L’Internationale situationniste et la querelle du romantisme révolutionnaire
La compréhension de l’art des deux derniers siècles passe par la compréhension des mouvements politiques avec lesquels il a eu partie liée, comme en atteste notamment l’histoire des avant-gardes. Si les modalités de cet appariement ont été multiples, elles peuvent toutefois se rassembler autour d’un double mouvement, résumé en 1939 par Walter Benjamin: esthétisation de la politique et politisation de l’art 1 (Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique [1939], trad. M. de Gand.)
Au XXe siècle, l’Internationale Situationniste offre cependant le cas exceptionnel d’une fusion totale de l’art et de la politique, à travers leur commun dépassement. L’Internationale Situationniste (I.S.) est à l’origine une avant-garde artistique révolutionnaire, née en 1957 d’un constat très simple : la décomposition des anciennes superstructures culturelles, épuisées par plus d’un demi-siècle de contestation avant-gardiste. Le but des situationnistes est donc de dépasser l’art en ouvrant à la création libre le champ du comportement et des situations de la vie quotidienne. Pour parvenir à cette fin, il apparaît indispensable de mettre fin à la division du travail artistique, entendue de deux manières : supprimer la séparation entre artistes et spectateurs, pour que chacun devienne le créateur de sa propre vie ; et supprimer la séparation entre les arts, afin que toutes les pratiques soient réunifiées dans la production de l’existence comme œuvre d’art totale, et de ce qui détermine ses qualités passionnelles : la ville et les possibilités de rencontre qu’elle recèle. L’architecture et l’urbanisme, venant rassembler les expérimentations développées en peinture, en sculpture, au théâtre ou en musique, deviennent ainsi les premiers moyens de construction d’une vie intégralement poétique.
- Evidemment, ce programme de bouleversement des mœurs est condamné à rester utopique s’il n’est pas accompagné d’un projet de révolution sociale et politique. Il est conditionné par l’abolition du travail aliéné, c’est-à-dire par l’abolition du capitalisme et la réorientation radicale des fins du système de production industriel ; et le projet d’autonomie individuelle et collective qu’il contient suppose aussi l’abolition de l’Etat et de toute autre forme d’organisation hiérarchisée ou de représentation aliénée, ainsi que la réalisation d’une société sans classes.
- Le projet situationniste de dépassement de l’art exige donc aussi un renouvellement complet du projet révolutionnaire à la mesure des nouveaux objectifs qui lui sont assignés, ce qui amène les situationnistes à inverser l’ordre des priorités : la recherche et l’expérimentation des formes que pourrait prendre la vie quotidienne dans une société situationniste, qui étaient l’activité principale des membres de l’I.S. entre 1957 et 1961, vont leur fournir les éléments d’un renouvellement de la théorie et de la pratique révolutionnaires, restées figées jusque là dans le dogmatisme idéologique et la commémoration des révolutions vaincues.
L’objectif prioritaire devient donc, à partir de 1961, la critique de la société capitaliste moderne, définie par Guy Debord comme société du spectacle 2 (Le livre de Guy Debord portant ce titre paraît en 1967. La même année paraît l’autre ouvrage).. et l’appui incessant apporté à toutes les tentatives subversives visant à permettre aux hommes de créer librement leur propre vie.
C’est pourquoi l’I.S., jusqu’en 1972 (date de son autodissolution), va être partie prenante des troubles révolutionnaires qui éclatent à l’époque en Europe et aux Etats-Unis. En France, les situationnistes jouent ainsi un rôle notable dans le déclenchement de mai 1968. Ayant combattu sur les barricades, leurs slogans étant repris sur les murs de Paris, ils participent au premier comité d’occupation de la Sorbonne, et font tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir le mouvement de révolte et la grève générale. Les autorités ne se tromperont pas sur le caractère politiquement menaçant de l’organisation situationniste, dans la mesure où ses publications seront plusieurs fois saisies, ses membres poursuivis par la police, surveillés par les services secrets, emprisonnés, voire physiquement menacés.
Passée sans discontinuité du statut d’avant-garde artistique à celui d’avant-garde politique, l’I.S. est donc une sorte de cas d’école pour tout ceux qui voudraient étudier les relations entre esthétique et politique au XXe siècle.
C’est justement dans ce passage de l’art à la politique (ou plutôt du dépassement de l’art au dépassement du politique) que naît la querelle du « romantisme révolutionnaire », qui va se développer entre les situationnistes et Henri Lefebvre, de 1957 à 1960.
Qui est Henri Lefebvre ? Il est peut-être nécessaire de le rappeler, dans la mesure où il est une figure aujourd’hui oubliée de la philosophie marxiste française, mais aussi parce qu’il est lui-même, en un certain sens, un bon exemple de ce romantisme révolutionnaire dont il a proposé le concept 3 (Kurt Meyer, Henri Lefebvre : Ein romantischer Revolutionnär, Wien, Europa Verlag, 1973..) Dans le champ intellectuel français des années 1950, Henri Lefebvre est l’une des figures les plus en vue, l’un des rares philosophes capables d’affronter Sartre ou Merleau-Ponty sur le terrain du marxisme 4 ( Si l’on excepte d’une part les communistes dissidents qu’étaient Pierre Naville et Dionys Mascolo,…) C’est à vrai dire un marxiste assez hétérodoxe : venu à Marx par la lecture de Hegel, de Schelling et des romantiques allemands, il a été assez proche du surréalisme dans les années 1920. Ayant adhéré au Parti communiste, sa position y est paradoxale : bien qu’il accepte totalement, en matière politique, la discipline stalinienne, on y accueille plutôt froidement ses recherches les plus novatrices, telles que La Conscience mystifiée (1936), l’un des apports philosophiques les plus intéressants sur les notions d’aliénation, de fétichisme et d’idéologie (dans la droite ligne du Lukacs d’Histoire et conscience de classe), ou La Critique de la vie quotidienne (1947), dans laquelle il pose les fondements d’une sociologie de la quotidienneté. Dans l’après-guerre, Lefebvre commence d’ailleurs à critiquer de plus en plus ouvertement le stalinisme du P.C.F., ce qui lui vaut finalement d’être exclu du Parti en 1958 5 (Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, Paris, Métailié, 1988..)
