Alors que le sexisme a fait irruption dans le débat public, l’égalité femmes-hommes pourrait bien devenir un enjeu de la campagne présidentielle, à condition que les politiques s’emparent réellement du sujet. Les féministes sont là pour y veiller. Et se mobiliseront pour que le féminisme soit un des sujets majeurs de ces élections. Ces derniers temps, on a pu sentir en France un ras-le-bol des inégalités s’exprimer toujours plus fortement. Au point que, selon un sondage réalisé il y a quelques semaines pour le Laboratoire de l’Égalité, 73% des Français jugeraient important que l’égalité entre les femmes et les hommes soit à l’ordre du jour des élections présidentielles de 2012. L’appel contre le sexisme, signé en quelques jours par 30 000 personnes, en fut une des illustrations.
Mais la montée de l’indignation contre le sexisme ne date pas de l’affaire de New-York.
À l’automne 2010 déjà, les inégalités entre les retraites des femmes et celles des hommes avaient été un enjeu important des manifestations contre la réforme des retraites, avec en miroir les inégalités salariales et la précarité au travail qui touche en premier lieu les femmes.
Depuis, l’indignation n’est pas retombée
Nous observons, chaque semaine, des mobilisations contre la fermeture des centres d’IVG et des maternités de proximité.
Sur le site « Vie de Meuf » s’exprime chaque jour l’expression du ras-le-bol du sexisme ordinaire au travail et dans la vie quotidienne. Nous assistons donc bien à une évolution profonde dans la société française.
Une aspiration profonde
Cette aspiration qui traverse la société française est le fruit de mobilisations féministes qui ont permis de mettre sur le devant de la scène la question des inégalités et offert des modes d’intervention variés aux personnes qui voulaient passer à l’action. Ces m o b i l i s a t i o n s ont contribué à élever le niveau d’exigence en matière d’égalité.
Un certain nombre de revendications ont été clairement exprimées lors des Rencontres d’été « Féministes en mouvement ».
Notre texte de sortie l’affirme : « 2012 ne se fera pas sans les féministes : nous exigeons l’égalité maintenant ! » (Voir ci-dessous).
Ainsi, le mouvement féministe, dans sa grande diversité, se fait le porte-voix de toutes celles et de tous ceux qui veulent en finir avec les inégalités.
Il met en avant dès maintenant un projet global et des priorités à l’adresse des pouvoirs publics et des partis politiques qui ont pour ambition de diriger le pays demain. Parmi les mesures à prendre d’urgence, une véritable politique de lutte contre les violences faites aux femmes, un accès véritablement libre et gratuit à la contraception, des sanctions – appliquées – dans les entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle et salariale.
Pas d’instrumentalisation !
Avec l’arrivée à grands pas des élections présidentielles, certains partis politiques ont pris conscience de cette aspiration et font mine ou tentent de proposer des réponses, y compris ceux, qui,
à priori, ne se sont pas fait connaître pour leur féminisme invétéré.
Ainsi, le Nouveau Centre - qui ne compte aucune femme dans son groupe à l’Assemblée nationale - a organisé en mars une convention intitulée « Où sont les femmes ? » (?!!).
Si les partis politiques prennent enfin conscience de l’importance de l’inégalité femmes-hommes, c’est tant mieux. A condition que cela ne soit pas un engagement de circonstance.
Dans la course électorale qui s’annonce en 2012, on pourrait craindre que la thématique de l’égalité ne soit absente des débats.
Mais, inversement, le danger peut être grand de voir instrumentaliser les droits des femmes.
Certains, sur ce sujet, avancent cachés. Ainsi, derrière sa nouvelle image plus policée que du temps de Jean-Marie Le Pen, le Front National prévoit toujours sur son site internet un référendum pour remettre en cause le droit à l’IVG. Défenseur d’une politique familialiste, il s’est toujours opposé aux acquis féministes.
2012, le moment d’interpeller !
