Trêve hivernale : Benoist Apparu, ministre du logement, prône une politique de prévention
La trêve hivernale
Du 1er novembre au 15 mars, les jugements d'expulsions locatives sont suspendus (code de la construction et de l'habitation). Une fois ces quatre mois et demi passés, les expulsions reprennent et les locataires doivent quitter leur logement après décision d’un tribunal et la réquisition d’un huissier. En 2008, 30 000 expulsions ont été enregistrées sur le territoire français, dont 11 300 après intervention de la force publique.
Invité sur Europe 1, le secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu, a prôné lundi 1er novembre un juste équilibre entre associations de défense des mal-logés et propriétaires, qui s'opposent sur les expulsions, interdites jusqu'au 15 mars en vertu de la trêve hivernale. Selon la Fondation Abbé-Pierre, qui estime qu'il y a 3,5 millions de mal-logés en France, le nombre des expulsions a cependant augmenté ces dernières semaines, juste avant l'ouverture de la période de protection des familles en situation d'impayés. Benoist Apparu a réfuté ces allégations, assurant que les préfets n'avaient reçu "aucune instruction" visant à accélérer les expulsions. Globalement, en dix ans, le nombre d'expulsions a doublé en France, pour dépasser les 11 000 par an, selon Jean-Baptiste Eyraud, fondateur de l'association Droit au logement (DAL), qui a fêté ses vingt ans ce week-end. Pour les locataires qui rencontrent des difficultés, "il y a des procédures de prévention", a expliqué Benoist Apparu. "On souhaite évidemment traiter ce problème le plus tôt possible pour éviter d'en arriver à l'expulsion", a fait valoir le secrétaire d'Etat. Il a rappelé la mise en place, en 2009, d'un numéro gratuit "SOS impayés" et la création de commissions départementales, composées de représentants des propriétaires, des locataires et des caisses d'allocations familiales "pour avoir les informations et les traiter très vite". La Fondation Abbé-Pierre estime toutefois que "moins d'un tiers" de ces commissions fonctionnent réellement.
DES AVANCÉES DU POINT DE VUE DU DROIT
Pour Jean-Baptiste Eyraud, les choses ont évolué dans le bon sens sur le plan du droit : les expulsions sont mieux encadrées, la loi SRU instaure un quota obligatoire de logements sociaux dans les constructions neuves jusqu'à la création du "droit au logement opposable" (loi DALO) en 2007. Mais ces mesures sont peu voire pas appliquées, a-t-il dénoncé sur France Info : "L'Etat traîne les pieds."
De plus, combinée au boom immobilier, la crise de 2008 a rendu la situation des mal-logés encore plus précaire, touchant des personnes jusqu'alors épargnées comme les jeunes travailleurs, les retraités ou les salariés pauvres, a déploré Jean-Baptiste Eyraud.
Le DALO permet en théorie aux personnes ayant droit à un logement social de se retourner contre l'Etat mais en réalité, selon la Fondation Abbé-Pierre ou le DAL, peu de solutions concrètes sont trouvées pour les familles – ce que ne dément pas le secrétaire d'Etat au logement. "On a du mal à remplir nos obligations, a-t-il reconnu. L'an dernier, en Ile-de-France par exemple, à peine 25 % des dossiers de personnes reconnues DALO étaient logées au moment où il fallait le faire. On est monté à 40 % cette année. C'est un peu mieux mais pas encore du tout satisfaisant." "Dans les zones tendues comme la région parisienne, c'est une catastrophe. Depuis janvier 2008, le nombre de demandeurs prioritaires non relogés augmente", a rappelé Jean-Baptiste Eyraud.
"EXPULSION SIMPLIFIÉE"
Sur un autre front, associations et opposition comptent mettre à profit la trêve hivernale pour contrer un article du projet de loi sur la sécurité intérieure, dite « Loppsi 2 », synonyme d'expulsion simplifiée à leurs yeux. Introduit par l'UMP, l'article 32 ter A permet aux préfets d'ordonner des expulsions immédiates, sous quarante-huit heures en cas d'occupation illicite d'un terrain, sans avoir à demander de décisions de justice et sans obligation de relogement. Pour le DAL, cette disposition "vise et accable les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement" – gens du voyage, habitants de bidonvilles ou de maisons sans permis de construire.
L'article a été adopté en septembre par les sénateurs. L'examen en deuxième lecture du texte Loppsi 2 a été repoussé à la fin novembre à l'Assemblée. Il n’est donc ni promulgué ni applicable.
Ni les textes d’application. Rappelons qu’aucune loi n’est rétroactive.
10 millions de personnes touchées de près ou de loin par la crise du logement… La question politique s’efface derrière la question humaine. Aux personnes sans abri, qui cumulent les difficultés et subissent parfois une inexorable chute dénuée de réelles perspectives, s’ajoutent désormais des catégories de population de plus en plus nombreuses qui ne se voient pas.
Ce 15e Rapport sur l’état du mal-logement se penche notamment sur les plus jeunes, en analysant comment l’enfant devient une « victime collatérale du mal-logement », comment la situation difficile de nombreuses familles impacte lourdement le quotidien et l’avenir des plus petits en provoquant des souffrances sociales (difficultés scolaires, difficultés d’insertion…) ou des pathologies médicales parfois irréversibles (saturnisme, problèmes de développement...).
Si la situation est grave, la Fondation Abbé Pierre refuse tout fatalisme et propose des pistes de solutions crédibles et réalisables, pour autant que la volonté politique soit réelle et consciente de cette priorité.
APIS et la Fondation Abbé Pierre
Rappel : Ce que le « Droit au logement opposable » a changé.
Depuis le 5 mars 2007, la loi instituant le droit au logement opposable (Dalo) oblige l'Etat à "garantir un logement décent et indépendant à toute personne [française et étrangère en situation régulière] qui n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir".
Dans chaque département, une commission examine les demandes dans un délai de trois à six mois selon la taille de la ville concernée. En cas d'avis favorable, la préfecture doit ensuite proposer un logement au demandeur dans les six mois suivants. Faute de quoi la personne non relogée pourra former un recours devant le tribunal administratif. L'Etat serait alors condamné à trouver un logement adéquat, ce jugement pouvant être assorti d'une amende.
Apis
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