C’est donc à la veille de son exclusion, en mai 1957, qu’il rédige un article intitulé « Vers un romantisme révolutionnaire », qui sera publié dans la N.R.F. en octobre de la même année. L’article s’ouvre sur un double bilan : d’une part, la crise de l’idéal socialiste, « compromis à la fois par le “stalinisme”, par sa mise en accusation, par la “déstalinisation” avortée » et l’échec des intellectuels à formuler une politique révolutionnaire articulée de manière cohérente avec leur activité d’artistes ou de penseurs ; d’autre part la crise de l’art moderne, immobilisé dans l’impasse d’un épuisement formel et d’une incapacité à affronter, voire à dépasser « le caractère foncièrement problématique – donc incertain – de la vie réelle » dans le monde moderne 6. (6 Henri Lefebvre, « Vers un romantisme révolutionnaire », La Nouvelle Revue Française,…)
Au même moment, dans le Rapport sur la construction des situations publié en juin 1957 et qui constitue le document préparatoire pour la fondation de l’I.S., le situationniste Guy Debord fait un constat identique : selon lui, l’époque est celle d’une « crise essentielle de l’Histoire », crise sur le plan politique dans la mesure où le stalinisme en U.R.S.S. et dans les autres pays du bloc de l’Est a été l’un des obstacles majeurs à la poursuite d’une véritable politique révolutionnaire dans les trente dernières années (mais, plus optimiste que Lefebvre, Debord estime que l’année 1956 marque le début d’« une nouvelle phase de la lutte », d’une nouvelle « poussée des forces révolutionnaires ») 7 (Guy Debord, Rapport sur la construction des situations [1957], Paris, Mille et une nuits, 2000.)
– et crise sur le plan culturel, où l’impuissance générale se manifeste dans la répétition stérile des vieilles démarches datant de Dada et du surréalisme, dans le néant assumé comme sujet possible de l’œuvre littéraire ou artistique, voire dans des tentatives de restauration pure et simple des anciennes valeurs culturelles. A travers cette description qui prend les allures d’un jeu de massacre, Debord vise explicitement le surréalisme de l’après-guerre, le néo-dadaïsme, l’existentialisme et le réalisme socialiste 8 (Guy Debord, op. cit., p. 16-23…)
La solution réside selon lui dans une nouvelle alliance entre l’art et la politique révolutionnaire, qui passe par l’expérimentation de nouvelles manières de vivre.
Les cibles de Debord sont aussi celles que vise Henri Lefebvre dans son article. Pourtant, Debord et Lefebvre ne se connaissent pas encore, et ils mènent leurs propres recherches de manière séparée, mais simultanée 9 (Lefebvre écrit son article en mai 1957 et le publie en octobre de la même année,…)
En revanche, la rencontre entre les deux hommes va justement se produire sur la question du « romantisme révolutionnaire », un concept élaboré par Lefebvre pour dégager la signification politique des changements survenus dans la sphère culturelle, depuis l’échec des dernières tentatives de renouvellement artistiques et littéraires de l’après-guerre.
Le romantisme révolutionnaire que Lefebvre appelle de ses vœux, et qu’il croit déjà distinguer chez quelques artistes, ce romantisme révolutionnaire se définit par opposition à l’ancien romantisme, tout en approfondissant certaines de ses tendances les plus fécondes.
Comme l’ancien romantisme, il est l’expression d’un désaccord, d’un déchirement entre le subjectif et l’objectif, entre le vécu et les représentations, entre l’homme et le monde : il part de l’ennui, de l’insatisfaction concrète et du désespoir face à l’existant. Mais en réaction à ce mal de vivre, l’ancien romantisme avait choisi de « [prendre] distance par rapport au présent en se servant du passé » : il jugeait l’actuel au nom d’un passé idéalisé, il vivait « dans l’obsession et la fascination de la grandeur, de la pureté du passé »10 (Henri Lefebvre, op. cit., p. 657..)
Ce passé signifiait toujours le retour en arrière dans le temps, soit historique, soit psychologique, vers les origines. Il s’agissait parfois du “primitif”, de la simplicité et de la pureté native ; tantôt du moyen âge ou de l’antiquité ; tantôt de l’enfance. Le mythe du passé prenait donc des formes diverses, toujours poignantes, allant jusqu’à la fascination de l’inconscience. Plus généralement, l’ancien romantisme transformait le fétichisme et l’aliénation en critères du vrai et de l’authenticité : la possession, la fascination, le délire. D’où un contenu réactionnaire. (Henri Lefebvre, op. cit., p. 664.)
Alors que l’ancien romantique peut en fin de compte se résumer par la figure de « l’homme en proie au passé », le nouveau romantique, le romantique révolutionnaire, est lui, au contraire, « l’homme en proie au possible »12 (Henri Lefebvre, op. cit., p. 664.)
