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mardi 2 novembre 2010

La journée de la Femme c'est tous les jours


La loi, la liberté et les femmes

Le livre d'Eliette Abécassis, Une Affaire Conjugale, met en scène un divorce dans le cadre d'un harcèlement moral et de violences conjugales. Toutes les étapes qui mènent de la prise de conscience du harcèlement, à la libération y sont décrites. C'est en analysant au quotidien, les méthodes et manœuvres d'un homme manipulateur et dominateur, que l'on nomme aujourd'hui, un pervers narcissique, que l'ouvrage nous décrit la dépossession de toute faculté critique, et la perte de sa valeur sociale et humaine que subit Agathe, la narratrice. C'est la force de la description de la violence psychologique vécue par le personnage central, c'est l'analyse lucide des conséquences traumatiques de ladite violence, qui ont permis à de nombreuses lectrices d'enfin prendre conscience de l'agression quotidienne dont elles sont les victimes. En décrivant pour la première fois les méthodes de domination psychologique vues de l'intérieur, en mettant en lumière ce phénomène social, Eliette Abecassis brise un tabou et ouvre la porte de la parole, permettant de mettre en mots une souffrance tue, et qui parfois, tue.En témoigne la loi n° 2010-769 du 9 juillet, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, qui a créé le délit de violence conjugale à caractère psychologique. L'Etat, le législateur, a reconnu et mis un nom sur la souffrance tue des femmes, souffrance taboue, qui ne se dit pas par honte, par désespoir, par solitude. Grâce à l'ouvrage d'Eliette Abécassis, et dans le cadre de la loi, il est désormais possible de prendre conscience de ce que l'on peut tolérer ou non, accepter ou non. Grâce à cette loi, une nouvelle norme a donc été créée : "Tu ne harcèleras Point", en d'autres termes : "Tu respecteras ton prochain".

Pour répondre aux polémiques soulevées par la loi, il paraît évident que cette loi est tout sauf liberticide et inutile. Elle ne tend pas, dit Jean-François Kahn, à "judiciariser les rapports privés et donc à établir une sorte de police des intimités". Elle répond au devoir de l'Etat de s'immiscer dans la vie privée lorsque celle-ci devient indigne et qu'elle met en danger les êtres humains dans leur intégrité physique et morale. Si l'on suit la trajectoire d'Agathe dans Une affaire conjugale, on perçoit toute la détresse d'un personnage qui a le malheur d'être sous la coupe d'un "pervers narcissique". Elle se sent en danger chez elle, prisonnière de la situation qu'elle subit. L'Observatoire national de la délinquance a mis en évidence qu'aujourd'hui une femme est plus en danger chez elle qu'à l'extérieur, et que la délinquance au sein de la cellule familiale est en constante augmentation. Mais le phénomène de la violence conjugale, dans son fonctionnement psychologique, et notamment les conséquences traumatiques considérables dont souffrent les victimes, reste soit méprisé, soit méconnu et tabou. Dénier aux victimes des violences psychologiques le droit à la reconnaissance légale, c'est accorder un blanc-seing aux auteurs des-dites violences.

FEMME ET LIBRE

La violence psychologique mène souvent à la violence physique : aussi, créer ce délit de violence à caractère psychologique, c'est combattre le phénomène de la violence conjugale en amont, c'est permettre à une femme d'avoir les moyens, en prenant conscience de ce qu'elle subit, de s'extirper du cycle infernal de la violence, avant que cette violence physique ne puisse s'installer irrémédiablement. Ce fléau – car il s'agit bien d'un fléau social – est désormais reconnu socialement, juridiquement. Comme le fait Eliette Abécassis, il s'agit aujourd'hui de développer une sensibilité à la violence morale, d'apprendre purement et simplement aux femmes et aux hommes à la repérer et à la refuser. Il s'agit également d'encourager les victimes de ces violences à s'extirper de cette situation, à en affronter les auteurs en marquant fermement les limites, et à condamner et faire condamner les comportements de ce type ce qui est désormais possible grâce à la loi. Comme le montre très bien Une affaire conjugale, les victimes de violence à caractère psychologique, privées de tout libre-arbitre et de tout regard critique sur la situation qu'elles subissent, sont dans l'impossibilité de nommer ce qu'elles vivent, ou ce qu'elles ne peuvent tolérer. D'un état d'enfermement psychique total, elles ont désormais accès à une parole libérée et elles retrouvent ainsi leur liberté d'esprit et d'action.

Le délit de violence conjugale à caractère psychologique va permettre d'asseoir le principe, la norme de respect dans le couple. Cette norme va aider les femmes à comprendre qu'il n'existe aucune considération culturelle ou religieuse excusant la violation de leurs droits. L'enquête ENVEFF (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France menée du 3 mars au 17 juillet 2000 sur un échantillon de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans), souligne les liens entre religion et situations de violence conjugale, le fait d'avoir été élevée dans une religion et l'importance accordée à la religion. Plus de 5 % des femmes qui vivent dans une ambiance imprégnée de religiosité sont confrontées à des situations de violence, contre moins de 2 % des femmes qui ont répondu accorder peu ou pas d'importance à la religion. Et l'enquête ENVEFF, unique étude sérieuse que nous ayons à ce jour se conclut ainsi : "Il est visible que les violences conjugales dépendent grandement des représentations de rôles et fonctions masculins et féminins au sein du couple, et plus globalement de l'image sociale de la femme". Il ne s'agit nullement ici d'incriminer la pratique religieuse en tant que telle. Il s'agit uniquement d'affirmer que c'est bien le détournement de ces pratiques religieuses par certains qui les conduit à asseoir leur domination sur la femme, au nom de prétendus principes religieux.

On peut être catholique et libre, musulmane et libre, juive et libre. Et surtout, aujourd'hui, on peut et on doit être femme et libre.

Yael Mellul, avocate

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