Nous en sommes convaincu-e-s, la politique, les politiques, peuvent changer les choses. En bien ou en mal. Ainsi, depuis 4 ans, la politique du gouvernement a eu des conséquences désastreuses pour les femmes, comme nous l’avons dénoncé à maintes reprises. Mais par le passé, nous avons constaté que la politique peut aussi améliorer la situation des femmes.
Les plus grandes avancées obtenues en matière d’égalité femmes-hommes ces dernières décennies ont été le fruit d’une volonté politique réelle des pouvoirs publics.
Ne l’oublions pas, ces avancées ont d’abord pris la forme d’exigences et de luttes féministes. Combien de manifestations, de pétitions, d’actions coup de poing, pour obtenir le droit de vote, le droit à la contraception, à l’avortement, ou, plus tard, laloi sur la parité ?
Mais si nous, féministes, ne forçons pas les partis politiques à prendre en compte nos exigences et à prendre des engagements concrets en matière d’égalité, qui les mettra en oeuvre ?
Dans notre pays, la campagne qui précède les élections présidentielles et législatives est un moment unique de débat public.
Nous en avons fait l’expérience douloureuse en 2002 avec la sécurité ou en 2007 avec le « travailler plus pour gagner plus » : les thèmes de la campagne présidentielle influent fortement sur les politiques mises en oeuvre les cinq années suivantes.
Dans les mois qui viennent, il sera de notre responsabilité d’offrir des débouchés concrets à l’indignation qui s’est exprimée ces derniers temps. Les responsables politiques doivent entendre que l’égalité femmes-hommes n’est pas – n’est plus - un sujet annexe. Plus nous serons nombreuses et nombreux dans la société à nous mobiliser, plus l’égalité aura une chance d’avancer.
Alors, c’est décidé, en 2012, les féministes s’invitent dans la campagne !
Venez mener cette bataille excitante à nos côtés !
Thalia Breton
L’égalité c’est maintenant !
Plus de 600 personnes se sont retrouvées les 2 et 3 juillet derniers à Évry, pour les Rencontres d’été « Féministes en mouvement ». À l’initiative de Osez le féminisme !, ce sont au total 44 associations qui ont organisé ces rencontres.
Un texte a été adopté, posant 10 exigences pour 2012 :
1. La création d’un ministère d’État des droits des femmes et d’une administration dédiée, dotés de moyens d’intervention conséquents et appropriés.
2. Que l’égalité professionnelle et salariale devienne une priorité nationale : en contraignant les employeuses et employeurs à mettre en place l’égalité réelle sous peine de sanctions, en développant le service public de la petite enfance et en créant celui des personnes dépendantes.
3. Que l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes fasse partie intégrante de la formation des actrices et acteurs éducatifs, comme des programmes d’enseignement, de la petite enfance à l’université.
4. Que la lutte contre toutes les formes de violences et de discriminations envers les femmes se traduise notamment par la mise en oeuvre des dispositifs existants et l’affectation de moyens adaptés.
5. Que l’accès libre et gratuit à la contraception et à l’IVG soit garanti sur l’ensemble du territoire et que l’éducation à la sexualité devienne une priorité.
6. Que la parité dans les instances de décision politique soit effective à tous les niveaux de représentation dès les législatives de 2012 et que la réforme territoriale soit profondément revue sous cet angle.
7. Que les droits des personnes soient les mêmes pour toutes et tous quelle que soit leur identité ou leur orientation sexuelle.
8. Que l’État impose à l’échelon européen une harmonisation par le haut des droits des femmes.
9. Que l’État favorise toutes les politiques en faveur des droits des femmes dans le monde et accorde le droit d’asile aux victimes de violences sexistes ou sexuelles, dont les femmes victimes du système prostitueur. Il faut enfin régulariser les travailleuses et travailleurs sans papiers.
10. Que l’État reconnaisse comme essentiel le travail mené par les associations féministes et leur affecte des financements pluriannuels conséquents, indispensables à la mise en oeuvre d’actions pérennes.
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