Le drame intérieur du romantique révolutionnaire est en effet ce que Lefebvre appelle la conscience du possible-impossible, c’est-à-dire, comme le dit Debord dans le Rapport sur la construction des situations, « le conflit perpétuel entre le désir et la réalité hostile au désir »13 ( Guy Debord, op. cit., p. 41).
La conscience du possible-impossible repose sur l’intuition que l’appareillage technique développé par le capitalisme pourrait être mis au service d’une distribution égalitaire des biens, pour rendre une « plénitude neuve » à la vie, et permettre « une communication plus profonde » et plus authentique entre les êtres. Mais au lieu de cela, règnent « l’injustice et le mensonge, plus puissants et plus omniprésents que jamais », une « étouffante impression d’incommunicabilité », le tout culminant dans la « conscience de vide » et dans le « vide des consciences »14 (Henri Lefebvre, op. cit., p. 662-663 et p. 670-671).
C’est dans cette conscience du possible-impossible que réside le caractère révolutionnaire du nouveau romantisme, dans la mesure où il est ainsi conduit à formuler son « opposition radicale à l’existant au nom du possible »15 ‘Henri Lefebvre, op. cit., p. 665).
. De plus, le romantisme révolutionnaire en vient à poser dans de nouveaux termes la vieille question romantique du rapport entre l’homme et la nature : en effet, « le pouvoir gigantesque des hommes réunis sur la nature se traduit pour chacun d’eux en impuissance. Ce pouvoir humain se transforme encore – sous nos yeux, autour de nous, avec nous, en nous, sur nous – en pouvoir de quelques hommes sur d’autres. » Dès lors « comment faire pour que le pouvoir (des hommes sur la nature) devienne plus qu’un moyen : une substance, une puissance partagée, à laquelle chacun puisse participer plus et autrement que par le rêve et l’imagination ? »16 (Henri Lefebvre, op. cit., p. 669). En posant cette question, le romantisme révolutionnaire ouvre la voie à la critique de la propriété privée des moyens de production, qui est aussi, comme on sait, la question centrale du communisme révolutionnaire.
Par l’art, on est donc en définitive reconduit à la politique, et ce sont justement ces deux déterminations de la praxis qu’Henri Lefebvre cherche à articuler de façon cohérente.
C’est précisément autour de ce concept de romantisme révolutionnaire que va s’engager le dialogue entre Henri Lefebvre et les situationnistes, ou plus exactement entre Lefebvre et Debord. Le premier contact a lieu en 1958, par revues interposées. Après avoir lu l’article de Lefebvre dans la N.R.F. d’octobre 1957, Debord rédige à son tour un article dans le n°1 de la revue Internationale situationniste, article intitulé « Thèses sur la révolution culturelle », dans lequel il discute la validité des théories de Lefebvre par rapport à l’Internationale Situationniste.
Voici ce qu’il écrit dans les thèses n°5, 6 et 7 :
5. Nous sommes séparés pratiquement de la domination réelle des pouvoirs matériels accumulés par notre temps. La révolution communiste n’est pas faite et nous sommes encore dans le cadre de la décomposition des vieilles superstructures culturelles. Henri Lefebvre voit justement que cette contradiction est au centre d’un désaccord spécifiquement moderne entre l’individu progressiste et le monde, et appelle romantique-révolutionnaire la tendance culturelle qui se fonde sur ce désaccord. L’insuffisance de la conception de Lefebvre est de faire de la simple expression du désaccord le critère suffisant d’une action révolutionnaire dans la culture. Lefebvre renonce par avance à toute expérience de modification culturelle profonde en se satisfaisant d’un contenu : la conscience du possible-impossible (encore trop lointain), qui peut être exprimée sous n’importe quelle forme prise dans le cadre de la décomposition.
6. […] Il faut mener à leur destruction extrême toutes les formes de pseudo-communication, pour parvenir un jour à une communication réelle directe (dans notre hypothèse d’emploi de moyens culturels supérieurs : la situation construite). […]
7. Dans le monde de la décomposition, nous pouvons faire l’essai mais non l’emploi de nos forces. La tâche pratique de surmonter notre désaccord avec le monde, c’est-à-dire de surmonter la décomposition par quelques constructions supérieures, n’est pas romantique. Nous serons des “romantiques-révolutionnaires”, au sens de Lefebvre, exactement dans la mesure de notre échec. 17 (Guy Debord, « Thèses sur la révolution culturelle », Internationale Situationniste n°1, juin 1958).
A première vue, la condamnation est sans appel : en dépit d’une certaine communauté de vues sur l’état actuel de la culture d’avant-garde, Debord semble complètement désavouer la notion de romantisme révolutionnaire pour rendre compte des activités de l’I.S., et de toute tentative révolutionnaire dans la culture dans la mesure où elle prétendrait sortir du vide régnant.
La raison en est simple : alors que les situationnistes se placent du point de vue du dépassement de l’art, Lefebvre, dans son article, reste prisonnier des anciennes catégories esthétiques d’œuvre et de genre. On mesure l’écart qui existe entre les situationnistes et Henri Lefebvre lorsqu’on lit par exemple sous la plume de ce dernier que « chaque œuvre forme un tout – un objet privilégié – et ne peut pas ne pas former un tout (même lorsqu’elle espère s’affranchir de cette loi) »18 (Henri Lefebvre, op. cit., p. 658-662 et p. 666).
