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mercredi 23 février 2011

Dérèglement climatique ...sous estimé

Risques climatiques sous-estimés
Pluies diluviennes, sécheresses extrêmes, écosystèmes menacés… Ces risques du changement climatiques évoqués par les scientifiques sont-ils surestimés ou sous-estimés par les expertises et les simulations informatiques ? Plusieurs études récentes montrent qu’ils sont plutôt sous-estimés.
Ainsi, la semaine dernière une étude publiée dans la revue « Nature »  montre que l’intensification des pluies diluviennes est déjà mesurable.
Cette intensification est un phénomène attendu. Le rapport 2007 du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) soulignait : «la capacité de l’atmosphère à retenir l’eau augmente de 7% pour chaque degré Celsius supplémentaire» (loi de Clausius-Clayperton). Océans plus chauds, évaporation plus intense, atmosphère plus chaude…, la quantité de vapeur d’eau a augmenté de 5% au-dessus des mers depuis le début du 20ème siècle  notent les climatologues. Mais cette disponibilité accrue de vapeur d’eau allait-elle se traduire par des pluies diluviennes plus fréquentes et plus intenses ?
Il n'était pas évident de répondre à la question. D'abord parce que cette intensification est encore faible au regard de celle attendue pour le futur - le changement climatique n'en est qu'à ses débuts, il faut se souligner. Ensuite parce que cela nécessitait de distinguer dans les évolutions éventuellement mesurées les parts respectives des oscillations naturelles du climat et de la tendance au réchauffement. L’affaire est délicate, puisqu’il s’agit d’événements rares - que les cycles océaniques tropicaux (El Niño/La Niña dans le Pacifique ou ceux de l’Atlantique) jouent un rôle très important qu’il faut distinguer de celui de la tendance climatique - et la méthode statistique utilisée devait donc être sophistiquée.
 Cette intensification est pourtant déjà mesurable affirme l’article de Nature. La démonstration est fondée sur l’analyse minutieuse d’une base de données du Hadley Centre, sur plus de 6000 stations météo réparties sur l’Hémisphère Nord (Etats-Unis, Amérique centrale, Europe, Inde, Chine) sur la période 1951-1999. Les pluies diluviennes de ces stations ont été comparées à des modélisations numériques, à la recherche d’une «empreinte digitale», expliquent les signataires de l’article, de l’effet de serre intensifié sur leur fréquence. (voir graphique ci dessus tiré de l'article).
Le résultat semble solide. Surtout, il suggère que les simulations du climat futur sous-estiment cette réaction de la planète à nos injections massives de gaz à effet de serre (plus de 30 milliards de tonnes de CO2 par an pour le charbon, gaz, pétrole et fabrication du ciment).
Dans la même livraison de Nature, un autre article (2) montre que les pluies diluviennes qui se sont  abattues sur l’Angleterre et le Pays de Galles à l’automne 2000 auraient eu nettement moins de chance de se produire en l’absence du changement climatique. Attention : l'étude ne dit pas que ces pluies n'auraient pas pu survenir si nous n'avions pas commencé à changer le climat, mais que la probabilité de leur survenue a augmenté de ce fait. 
Paradoxe du changement climatique en cours: la prévision d’inondations accompagne celle de sécheresses plus fréquentes. Les climatologues auraient-ils du mal à choisir entre deux maux souvent perçus comme alternatifs ou contradictoire ? Non, le climat est vraiment retors, et sa réaction à nos émissions de gaz à effet de serre concocte simultanément les deux.
En été 2002 l’Europe a subi des inondations généralisées, mais l’année suivante, 2003, a été celle des records de vagues de chaleur et de sécheresse. Les sécheresses de 2010 en Russie et en Ukraine pèsent sur le prix du blé sur le marché mondial. Un article  paru dans Science (3) montre que celle survenue en Amazonie en 2010 est encore plus forte que celle de 2005 pourtant qualifiée de «sécheresse du siècle». Surtout, les signataires estiment que cette sécheresse a provoqué le relargage dans l’atmosphère de grandes quantités de CO2, les deux années de sécheresse annulant dix ans de stockage de carbone par la même foret… et intensifiant d’autant l’effet de serre (en fait il y a encore discussion entre scientifiques sur ce puits de carbone et son ampleur, lire ici). Là aussi, il s’agit d’un phénomène sous-estimé par les simulations numériques du climat futur sur cent ans.
Quelles seront les conséquences de ces bouleversements climatiques sur les écosystèmes ? Là aussi, la sous-estimation semble de mise. Un article récent (4) parus dans les PNAS a montré que, même avec un changement climatique modéré une écrasante majorité de 238 écorégions qualifiées d’exceptionnelles seront sous «stress» climatique. Elles auront à faire face de manière «régulière e fréquente» à des conditions climatiques, températures en particulier, aujourd’hui (la période 1961-1990) considérées comme extrêmes et rarissimes. De manière contre-intuitive, ce risque concerne les régions tropicales où la variation en valeur absolue des températures sera faible en valeur absolue mais très forte au regard des variations actuelles et donc des capacités d’adaptation des espèces animales et végétales régionales.
Et si le changement climatique ne s’arrêtait pas aux 2°C de plus qu’avant l’ère industrielle, comme le souhaite l’objectif fixé à la dernière conférence internationale de l’ONU, à Cancun ? Un ensemble d’études publiées par la Royal Society (5) s’interroge sur un monde à «plus 4°C». Une valeur, réaliste, encore inférieure à celles que prévoient certains modèles numériques. Et qui pourrait être atteinte dès les années 2070 si les émissions poursuivent la trajectoire actuelle. Dans ce monde, expliquent avec sérieux les auteurs d’une série d’articles, la géographie physique se modifierait à grande vitesse, et les problèmes - eau, production alimentaire, hausse du niveau marin, émigration forcée… - soumettraient les capacités de gestion et d’adaptation des sociétés humaines à rude épreuve.
Sylvestre Huet,
(1) Min et al. Nature du 17 février 2011.
(2) Pardeep Pall et al, Nature du 17 février 2011
(3) Simon Lewis et al. Science du 4 février 2011.
(4) Linda Beaumont et al. PNAS, 24 janvier 2011.
(5) Philosophical transactions A 13 janvier 2011.


 

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