascination pour lui, on compterait les marmottes cendrées ce serait pareil » grogne un ancien de la maison venu prêter main-forte aux collègues. Car, légende ou pas, le loup reste trop souvent insaisissable, et ces opérations ne réussissent qu’une fois sur cinq en moyenne.
Direction Céüze, la petite clio peine sur les sentiers mal dégrossis du massif, et c’est tout secoués qu’on arrive enfin « sur zone ». Ici la discrétion est de mise : portières fermées délicatement, chuchotements, les bruits de la nuit prennent peu à peu le dessus. L’air est clair en ce soir de pleine lune, « un bon signe, Christophe ? », « Mouais, pour les loup-garous peut-être ! ».
Tout le monde est prêt, Christophe porte le cône à ses lèvres :
« Ahouuuuuuu.... », Thierry son complice le relaie pour un cri de meute à vous donner la chair de poule. Puis vient l’attente. Plus un mot, on tend l’oreille vers la vallée, mais seuls les chiens répondent à l’appel. Le rituel est répété six fois, selon un protocole bien ficelé. Une pause de vingt minutes entrecoupe la séance, le moment de sortir un petit casse-croûte du sac. Saucisson, pruneaux et cigarettes roulées, on partage tout. Le temps pour Christophe de faire quelques confidences sur les opérations précédentes, et nos éventuelles chances de réussite, visiblement moindre au deuxième essai. Soudain une sorte de cri s’échappe d’un bosquet en contrebas. Les conversions cessent, par pur réflexe. Mais le verdict tombe : « ça, c’est pas un truc de loup » tranche Christophe.
Dur comme fer
Bredouilles, on remonte donc en voiture pour atteindre le deuxième site vers 23 h 30. Alors qu’on continue de s’époumoner sans résultat, enfin, quelques voix semblent monter de la vallée. Les néophytes y croient dur comme fer. Dubitatif, Christophe sort sa petite radio de sa poche : « Thierry pour Christophe, tu me reçois ? C’est vous qui venez de hurler ? », « Crrr crrrr, affirmatif Christophe ».
Mais la déception est de courte durée. Toujours par radio, on apprend qu’un autre groupe a entendu une meute au loin. Comme ils sont à une heure de marche de leur point de départ, à nous d’approcher de la vallée en question pour vérifier. Chacun sort de sa torpeur et les cœurs accélèrent la cadence. Sur place, du côté de Châteauneuf-d’Oze, les marnes reflètent les rayons lunaires, laissant imaginer mille cachettes pour le prédateur si recherché. Pourtant après plusieurs essais la nuit reste muette. Une autre équipe arrivée en renfort vient semer le doute, l’origine supposée des cris ne colle pas avec la répartition des équipes. Vérification faite, il s’agissait bien d’une erreur, les hurleurs se sont mutuellement pris pour des loups.
« On cherche une aiguille dans une botte de foin » souligne un habitué. Les dires d’une éleveuse venue en renfort confirment pourtant la présence du prédateur dans les alentours. Et si, malin, il avait compris que ces hommes de la nuit tentaient de se jouer de lui ?
Lucie ROBERT le 30/08/2010
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