Contre l’ancien romantisme qui introduisait l’ambiguïté parmi les catégories de l’esthétique en mélangeant les genres, Lefebvre donne pour tâche au nouveau romantisme d’insister au contraire sur la netteté de leur délimitation – même s’il invite aussi à les saisir de manière historique et dialectique, dans leurs « transformations fonctionnelles » par rapport à leur contenu expressif. Les situationnistes, eux, ont définitivement rompu avec cette manière de comprendre l’art à venir : leur action se situe désormais sur un autre terrain, celui de la construction d’une vie quotidienne passionnante, ce qui signifie que la seule œuvre admissible sera l’existence elle-même. « Aucune peinture n’est défendable d’un point de vue situationniste. Ce genre de problème ne se pose plus », déclare par exemple Debord à la même époque 19 (Lettre de Guy Debord à Constant datée du 25 septembre 1958 (Guy Debord, Correspondance, volume 1).
– et l’I.S. adoptera même en 1961 une résolution définissant toutes les œuvres que les situationnistes pourraient produire comme des œuvres « anti-situationnistes »20 (Internationale Situationniste n° 7, avril 1962, p. 27-28).
En décembre 1959, les situationnistes renchérissent sur la question en expliquant :
Quand [Lefebvre] propose une conception de l’art moderne (le romantisme-révolutionnaire), il conseille aux artistes de revenir à ce genre d’expression – ou à d’autres plus anciens encore – pour exprimer la sensation profonde de la vie, et les contradictions des hommes avancés de leur temps ; c’est-à-dire indistinctement de leur public et d’eux-mêmes. Lefebvre veut ignorer que cette sensation et ces contradictions ont déjà été exprimées par tout l’art moderne, et justement jusqu’à la destruction de l’expression elle-même. Il n’y a pas, pour des révolutionnaires, de possible retour en arrière. Le monde de l’expression, quel que soit son contenu, est déjà périmé..21 (Internationale Situationniste n° 3, décembre 1959, p. 5-6).
L’intérêt de la démarche de Lefebvre est certes d’avoir identifié le sujet majeur de l’art moderne : la contradiction existant entre l’individu et son temps, c’est-à-dire entre ses aspirations subjectives et les structures objectives de la société qui empêchent leur réalisation. Mais la limite de la conception de Lefebvre est de n’avoir pas vu que ce désaccord entre l’homme et le monde est devenu si violent, qu’il a supprimé de manière irréversible les possibilités formelles de sa propre représentation artistique.
Le but de l’I.S., en revanche, est de dépasser cette dissolution des formes artistiques, en libérant leur contenu émotionnel et expressif dans la vie quotidienne. Les émotions que l’artiste tentait auparavant de transmettre aux autres hommes par l’intermédiaire de ses œuvres doivent ainsi être directement vécues par tous, tandis que l’expressivité de l’artiste, en se dégageant d’un matériau qui imposait l’unilatéralité de la relation entre l’œuvre d’art et le spectateur, doit devenir communication libre, passionnelle, ininterrompue.
Dans les numéros suivants de la revue, les situationnistes font référence à d’autres éléments théoriques apportés par Lefebvre dans ses livres récents : notamment la notion de vie quotidienne, ou sa théorie des moments. En janvier 1960, Henri Lefebvre, qui lit la revue depuis le début, finit donc par contacter son directeur de publication, c’est-à-dire Guy Debord, pour entamer un dialogue critique22 (Voir l’extrait de la lettre envoyée à Guy Debord par Henri Lefebvre, datée du 3 janvier 1960 (in Co..)
Une discussion s’engage, au cours de laquelle Debord est conduit à préciser de nouveau le rapport de l’I.S. au romantisme révolutionnaire. Contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture trop hâtive des « Thèses sur la révolution culturelle », Debord accorde à Lefebvre que, dans la mesure où ce concept « peut être appliqué à l’analyse de toutes les manifestations de la conscience moderne », il est possible de dire que l’Internationale Situationniste est romantique révolutionnaire « inconsciemment », pour ainsi dire « sans le savoir », parce qu’elle partage la sensibilité dominante de son temps, une sensibilité qui est celle du « désaccord avec le monde » (la thèse n°5, si on la lit attentivement, laissait déjà entendre cela). En revanche, pour reprendre les mots de la thèse n°7, la tâche pratique de surmonter ce désaccord avec le monde, elle, n’est pas romantique. Si elle devait le devenir, cela signifierait que l’I.S. a échoué dans son entreprise révolutionnaire, qu’elle n’aurait fait qu’apporter sa pauvre contribution à la décomposition culturelle ambiante, sans avoir pu porter le fer au cœur même de la société capitaliste. Sous ce rapport, l’entreprise situationniste doit donc être nécessairement considérée comme un dépassement du romantisme révolutionnaire. Ce qui amène Debord à conclure dialectiquement :
Je compte donc sur les perspectives “situationnistes” (qui, comme vous savez, ne craignent pas d’aller trop loin) au moins pour faire homologuer notre romantisme du côté révolutionnaire ; et, au mieux, pour dépasser tout romantisme.23 Lettre de Guy Debord à Henri Lefebvre datée du 5 mai 1960 (Correspondance, volume 1, op. cit., p. 3).
