"Affaire de la dioxine": un petit procès pénal pour un scandale écologique
Un scandale écologique sans précédent en France, l'affaire de la pollution à la dioxine issue d'un incinérateur de déchets en Savoie n'aboutit qu'à un petit procès pénal, qui a lieu les 29 et 30 novembre à Albertville.
Cette affaire avait débuté en octobre 2001 par la fermeture administrative de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère à la suite de mesures de taux anormalement élevés de dioxine, polluant cancérogène, dépassant parfois jusqu'à 750 fois la norme maximale autorisée.
Par mesure préventive, près de 7.000 bêtes, essentiellement des vaches, avaient été abattues. Plus de deux millions de litres de lait et 24 tonnes de produits laitiers avaient été détruits en raison des risques de contamination humaine.
Cette pollution à la dioxine est considérée comme l'une des plus graves en Europe depuis la catastrophe de l'usine Seveso en Italie en 1976, qui avait contaminé 193 personnes.
En mars 2002, près de 200 riverains, affirmant que les rejets nocifs de l'incinérateur de Gilly avaient provoqué une augmentation de cancers, avaient déposé plainte. Une information judiciaire pour "homicide involontaire et mise en danger de la vie d'autrui" avait été ouverte.
Lors d'une instruction très médiatisée de cinq ans, la juge Hélène Lastera avait mis en examen deux préfets, mais ces procédures avaient ensuite été annulées faute, notamment, de charges suffisantes.
La juge avait également entendu comme témoins trois anciens ministres de l'Environnement: Michel Barnier (1993-1995), Corinne Lepage (1995-1997) ainsi que Dominique Voynet (1997-2000).
Les expertises aux ordres, qui n'ont démontré aucun lien de causalité certain entre la pollution à la dioxine et les cancers, ainsi qu'une étude concluant à l'absence d'augmentation significative de cancers, ont juridiquement dégonflé l'affaire.
Seul l'exploitant, Novergie Centre-Est, filiale de Suez-Environnement, sera finalement jugé en tant que personne morale pour non-respect des normes environnementales, au côté d'un ex-directeur.
Les riverains ont été déboutés de leur constitution de parties civiles. Seules six associations et syndicat les représenteront à l'audience.
S'estimant privées d'un "vrai procès", les parties civiles ont néanmoins fait citer comme témoins Corinne Lepage et Dominique Voynet. Ces dernières avaient à l'époque mis en garde les préfets sur la nécessité de respecter les normes européennes d'émission de dioxine.
L'avocat des parties civiles, Me Thierry Billet, a également fait citer comme prévenus un ancien préfet de Savoie, Pierre-Etienne Bisch (1996-1999) ainsi qu'Albert Gibello, ex-président du syndicat intercommunal propriétaire de l'incinérateur et ancien maire d'Albertville, mis hors de cause.
Le tribunal décidera, à l'ouverture de l'audience, de la recevabilité de cette demande qui vise, selon Me Billet, à aborder le fond du dossier faute de pouvoir déterminer les vraies responsabilités de ce "scandale".
En 2008, l'incinérateur de Gilly a été démantelé. "Cette affaire c'est le pot de terre contre le pot de fer. Je n'attends rien du procès", estime Claire Breche, riveraine et ex-partie civile victime d'un cancer du sein en 1996.
Un rapport fumeux
Les dioxines de l'usine d'incinération de Gilly-sur-Isère ont-elles provoqué un excès de cancers chez les riverains ? Selon les investigations de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, la région a été souillée jusqu'à quinze kilomètres de l'incinérateur. Le magistrat instructeur a missionné trois « experts » pour vérifier si un lien de causalité peut être établi entre les dioxines et les nombreux cancers signalés dans le coin. Leur rapport, remis en septembre, refuse d'établir le lien de causalité. Sans l'exclure tout à fait.