En 1960 s’achève donc la querelle du romantisme révolutionnaire. Debord et Lefebvre ont fini par nouer des relations amicales, et lorsque Lefebvre fait paraître en 1962 son Introduction à la modernité, dont le dernier chapitre intitulé « Vers un nouveau romantisme ? » développe les intuitions de son article de 1957 24 (Henri Lefebvre, Introduction à la modernité. Préludes, Paris, Editions de Minuit, 1962, p. 235-373).
les situationnistes, qui y sont une nouvelle fois présentés sous l’étiquette de « romantiques », ne manifestent pas leur désaccord sur ce point, dans la mesure où Lefebvre a fait sienne la thèse d’un dépassement et d’une réalisation de l’art dans la vie quotidienne, par-delà toutes les œuvres. Le désaccord, cette fois, porte plutôt sur le fait que Lefebvre assimile les situationnistes à la jeunesse révoltée, et de manière plus grave, rapproche abusivement leur critique sociale de celle que mène « un groupe de jeunesse oppositionnelle du parti communiste », intitulé La Ligne générale 25 (Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 332-339 ; et Internationale Situationnist).
Cette mésentente marque une détérioration des relations entre les situationnistes et Lefebvre, qui les conduira à rompre avec lui en 1963 ; notons tout de même que dans le tract qui rendra publique cette rupture, les situationnistes porteront tout de même au crédit du philosophe d’avoir été l’auteur d’une « importante approche de plusieurs des problèmes qui nous préoccupent, dans La Somme et le Reste et même bien avant, quoique beaucoup plus fragmentairement, dans sa première Critique de la vie quotidienne et dans sa déclaration sur le romantisme révolutionnaire »26 (Tract « Aux poubelles de l’histoire ! » daté du 21 février 1963 (reproduit dans la revue Internationale S…).
Quand « être absolument moderne » est devenu une loi spéciale proclamée par le tyran, ce que l’honnête esclave craint plus que tout, c’est que l’on puisse le soupçonner d’être passéiste. Guy Debord, Panégyrique (1989).
Il faudrait maintenant rouvrir, à notre tour, la querelle du romantisme révolutionnaire. Cette querelle a permis aux situationnistes et à Lefebvre de préciser leurs positions sur le lien entre art et politique ; mais ce concept et la discussion à laquelle il a donné lieu, ont-ils encore un intérêt aujourd’hui ?
Le véritable intérêt de ces débats entre Lefebvre et les situationnistes, c’est d’avoir clairement affirmé et démontré que le romantisme est l’expression théorique et pratique d’une protestation contre la civilisation capitaliste et industrielle. Autrement dit, il est dans la nature même du romantisme d’être anticapitaliste – ce qui ne signifie pas qu’il est nécessairement révolutionnaire, ni que tout anticapitalisme est romantique. De plus, Lefebvre et les situationnistes ont reconnu dans le romantisme en tant que vision du monde le trait commun à nombre des courants artistiques apparus depuis le XIXe siècle. Peuvent ainsi être qualifiés de « romantiques », outre le romantisme proprement dit en tant qu’école littéraire, le symbolisme, l’expressionnisme ou le surréalisme, par exemple.
Il a fallu attendre une trentaine d’années pour que l’essence anticapitaliste du romantisme soit établie par des travaux plus systématiques, notamment ceux de Michael Löwy et de Robert Sayre 27 (Michael Löwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité).
L’apport d’Henri Lefebvre, des situationnistes et de leurs discussions a donc été précurseur pour tout ce qui concerne l’analyse des dynamiques socio-culturelles des deux derniers siècles : en effet, que le romantisme soit intrinsèquement anticapitaliste suppose que son existence est co-extensive à celle du capitalisme ; et dans la mesure où le capitalisme a déterminé positivement ou négativement les manifestations historiques des deux derniers siècles, cela signifie par exemple qu’on ne peut comprendre l’histoire du mouvement ouvrier ou des avant-gardes artistiques sans faire usage du concept de romantisme 28 (Pour une étude des rapports unissant le romantisme et les débuts du mouvement ouvrier, cf. Sarane ).
Mais ce qu’ont aussi démontré des chercheurs comme Robert Sayre et Michael Löwy, c’est que le refus romantique de la civilisation capitaliste et industrielle ne pouvait se formuler qu’en prenant appui sur des valeurs et des idéaux issus du passé, ce que refusaient d’admettre aussi bien les situationnistes que Lefebvre dans leur compréhension du romantisme révolutionnaire.
Pour mémoire, Lefebvre, dans son article, expliquait :
Tout romantisme se fonde sur le désaccord, sur le dédoublement et le déchirement. En ce sens, le romantisme révolutionnaire perpétue et même approfondit les dédoublements romantiques anciens. Mais ces dédoublements prennent un sens nouveau. La distance (la mise à bonne distance) par rapport à l’actuel, au présent, au réel, à l’existant, se prend sous le signe du possible. Et non au titre du passé, ou de la fuite.29 (Henri Lefebvre, « Vers un romantisme révolutionnaire », op. cit., p. 667).
Et Debord ajoutait pour sa part, dans une lettre à Lefebvre :
Si le romantisme peut se caractériser, généralement, par un refus du présent, sa non-existence traditionnelle est un mouvement vers le passé ; et sa variante révolutionnaire une impatience de l’avenir. Ces deux aspects sont en lutte dans tout l’art moderne, mais je crois que le second seul, celui qui se livre à des revendications nouvelles, représente l’importance de cette époque artistique.30 (Lettre de Guy Debord à Henri Lefebvre datée du 5 mai 1960 (Correspondance, volume 1, op. cit., p. 3).
Lorsqu’on relit aujourd’hui les documents de cette discussion, on remarque que Guy Debord et Henri Lefebvre ont en quelque sorte été pris à revers dans leur propre querelle, l’histoire se chargeant ironiquement d’opérer dans leur dos la synthèse négative de leurs positions respectives. En effet, le seul élément sur lequel Lefebvre et Debord étaient entièrement d’accord – une opposition conséquente au capitalisme ne peut se faire du point de vue du passé – s’est trouvé être aussi le seul élément démenti par leurs propres écrits et leurs propres pratiques, révélant une méprise complète sur le sens et les modalités de leur volonté de bouleversement social, un décalage inattendu entre leurs propres positions et la représentation qu’ils en avaient.
En effet, la critique anticapitaliste de Lefebvre et des situationnistes trouvait elle-même ses armes dans une compréhension à la fois sensible, intuitive et rationnelle du passé de l’humanité et de son importance comme point d’appui pour une politique révolutionnaire.
Chez Henri Lefebvre, et précisément dans son Introduction à la modernité, il y a par exemple cet aveu surprenant sous la plume d’un marxiste :
Il y eut dans le passé des périodes heureuses relativement, au XIIIe siècle, peut-être, puis dans la première moitié du XVIe. Et c’est vrai, je suis dans une certaine mesure un homme du XVIe siècle. 31 (Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 360).
A cette époque-là, dans les campagnes béarnaises où il est né, et où il a passé de nombreuses années à étudier :
L’Etat […], celui de Paris et des Français, des Rois et des Républiques, n’avait pas encore passé sur ces contrées ; il n’avait pas encore nivelé et broyé ; la bourgeoisie, avec ses manies classificatrices et ségrégatives, n’avait pas encore séparé les pays, les âges, les métiers et les arts. […] Comme cette vieille France, qui n’était pas encore la France, vivait de façon succulente ! On connaissait alors la médiocrité dorée que les poètes classiques ne chantèrent que perdue. Alors le pain de blé, les fruits, les raisins et le vin de la vigne eurent toute leur saveur. Un art de vivre admirable mit en valeur le peu de richesses et les rares biens.
Se livrant avec passion à un éloge romantique des anciennes communautés pastorales et paysannes, Lefebvre explique ainsi que c’est de là que vient sa révolte contre la société moderne :
Si je déteste l’Etat, si je hais la bourgeoisie, ce n’est pas uniquement parce que je me souviens de ces temps comparables à l’Age d’Or, mais c’est beaucoup au nom de ces souvenirs.32 (Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 355).
Et il ajoute :
En ce qui me concerne, je ne regretterai jamais d’avoir connu, dans un coin périphérique de la province française, des formes de vie archaïques, ou leurs dernières traces. J’y ai beaucoup appris. J’ai compris ce que pouvait être un ordre humain, dans lequel l’homme ne se séparerait pas du monde, ni la conscience de l’être, unité féconde. Je m’y réfère encore. […] Si j’ai pu comprendre la pensée d’Engels, d’après laquelle les pas en avant de l’humanité laissèrent tous quelque chose en arrière, […] c’est à partir de ces expériences.33 (Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 361-362).
Le début du XVIe siècle, et plus largement le déclin du Moyen Age, était aussi l’une des époques de prédilection de Guy Debord ; il y puisait à la fois ses références politiques (Machiavel, Guichardin, La Boétie) et ses inspirations poétiques (François Villon, Charles d’Orléans, Jorge Manrique).
De la même façon, Guy Debord et ses compagnons firent souvent la démonstration que leur projet révolutionnaire s’appuyait sur une réévaluation des possibilités de vie libre gisant dans le passé historique des sociétés humaines. Ils portèrent ainsi un grand intérêt aux sociétés dites « primitives » (le bulletin qu’éditèrent entre 1954 et 1957 les futurs situationnistes s’appelait significativement Potlatch) ; à la chevalerie médiévale (l’errance des chevaliers de la Table ronde servait aux situationnistes de modèle symbolique pour rendre compte de leurs expériences de dérive dans les villes 34 (Cf. Boris Donné, (Pour Mémoires). Un essai d’élucidation des « Mémoires » de Guy Debord, Paris, All.); et en 1978 Debord choisissait encore la métaphore de la quête du Graal pour évoquer l’histoire du mouvement situationniste 35 (Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni [1978], Paris, Gallimard, 1999, p. 39-41); aux Gitans enfin, qui représentaient une sorte de survivance dans le présent des formes de communauté précapitalistes (depuis la collaboration des situationnistes en 1956 avec les Gitans d’Alba, en Italie, en vue de la construction d’un campement pour les abriter 36 (Sur les rapports des situationnistes Constant et Pinot-Gallizio avec les Gitans d’Alba, cf. Constant), jusqu’à l’amitié de Debord avec Tony Gatlif, qui « contribua largement à l’initier aux secrets du monde gitan »37 (Christophe Bourseiller, Vie et mort de Guy Debord, Paris, Plon, 1999, p. 425. ).
Ce qui intéressait les situationnistes dans ces communautés était leur existence indépendante de l’Etat et de l’accumulation capitaliste, soit parce qu’elles leur étaient antérieures, comme les sociétés archaïques ou la chevalerie médiévale, soit parce qu’elles échappaient à leur emprise, comme les Gitans. Il ne s’agissait pas, bien sûr, de reproduire tel quel, dans une société communiste, le mode de vie des chevaliers, des nomades ou des Amérindiens, mais de s’appuyer sur leur exemple pour concevoir de nouvelles formes de vie désaliénée.