Les experts indiquent que «personne ne peut contester qu'à Gilly-sur-Isère et à Grignon (village voisin se trouvant souvent sous les fumées), les sujets porteurs de cancers ont été exposés à la dioxine. Il est important de noter qu'une des patientes possède toujours un taux très élevé et tout à fait au-dessus des normes autorisées de dioxine dans le sang». Pour autant, ils ajoutent que «rien ne permet d'affirmer une relation exclusive et directe de causalité», entre dioxines et cancers. Les experts s'en remettent à une étude épidémiologique menée par l'Institut national de veille sanitaire, attendue sous peu. Il n'est, selon eux, «pas exclu» qu'elle «puisse trouver une augmentation significative du nombre de cancers». Si c'était le cas, ajoutent-ils, il faudrait «évoquer la possibilité d'un lien de causalité entre pollution et cancer».
APIS
ENJEUX PROCES 19/20 NOV 2010
COMMMUNIQUE EUROPE ECOLOGIE/LES VERTS
UNE JUSTICE PARTIALLE ET AUX ORDRES
Le procès dit de la dioxine (29 et 30 novembre) concerne une plainte déposée par l’ACALP, la CFDT, Bien Vivre en Tarentaise et des malades du cancer, pour « mise en danger de la vie d’autrui » par une exposition aux pollutions du four d’incinération de Gilly/Albertville. Cette infraction n’a pas été retenue car la justice via des experts, argue que les anomalies de santé pouvaient éventuellement provenir d’autres causes que dioxines ! Donc malheureusement le procès va se réduire à une simple infraction à la réglementation du contrôle des installations dites dangereuses… ainsi qu’au seul jugement de l’employé de Novergie qui a violé les scellés de l’incinérateur pour dépanner rapidement un autre four.
- Après une longue instruction, une étude épidémiologique a conclu à l’absence de lien absolu entre l’exposition aux polluants et les maladies constatées chez les riverains du four. Les experts qui ont ainsi conclu ont été désignés de manière arbitraire par la chambre de l’instruction. Le sérieux de leur étude est remis en cause par des scientifiques éminents. Par ailleurs, une étude nationale conduit à affirmer que le risque de contracter certains cancers est plus important à proximité des incinérateurs. Ce qui conduit le procureur à expliquer face caméra que « quand bien même il y a plus de cancer à proximité des incinérateurs, vous ne pouvez pas prouver que VOTRE maladie est due à l’incinérateur ». Il y a suffisamment de pollutions de toutes sortes pour qu’elles s’exonèrent de responsabilités les unes les autres ! Circulez !
- La question posée est donc celle de l’indépendance des expertises en cas de plainte pour des dommages sur la santé en cas de grave pollution. La justice aujourd’hui n’offre pas de réponse ;
Plus grave encore, devant un pourvoi de l’avocat des plaignants, pour réfuter la procédure arbitraire d’expertise, la cour de cassation a publié un arrêté dans lequel elle déclare que c’est au plaignant de prouver que le pollueur l’a exposé à un risque vital (inversion de la charge de la preuve) !
Cette situation scandaleuse conduit les plaignants à déposer une requête auprès de la cour européenne pour contester une nouvelle règle du droit qui conduirait pratiquement à empêcher de faire le lien entre pollution de l’environnement et dommage à la santé des populations.
- La justice avait agi différemment dans le cas de l’amiante. Faut-il y voir cette fois un nouveau coup porté à l’indépendance de la justice rendue au nom du peuple français ?
- Bien sûr il faut continuer de travailler la réflexion indispensable sur la question des déchets. Mais il est tout aussi indispensable que la justice, à travers ce procès, n’introduise pas une jurisprudence disculpant les pollueurs en entravant les recours en justice des populations exposées aux polluants.
- Les écologistes seront aux côtés des plaignants et porteront un programme pour la présidentielle qui, entre autre, corrige cette révoltante situation.
Elisabeth Roulet
BESSET Jean Pierre
BERLAND MIREILLE
Europe Ecologie –Les Verts
Tél.: 04 79 32 06 02
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