C’est encore le sens de ce qu’écrivait Debord en 1979, dans la préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle, bien que les modèles historiques soit ici à rechercher dans les cités de l’Antiquité grecque et les républiques italiennes de la Renaissance :
La révolution qui veut établir et maintenir une société sans classes […] peut assez aisément commencer partout où des assemblées prolétariennes autonomes, ne reconnaissant en dehors d’elles aucune autorité ou propriété de quiconque, plaçant leur volonté au-dessus de toutes les lois et de toutes les spécialisations, aboliront la séparation des individus, l’économie marchande, l’Etat. Mais elle ne triomphera qu’en s’imposant universellement, sans laisser une parcelle de territoire à aucune forme subsistante de société aliénée. Là, on reverra une Athènes ou une Florence dont personne ne sera rejeté, étendue jusqu’aux extrémités du monde ; et qui, ayant abattu tous ses ennemis, pourra enfin se livrer joyeusement aux véritables divisions et aux affrontements sans fin de la vie historique.38 (Guy Debord, « Préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle » [1979], ….).
Dans cette vision du monde typiquement romantique et néanmoins révolutionnaire, le passé historique prend une nouvelle valeur : il n’est plus, comme croyaient pouvoir le dénoncer Lefebvre et Debord, la compensation illusoire d’un présent aliénant, « une fuite réactionnaire hors du réel » 39 ( « Dès l’origine, il y a dans le surréalisme, qui par là est comparable au romantisme, un antagonisme…), mais il constitue le meilleur point d’appui de la critique sociale, parce qu’il porte en lui la critique du présent, la conscience du bonheur et de sa perte. Avoir le goût du passé devient donc une condition indispensable pour émettre un jugement révolutionnaire sur le monde présent, mais aussi pour envisager de nouvelles formes d’existence. Dans ce sens, le romantisme inspirant les démarches de Lefebvre ou des situationnistes ne peut pas se comprendre dans une opposition entre le passé et le possible, mais dans leur synthèse dialectique, c’est-à-dire le décèlement du passé comme possible encore à l’œuvre dans l’histoire. Et ce décèlement est aussi un descellement : une projection du passé dans le ciel de l’avenir, comme une image utopique guidant le combat présent. Il s’agit là d’une opération à visée politique, et cependant ceux qui la mènent n’ont pas d’autre outil que leur propre sensibilité esthétique : là réside l’authentique romantisme révolutionnaire.
En dernière analyse, c’est cette sensibilité romantique qui irriguait souterrainement la critique situationniste et qui faisait sa vigueur et son originalité. Celui qui représentait le mieux cette sensibilité dans l’I.S. était Guy Debord lui-même, dont la critique sociale a toujours été placée sous le signe mélancolique d’une méditation sur la perte : perte du temps, perte de ce qui faisait la beauté de la vie, perte de ceux qu’on aime, et perte de soi-même, pour finir 40 (La tonalité mélancolique de la pensée de Debord est assez largement résumée par le symbole obsédant ).
On oublie d’ailleurs trop souvent que l’I.S., en tant que projet de construction de situations, est née d’abord d’un pari sur le passage du temps, voulu par Debord lui-même :
Le principal drame affectif de la vie […] semble bien être la sensation de l’écoulement du temps. L’attitude situationniste consiste à miser sur la fuite du temps, contrairement aux procédés esthétiques qui tendaient à la fixation de l’émotion. Le défi situationniste au passage des émotions et du temps serait le pari de gagner toujours sur le changement, en allant toujours plus loin dans le jeu et la multiplication des périodes émouvantes. Il n’est évidemment pas facile pour nous, en ce moment, de faire un tel pari. Cependant, dussions-nous mille fois le perdre, nous n’avons pas le choix d’une autre attitude progressive.41 (Guy Debord, Rapport sur la construction des situations, op. cit., p. 42.)
Patrick Marcolini
1 Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique [1939], trad. M. de Gandillac, Paris, Allia, 2003, p. 74-78.
2 Le livre de Guy Debord portant ce titre paraît en 1967. La même année paraît l’autre ouvrage de référence du mouvement situationniste : le Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem.
3 Kurt Meyer, Henri Lefebvre : Ein romantischer Revolutionnär, Wien, Europa Verlag, 1973.
4 Si l’on excepte d’une part les communistes dissidents qu’étaient Pierre Naville et Dionys Mascolo, et d’autre part les marxistes influencés par le communisme de conseils, comme Claude Lefort et Cornelius Castoriadis.
5 Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, Paris, Métailié, 1988.
6 Henri Lefebvre, « Vers un romantisme révolutionnaire », La Nouvelle Revue Française, 1er octobre 1957, p. 645 et 647.
7 Guy Debord, Rapport sur la construction des situations [1957], Paris, Mille et une nuits, 2000, p. 23.
8 Guy Debord, op. cit., p. 16-23.
9 Lefebvre écrit son article en mai 1957 et le publie en octobre de la même année, Debord publie le Rapport sur la construction des situations en juin 1957, et l’Internationale situationniste est fondée le mois suivant ; il est donc impossible qu’il y ait eu rencontre entre Lefebvre et les écrits situationnistes.
10 Henri Lefebvre, op. cit., p. 657.
11 Henri Lefebvre, op. cit., p. 664.
12 Henri Lefebvre, op. cit., p. 664.
13 Guy Debord, op. cit., p. 41.
14 Henri Lefebvre, op. cit., p. 662-663 et p. 670-671.
15 Henri Lefebvre, op. cit., p. 665.
16 Henri Lefebvre, op. cit., p. 669.
17 Guy Debord, « Thèses sur la révolution culturelle », Internationale Situationniste n°1, juin 1958, p. 21.
18 Henri Lefebvre, op. cit., p. 658-662 et p. 666.
19 Lettre de Guy Debord à Constant datée du 25 septembre 1958 (Guy Debord, Correspondance, volume 1 [juin 1957-août 1960], Paris, Fayard, 1999, p. 139) ; propos qui sera repris tel quel dans la revue Internationale Situationniste en décembre 1958, sous la signature du comité de rédaction de la revue (Internationale Situationniste n°2, p. 24).
20 Internationale Situationniste n° 7, avril 1962, p. 27-28.
21 Internationale Situationniste n° 3, décembre 1959, p. 5-6.
22 Voir l’extrait de la lettre envoyée à Guy Debord par Henri Lefebvre, datée du 3 janvier 1960 (in Correspondance, volume 1, op. cit., p. 313).
23 Lettre de Guy Debord à Henri Lefebvre datée du 5 mai 1960 (Correspondance, volume 1, op. cit., p. 332).
24 Henri Lefebvre, Introduction à la modernité. Préludes, Paris, Editions de Minuit, 1962, p. 235-373.
25 Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 332-339 ; et Internationale Situationniste n°8, janvier 1963, p. 61-62. Pour l’anecdote, parmi les membres de La Ligne générale figure Georges Perec, qui n’est encore à l’époque qu’un écrivain inconnu. Sur les rapports existant entre Lefebvre, les situationnistes et La Ligne générale, cf. Matthieu Rémy, « Georges Perec dans l’air du temps situationniste », Archives et documents situationnistes n°4, automne 2004, p. 119-135.
26 Tract « Aux poubelles de l’histoire ! » daté du 21 février 1963 (reproduit dans la revue Internationale Situationniste n°12, septembre 1969, p. 108 à 111).
27 Michael Löwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Paris, Payot, 1992. Michael Löwy a dirigé, en collaboration avec Max Blechman, un numéro spécial de la revue Europe consacré au « romantisme révolutionnaire » (Europe n°900, avril 2004). Cf. aussi Michael Löwy, L’Etoile du matin. Surréalisme et marxisme, Paris, Syllepse, 2000 (cet ouvrage contient notamment un chapitre sur « le romantisme noir de Guy Debord »).
28 Pour une étude des rapports unissant le romantisme et les débuts du mouvement ouvrier, cf. Sarane Alexandrian, Le Socialisme romantique, Paris, Seuil, 1979.
29 Henri Lefebvre, « Vers un romantisme révolutionnaire », op. cit., p. 667.
30 Lettre de Guy Debord à Henri Lefebvre datée du 5 mai 1960 (Correspondance, volume 1, op. cit., p. 332).
31 Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 360.
32 Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 355.
33 Henri Lefebvre, Introduction à la modernité, op. cit., p. 361-362.
34 Cf. Boris Donné, (Pour Mémoires). Un essai d’élucidation des « Mémoires » de Guy Debord, Paris, Allia, 2004, p. 134-141.
35 Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni [1978], Paris, Gallimard, 1999, p. 39-41.
36 Sur les rapports des situationnistes Constant et Pinot-Gallizio avec les Gitans d’Alba, cf. Constant, « New Babylon, une ville nomade », in Nomades et vagabonds (Cause commune n°2), Paris, Union générale d’éditions, 1975, p. 202-230 ; et Francesco Careri, « New Babylon. Le nomadisme et le dépassement de l’architecture », in Constant, une rétrospective, Antibes, Musée Picasso / Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, p. 42-65.
37 Christophe Bourseiller, Vie et mort de Guy Debord, Paris, Plon, 1999, p. 425. Debord fait plusieurs fois référence aux Gitans dans ses dernières œuvres, et son épouse est l’auteur d’une belle étude sur l’apport des Gitans à l’argot des classes dangereuses (Alice Becker-Ho, Les Princes du Jargon [1990], Paris, Gallimard, 1993).
38 Guy Debord, « Préface à la quatrième édition italienne de La Société du spectacle » [1979], reproduite à la suite des Commentaires sur la société du spectacle [1988], Paris, Gallimard, 1992, p. 146-147.
39 « Dès l’origine, il y a dans le surréalisme, qui par là est comparable au romantisme, un antagonisme entre les tentatives d’affirmation d’un nouvel usage de la vie et une fuite réactionnaire hors du réel. » (« Suprême levée des défenseurs du surréalisme à Paris et révélation de leur valeur effective », article anonyme publié dans Internationale Situationniste n°2, décembre 1958, p. 33)
40 La tonalité mélancolique de la pensée de Debord est assez largement résumée par le symbole obsédant des « enfants perdus » dans son œuvre, comme l’a montré Vincent Kaufmann dans sa biographie intellectuelle du fondateur de l’I.S. (Vincent Kaufmann, Guy Debord. La révolution au service de la poésie, Paris, Fayard, 2001, p. 23-124).
41 Guy Debord, Rapport sur la construction des situations, op. cit., p. 42.
Patrick Marcolini , « L’Internationale situationniste et la querelle du romantisme révolutionnaire », Noesis [En ligne] , N°11 | 2007 , mis en ligne le 06 octobre 2008, Consulté le 31 juillet 2011. URL : http://noesis.revues.org/index723.html
Patrick Marcolini. Doctorant à l’Université de Nice-Sophia Antipolis, au sein du laboratoire du Centre de Recherche d’Histoire de idées, achève actuellement une thèse intitulée Esthétique et politique du mouvement situationniste ? Pour une généalogie de ses pratiques et de ses théories (1952-1972)
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